Penquer (Augusta) 1817-1889
(1817-1889)
Le vallon de Kersaint
Le silence est ici solennel et profond.
L'homme n'y traîne pas le char des industries;
La faux n'y fauche pas les herbes des prairies,
Ni les grappes d'or de l'ajonc.
Tout est inculte ici. Le paysage est sauvage;
L'homme y vit d'un rayon de soleil et d'un fruit,
Libre, sans nul désir, sans fatigue, sans bruit.
Son horizon, c'est son village.
L'enfant court les pieds nus, comme un cheval sans frein,
Sur la montagne ou bien sur le bord de la grève;
Il chante, il joue, il rit, sans repos et sans trêve.
Le coeur joyeux et l'oeil serein.
Annaïc, la plus pauvre, est pourtant la plus belle
Parmi les beaux enfants de ce pauvre vallon.
Elle est vive, légère, ailée d'un papillon
N'a pas plus d'ardeur ni plus d'aile.
Elle vient de monter à l'instant le coteau.
La mer est aujourd'hui terrible et mugissante,
Et la corneille étend une aile frémissante
Sur les ruines du château.
Je regarde Annaïc : la riche fleur d'Espagne,
La fleur du grenadier, dans toute sa fraîcheur,
Pâlirait en voyant Annaïc, autre fleur
Qui croît sur un roc de Bretagne.
L'enfant a faim, la mer mugit et Annaïc chante !
Ses cheveux dénoués la vêtissent de noir.
Je regarde Annaïc, les vieux murs du manoir,
L'orageï et tout cela m'enchante !
La misère est la vie, en ces lieux ; mais les chants,
Mais la joie et la paix prennent ici naissance.
Ah ! la joie et la paix, filles de l'innocence,
Sont, comme Annaïc, fleurs des champs !
O pauvres de Kersaint, n'enviez pas nos rêves !
Ni l'or, dur oreiller où l'homme ne dort pas !
Ni le trône, cratère où s'abîment nos pas !
Vivez tous libres sur vos grèves !
Vivez dans la nature ; admirez le ciel bleu !
Nous sommes tous égaux dans la même espérance;
Mais les humbles, vivant en bas dans l'ignorance,
Sont là-haut les élus de Dieu !
(Révélations poétiques, 1864)
AVEU
Je ne t'ai jamais dit assez combien j'aimais
Ta parole éloquente et ta grâce infinie.
Je ne t'ai jamais dit combien tu me charmais ;
Combien ta voix avait d'attrait et d'harmonie.
Je ne t'ai jamais dit mon fol enivrement.
Ni l'adoration de mon âme en délire.
Quand vers moi tu venais... ou passais seuiement
Près de moi. sans un mot, mais avec un sourire.
Je ne t'ai jamais dit. non jamais tu n'as su
Combien je te trouvais au-dessus de ma vie.
Et toi. humble, jamais tu ne t'es aperçu
De ma dévotion à ton culte asservie.
Je ne t'ai jamais dit combien tu m'exaltais.
L'excès d'amour a-t-il une pudeur farouche ?
Souffle-t-il sur sa flamme?... Eh, bien oui!... je sentais
Qu'il éteignait le feu de mon c�ur sur ma bouche.
Muette, devant toi, souvent je t'admirais ;
Muette, devant toi, j'écoutais ta parole;
Muette, devant toi, de toi je m'enivrais,
En apparence sage, en réalité folle.
M'entends-tu?... Dans le monde où tu vis, entends-tu
Mon aveu?... Me vois-tu tout à coup dévoilée?...
Dieu me pardonne- t-il, Lui la pure vertu,
De m'être devant toi, sans pudeur révélée?..
Bibliographie
- Chants du foyer (1862)
- Velléda, poème (1868)
- Syndorie, le barde de Penmarc'h (1870)
- L'oeillet rose, comédie en un acte en ver (1874)
- A M. E. Caro, de l'Académie Française (1875)
- Mes nuits (1891), oeuvre posthume
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