Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Gérard (Rosemonde), 1866-1953

Rosemonde Gérard

(Mme Jean Rostand)

1856-1953

Qu'est devenue l' anthologie "les Muses françaises" de Rosemonde Gérard ?

Paris-Soir

Paris-Soir  Gérard R. 1943.jpg

 

 

 

Anthologie Séché, Gallica

 

Un bon petit diable (féérie en 3 actes) 1912


 

La marchande d'allumettes, conte lyrique


 

Gai, gai marions-nous (Chansons de France)

Préface


 

 

 

- Les Pipeaux (1889)

 

 

Calendrier

 

Janvier nous prive de feuillage;

Février fait glisser nos pas;

Mars a des cheveux de nuage,

Avril des cheveux de lilas;

 

Mai permet les robes champêtres

Juin ressuscite les rosiers;

Juillet met l'échelle aux fenêtres,

Août, l'échelle aux cerisiers.

 

Septembre, qui divague un peu,

Pour danser sur du raisin bleu

S'amuse à retarder l'aurore;

 

Octobre a peur; Novembre a froid;

Décembre éteint les fleurs; et moi,

L'année entière je t'adore!

  

 

Il faut aimer

 

Il faut aimer le soir, l'aurore au talon rose,

Le manteau du mystère et le front du hasard,

Le sentier escarpé que monte un pied d'isard,

L'inaccessible fleur où la neige se pose.

 

Il faut aimer aussi le mur et le lézard,

Le banc familier et la plus simple chose;

Il faut aimer la brise, il faut aimer la rose,

Il faut aimer la rose et les vers de Ronsard.

 

Il faut aimer encor l'eau transparente et belle

Qui sur la berge vient aussitôt qu'on l'appelle,

Et l'arbre qui s'efface à la pointe des monts;

 

Il faut aimer le jour, le lendemain, la veille,

Le nid du rossignol, la ruche de l'abeille...

Il faut aimer surtout ceux-là que nous aimons!

 


 

 

Le palais

 

Quel malheur qu'il n'y ait pas, dans une prairie,

Un grand palais bleuâtre au clocher argentin

Qui, dans la solitude éternelle et fleurie,

Pourrait s'intituler: " La Banque du Destin."

 

Lorsque viendrait, avec sa couronne de feu,

L'heure où l'on veut vraiment mourir pour ce qu'on aime,

Dans l'élan éperdu d'une course suprême

On n'aurait qu'à courir vers le grand palais bleu.

 

Et, les yeux tout brûlants du sacrifice tendre,

On s'écrierait: " Ma vie à moi, je viens la vendre,

Pour assurer d'un autre coeur le battement!"

 

Mais, hélas, ce palais n'est pas dans la prairie...

Et, ceux pour qui cent fois on donnerait sa vie,

On leur fait quelquefois de la peine en vivant.

 

 


 

Le dernier papillon

 

Quand ne chante plus le grillon

Et qu'on est avant dans l'automne,

Quelque matin gris l'on s'étonne

De voir un dernier papillon.

 

Plus d'or, d'azur, de vermillon;

Son coloris est monotone;

La cendre dont il se festonne

Se mêle au sable du sillon.

 

D'où vient-il?...et par quelle porte?...

Est-ce, parmi la feuille morte,

Le seul des papillons vivants?

 

Ou, parmi la neige vivante,

La petite ombre transparente

D'un papillon mort au printemps?

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Et voici le "papillon mort" de Maurice Courant (1919-1907)

 

Papillon mort...
 

Papillon mort en plein soleil:

Tes ailes battent dans le vent

Comme si tu étais vivant; -

Ah! vers quel songe sans pareil

Te mène ton dernier sommeil,

Ou vers quel pur Soleil levant?


  

Le crapaud

 

Perdrix dont le coeur se tracasse

En longeant le pré de colza,

Aronde dont le chant se casse

Sitôt que le vol se posa,

 

Lézard dont le rayon traverse,

Vert, le mur des abricotiers,

Colimaçon des jours d'averse,

Rose, au bord de tous les sentiers;

 

Nous connaissons votre manière

De vivre, enfantine et légère,

Mais vous, Crapaud, toujours si vieux,

 

Est-ce vrai qu'une année entière

Vous demeurez dans une pierre

Avec du soleil dans les yeux?

 


 

 L'abeille

 

Le savant gribouri, qu'on nomme "secrétaire".

Sait écrire son nom sur la vigne du mur;

La fourmi fait courir des couloirs sous la terre;

Le papillon construit des chemins dans l'azur;

L'immense capricorne, au bord d'une prairie,

Semble conduire un char vers un but irréel...

Mais, puisant dans les fleurs de quoi nourrir la vie,

C'est l'abeille qui fait le miel.

 

Le calosome vert a des corsets d'infante;

Le notonecte obscur peut nager sur le dos;

La phillie est pareille à la feuille naissante;

La libellule valse en passant les ruisseaux;

Le carabe est en or, la chenille en peluche;

La sauterelle va s'asseoir au bord du ciel...

Mais, puisant dans les fleurs de quoi nourrir la ruche,

C'est l'abeille qui fait le miel.

 

On voit jusqu'à dix fois sauter le corymbite;

En sautant le criquet nous jette un éclair bleu;

La mante sait prier comme une carmélite;

La coccinelle rouge est la fille de Dieu;

Le ver luisant, dans l'herbe, est une étoile brêve;

L'étoile est, dans l'azur, un lampyre éternel...

Mais, puisant dans les fleurs de quoi nourrir le rêve,

C'est l'abeille qui fait le miel!

 


 

La grenouille

 

La grenouille chante au bord de l'étang,

Qui, sous un rayon de lune, tremblote;

Dans le crépuscule où du rêve flotte,

C'est un chant très doux et très attristant.

 

C'est un chant très doux et très attristant.

Qui monte, - toujours sur une même note;

Sur l'eau qui se moire et qui papillote,

Le roseau fluet penche en chuchotant.

 

Le roseau fluet penche en chuchotant,

Et la mare aux grands nénuphars clapote;

La lune, ce soir, est un peu pâlotte...

C'est un chant très doux et très attristant.

 

C'est un chant très doux et très attristant

Qui monte, - toujours une même note;

Dans le crépuscule où du rêve flotte,

La grenouille chante au bord de l'étang.

 

 

 

Le dernier rendez-vous

 

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,
Et je te sourirai tout en branlant la tête,
Et nous ferons un couple adorable de vieux.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer,
Nous aurons une joie attendrie et très douce,
La phrase finissant toujours par un baiser.
Combien de fois jadis j’ai pu dire  » Je t’aime  » ?
Alors avec grand soin nous le recompterons.
Nous nous ressouviendrons de mille choses, même
De petits riens exquis dont nous radoterons.
Un rayon descendra, d’une caresse douce,
Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,
Quand sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer.

Et comme chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain,
Qu’importeront alors les rides du visage ?
Mon amour se fera plus grave – et serein.
Songe que tous les jours des souvenirs s’entassent,
Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens.
Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
Et sans cesse entre nous tissent d’autres liens.
C’est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l’âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main
Car vois-tu chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain.

Et de ce cher amour qui passe comme un rêve,
Je veux tout conserver dans le fond de mon coeur,
Retenir s’il se peut l’impression trop brève
Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.
J’enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,
Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;
Je serai riche alors d’une richesse rare
J’aurai gardé tout l’or de mes jeunes amours !
Ainsi de ce passé de bonheur qui s’achève,
Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
J’aurai tout conservé dans le fond de mon coeur.

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encore aux jours heureux d’antan,
Et je te sourirai tout en branlant la tête
Et tu me parleras d’amour en chevrotant.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

 

Les Pipeaux, 1923



21/05/2011
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