Anonyme (2). Autre religieuse du monastère de Poissy (fin 16ème)
Religieuse anonyme (02)
du monastère de Poissy
Eloge d'Anne des Marquets (1588...)
publié par Hilarion de Coste dans "Les Eloges et les Vies des reines, des princesses et des dames illustres" (1647)
Mortels si vous avez des âmes généreuses
Qui soient de la vertu vivement amoureuses,
Donnez-vous le loisir d'entendre ses effets
En un sujet qui fut au rang des plus parfaits,
pendant que l'âme au corps heureusement unie,
Faisait vivre ici-bas notre chaste Uranie,
Dans les rares vertus passant l'humanité,
Méritèrent ce nom plein de divinité.
Aussi le Saint-Esprit avait infus en elle
Les ardeurs d'une flamme immortelle,
Qui dès ses jeunes ans vers le Ciel l'élevant
Lui fit abandonner le monde décevant,
Pour suivre les rigueurs de cette vie étroite,
Qui nous mène là-haut par la sente plus droite.
Elle accomplit ses voeux en ce Royal séjour,
Où ses grâces luisaient comme fait un beau jour,
Lors que le Cinthien tout brillant de lumière,
Approche le milieu de sa vive carrière,
L'Espérance et la Foi son âme embellissaient,
L'amour et l'ardent zèle à son Dieu l'unissaient,
De ses biens elle était aux pauvres charitable,
Et vers les désolés humaine et pitoyable.
Ayant du mal d'autrui telle compassion,
Que, bonne, elle en faisait sa propre affliction,
Bien qu'elle supportât en grande patience,
Quand Dieu la visitait d'une amère souffrance,
Témoin l'aveuglement, qui la venant saisir
A ses yeux déroba de lire le plaisir:
Sans que pour la douleur d'une si dure atteinte,
L'on peut ouïr jamais de sa voix une plainte:
D'autant que son esprit toujours au Ciel dressé,
Des accidents humains ne se sentait blessé.
Mais qui pourrait (bon Dieu) représenter en vue,
La douce et belle humeur dont elle était pourvue,
Ou son humilité, qui la fit admirer
Autant que son savoir la faisait honorer?
Savoir qui de l'oubli retirant sa mémoire,
De mille beaux esprits pour dérober la gloire,
Et qui n'étant touché d'un désir curieux,
Son penser doucement portait dedans les cieux.
Aussi les livres saints étaient ses exercices,
Et la Muse sacrée elle avait pour délices;
On le voit par ses vers dont l'aimable douceur,
L'oreille nous flattant nous dérobe le coeur.
Et quoi? ce grand Ronsard l'Apollon de notre âge,
N'en a-t-il pas rendu suffisant témoignage,
Admirant cette fleur des neuf Soeurs le souci,
Et le divin trésor des Vierges de Poissy?
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