Anonyme (01) Religieuse du monastère de Poissy (fin 16ème siècle)
Religieuse anonyme du monastère de Poissy (01)
Eloge d'Anne des Marquets (1588...)
Poème publié par Hilarion de Coste dans "Les Eloges et les Vies des reines, des princesses et des dames illustres" (1647)
Vous hommes qui scillez du bandeau d'ignorance, (siller ou ciller?)
Dédaignez la vertu, le savoir, la prudence,
Rougissez de vergogne en voyant ce tombeau,
Le tombeau d'une vierge en renom pur et beau,
Dont la virginité au grand Dieu consacrée,
Vit maintenant au Ciel de la troupe sacrée.
C'est Anne des Marquets, de laquelle la corps,
Et non le bel esprit tient rang entre les morts.
Une qui méprisant dès son âge plus tendre,
Le monde et ses appâts, à Poissy se vint rendre,
Vouant sa liberté dans l'enclos de ce lieu,
Où l'on fait de son coeur un sacrifice à Dieu.
Son amour qu'elle avait gravé en sa pensée,
Montra bien qu'en ses voeux elle ne fut forcée,
Car lorsqu'elle affermit sa douce volonté
A la dévotion, joignant l'humilité,
Elle conduit ses pas vers la vertu louable,
Et en tous ses effets se rendit admirable.
Un naturel bénin naissant elle ressent,
La douce charité dans son âme conçut:
L'exerça mille fois dès ses jeunes années,
Qu'à peine elle put voir de dix étés bornées,
Que déjà son esprit aux sciences s'aimait,
Et la Muse Française en ses vers s'animait,
Voire afin d'exercer la race féminine,
Capable elle se fit de la langue Latine,
Où d'un style coulant en maints faits divers,
Savante composa mille et mille beaux vers,
Que le grand Vendômois pour qui la mort j'accuse,
Avoua pour enfant d'une dixième Muse.
Et ne se contenta cette Vierge d'avoir,
Pour elle seule acquis l'heur d'un docte savoir,
Mais pleine de bonté d'une âme libérale,
Enseignait doctement la troupe virginale:
Non aux vains amours, ni aux plaisirs mondains,
Mais au langage beau des antiques Romains.
Enfin le Ciel ami d'une si digne Dame,
Pour rendre plus sereins les pensers de son âme,
Et garder qu'aux objets du monde déceptif,
Son désir enchanté ne se rendît captif,
Pour la garder encore de voir interrompue,
Sa contemplation par les sens de la vue,
Et faire que les yeux en l'intellect fichés,
Par les yeux corporels ne fussent empêchés,
Permit qu'avant sa mort fut sa prunelle éteinte,
Et qu'elle supportant une si dure atteinte,
Souffrit patiemment d'un courage prudent,
Deux ans entiers le mal d'un si triste accident:
Puis apprise à mourir, et à perdre du monde
Les objets dangereux, en la tombe profonde,
Morte elle dévala, laissant les yeux en pleurs,
Et le coeur plein d'ennui de ses compagnes Soeurs.
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