Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Vigne (Anne de) ... ... ... 1634-1684

Anne de la Vigne

(1634-1684)

 

Réponse à la Lettre de l'autre monde

de Monsieur Pavillon

 

Moi qui sus mourir et renaître,

J'ai vu l'autre monde de près,

Et n'ai pas vu le myrte y croître

Parmi les funestes cyprès.

 

Jusqu'aux bords de l'onde infernale

L'amour étend bien son pouvoir.

Mais passé la Rive fatale,

Le pauvre Enfant n'y peut que voir.

 

Là-bas, dans les demeures sombres,

Rien ne saurait toucher un coeur;

Croyez-m'en plutôt que  les ombres,

Car il n'est rien de si menteur.

 

Il est à mines discrètes

Et d'un entretien décevant:

Mais fiez-vous à leurs fleurettes,

Autant en emporte le vent.

 

Sans dessein, sans choix, sans étude,

D'autres soupirent tout le jour;

Un certain reste d'habitude

Les fait encor parler d'amour.

 

Enfin la mort aux morts ne laisse

De leur amour qu'un souvenir;

Sans que leur défunte tendresse

Leur puisse jamais revenir.

 

L'objet agréable ou funeste

Sur eux fait peu d'impression;

Ombres qu'ils sont, il ne leur reste

Que des ombres de passion.

 

D'en naître là, point de nouvelle.

Chaque Blondin vaut un Barbon;

Et la plus jeune Demoiselle

Y paraît cent ans, ce dit-on.

 

C'est une chose insupportable

Que l'entretien d'un trépassé;

Car que fait-il, le misérable,

Que des contes du temps passé?

 

Aime-t-on les ombres de glace?

Quel feu tient contre leur froideur:

Faites-moi quelqu'autre menace,

Si vous voulez me faire peur...

 

 

La passion vaincue

 

La bergère Liris sur les bords de la Seine

Se plaignait l'autre jour d'un volage berger.

Après tant de serments peux-tu rompre ta chaîne

Perfide, disait-elle, ôses-tu bien changer?

 

Puisqu'au mépris des Dieux tu peux te dégager,

Que ta flamme est éteinte et ma honte certaine;

Sur moi-même de toi je saurai me venger.

Et ces flots finiront mon amour et ma peine.

 

A ces mots résolue à se précipiter,

Elle hâte ses pas et sans plus consulter.

Elle allait satisfaire une fatale envie.

 

Mais bientôt s'étonnant des horreurs de la mort;

Je suis folle, dit-elle, en s'éloignant du bord,

Il est tant de bergers, et je n'ai qu'une vie

 

(Publié dans Séché)

 

- Publié sous une autre forme dans le 1er volume de Joseph de la Porte (1769)

- Voir aussi l'article du Moreri.



24/01/2011
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 157 autres membres