Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Beaumont (Germaine) 1890-1983

Germaine Beaumont

1890-1983

 

   Pour en savoir plus sur cette auteure, consulter l'interview d'Hélène Fau grâce à qui on la redécouvre aujourd'hui. 

   Les chroniques des années 30, intitulées "Disques", ont été republiées par Le Dilettante  sous le titre "Si je devais", et la collection Omnibus propose un recueil de trois romans.

 

Qu'en est-il de sa poésie sur laquelle Maurice Béalu avait attiré l'attention dans son anthologie de 1953? Les poèmes paraissent toujours difficiles d'accès.  

 

 

 

Nocturne

 

Des Irlandaises vendaient sous les portes

des pommes de terre qui me brûlaient les doigts.

Quel vent désolé vous apporte

Londres, mon Londres d'autrefois?

 

Les chats cousaient les maisons l'une à l'autre

d'un fil noir, d'un fil roux, d'un fil blanc.

Ils faufilaient le jour et la nuit l'un à l'autre.

Des "derelicts" dormaient, distingués, sur des bancs.

 

La Tamise montait, mais en nappes légères

d'odeurs et de brouillards ténus.

Que de songes ainsi, dans l'ombre, sont venus

se prendre à vos chapeaux, nocturnes passagères!

 

L'Adelphi, vers le flot glissait en froides pentes

qu'une lanterne transperçait.

Et l'ivresse nouait sa forme titubante.

aux "street lamps" qu'elle enlaçait

 

Parfois un rat, qu'un bruit insolite déloge

s'enfonçait dans la vase avec un sifflement.

L'éternité bat dans vos coeurs comme une horloge,

Pèlerins de la nuit qui marchez en dormant.

 

J'ai frôlé, jeune encor, sans mesurer le risque,

ces épaves du temps perdu,

Cléopâtre dressant sa petite obélisque,

montrait le ciel d'un doigt tendu.

 

Elle perçait de l'aiguille,

votre opaque intensité,

nuit de Londres où scintille,

l'astre du déshérité.

 

Le bruit d'un pas, ce tendre ami des rues désertes

sonne encor dans mon souvenir.

Mon coeur attend au seuil d'une porte entr'ouverte,

Ce qui ne peut plus revenir.

 

Mon coeur perçoit au loin le convoi qui déraille

avec ses morts et ses vivants.

Quelqu'un court dans la nuit derrière un brin de paille

mais c'est le vent, mais c'est le vent.

 

 

 

Avec l'encre couleur du temps...

 

J'écris avec l'encre noire, les chagrins de tous les jours

Et leur trame sans histoire, et leur éternel retour...

J'écris le deuil des saisons et le mal de la raison

et le jour près de s'éteindre.

 

J'écris avec l'encre verte un jardin que je connais.

J'écris les feuilles et l'herbe que le printemps remuait...

J'écris la lumière douce des chemins de mon pays...

 

Avec l'encre violette, j'écris les soirs de bruyères

sur les terres désolées et j'écris les âmes fières

de n'être pas consolées.

 

j'écris avec l'encre rouge tous les feux qui m'ont brûlée

et tous les rubis qui bougent dans le fond des cheminées,

et le soleil qui se couche sur les plus longues journées,

et toutes les roses qui sur la mer s'en sont allées...



09/12/2012
1 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 157 autres membres