Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Agnès de Navarre... ... ... ... (vers 1330 - ?)

Agnès de Navarre

(vers 1330)

 

 

Rondeaux et autres oeuvres poétiques

 

 

         Rondeau

A Guillaume de Machault

 

Celle qui onques ne vous vit

Et qui vous aime loyal(e)ment,

De tout son coeur vous fait présent,

Et dit à son gré pas ne vit

Quand voir ne vous peut souvent:

Celle qui oncques ne vous vit

Et qui vous aime loyal(e)ment,

Car, pour tous les biens que de vous dit

Tout le monde communément,

Conquise l'avez bonnement:

Celle qui onques ne vous vit

Et qui vous ime loyal(e)ment,

De tout son coeur vous fait présent.

 

Ami, si Dieu me confort

Vous aurez le coeur de mi

Qui surtout vous aime fort,

Ami, si Dieu me confort.

Or laissez tout desconfort,

Car vous l'avez dans demi.

Ami, si Dieu me confort,

Vous aurez le coeur de mi.

 

Sans coeur de moi pas ne vous partirez,

Mais vous aurez le coeur de votre amie,

Car en vous est, partout où vous serez:

Sans coeur de moi pas ne vous partirez.

Certaine suis que bien le garderez,

Et le vôtre me fera compagnie.

Sans coeur de moi pas vous ne partirez;

Mais vous aurez le coeur de votre amie.

 

Puisqu'en oubli suis de vous, doux ami,

Vie amoureuse et joie à Dieu commant (je me recommande).

Marri le jour que m'amour en vous mis,

Puisqu'en oubli suis de vous, doux ami.

Mais je tiendrai que je vous ai promis,

C'est que jamais n'aurai nul autre amant.

Puisqu'en oubli suis de vous, doux ami,

Vie amoureuse et joie à Dieu commant.

 

(D'après Alphonse Séché)

 

 

Chanson royale

 

Ami, je t'ai tant aimé et chéri

Qu'n toi aimant me cuidoie sauver.

Lasse, dolente, et je ne puis en ti,

N'en ton dur coeur telle douceur trouver.

Pour ce de moi veil hors jois bouter (je veux de moi ôter le joie)

Et renoier amours d'or en avant (et renier amour dorénavant),

Sa loi, son fait et son faux convenant;

Quand tu portes son visage de fée:

Coeur de marbre, couronné d'aimant (pour diamant),

Ourlé de fer, à la pointe acérée.

 

Quand ta beauté mon coeur en toi ravi.

Amour voulut si fort m'énamourer

De ton gent corps, coint (coquet), appert (en évidence), et joli,

Que ne puis-je autre que toi aimer.

Or ne me veux ouïr et regarder.

Si n'aimerais jamais en mon vivant,

Ni fiance (fiançailes) n'aurai, si bien suis avisée,

Coeur de marbre, couronné d'aimant,

Ourlé de fer, à la pointe acérée.

 

Si je me plains et dis souvent: Aimmi! (Malheur à moi)

Qu'en puis-je mais? Ne dois-je bien pleurer;

Car je n'ai pas la peine desservi (mérité)

Qu'il me convient souffrir et endurer.

Elle me fait trembler et tresseuer (suer)

Feindre, pâlir, frémir en tressaillant,

Quand pour ma mort vois en corps si vaillant,

Ouvertement, de fait et de pensée,

Coeur de marbre, couronné d'aimant,

Ourlé de fer, à la pointe acérée.

 

Honteuse suis quand je parole ainsi,

Et laidure est seulement d'y penser,

Qu'il n'appartient que dame à son ami

Doive merci ni grâces demander;

Car dame doit en riant refuser,

Et ami doit prier en soupirant,

Et je prié souvent en pleurant.

Mais en toi truis (trouve), quand je suis éplorée.

Coeur de marbre, couronné d'aimant,

Ourlé de fer, à la pointe acérée.

..........................................

 

Envoi

 

Princes, onques ne vi fors que maintenant (Jamais ne vis excepté maintenant)

Amant à coeur plus dur qu'un diamant

Ourlé de fer, à la pointe acérée.

 

(D'après Alphonse Séché)



12/02/2011
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