B*** (Comtesse de) dans l'Almanach des Muses
La Comtesse de B***
dans l'Almanach des Muses
(années 1770)
Voici une poétesse particulièrement choyée par l'Almanach des Muses, presque à l'égal de la marquise d'Antremont. La Comtesse de *** et la Comtesse de B *** ne sont qu'une seule et même personne comme le prouve le poème adressé aux femmes, aux vers 15 et suivants, signé Comtesse de B *** et qui renvoie à l'Epître aux hommes signée Comtesse de ***. Mais qui se cache derrière cette mystérieuse lettre B***?
A un homme qui aurait voulu être femme, et surtout jolie
On nous offre des voeux trompeurs:
L'abîme est sur notre passage;
Hélas! il est couvert de fleurs,
Et la foudre est dans le nuage.
L'éclat décide un séducteur;
Par lui, la plus belle est choisie:
Malheureux, il vous calomnie;
Il est ingrat, s'il est vainqueur.
Almanach des Muses, année 1777, p. 188
Aux femmes (extrait)
Un jour que j'étais bien sincère,
J'exerçai ma plume à tracer
Les charmes de leur caractère:(celui des hommes)
Cependant j'exalte des dames;
J'encourage leurs défenseurs;
Je leur donne à toutes des armes;
Je chante leurs grâces, leurs moeurs
Et leurs combats, et leur victoire;
Je les compare aux belles fleurs,
Qui des campagnes sont la gloire:
Eles rejettent mon encens,
Et ce qu'on aura peine à croire,
me traitent dans leur humeur noire,
Presque aussi mal que leurs amants.
Mes vers sont pillés, disent-elles;
Non, Chloé n'en est pas l'auteur;
Elle fut d'une pesanteur...
Le temps ne donne pas des ailes.
Mon Dieu! reprend avec aigreur,
A coup sûr l'une des moins belles,
Jadis je la voyais le soir;
Alors elle écrivait en prose,
Peut-être hélas! sans le savoir,
Et hasardait fort peu de chose.
mesdames, à ne point menir,
Je prise fort de tels suffrages:
Mais craignez de m'enorgueillir,
En me disputant mes ouvrages;
Ne me donnez point le plaisir
De me croire un objet d'envie;
Je triomphe quand vous doutez;
Rendez-moi vite vos bontés,
Et je reprends ma modestie.
Almanach des Muses, 1773, p. 49
Aux philosophes insouciants
Vous que berce une vieille erreur,
Très sots disciples d'Epicure,
Connaissez la volupté pure,
Sachez aimer: c'est le bonheur,
L'attrait, le voeu de la nature;
Les sens trompent... je crois mon coeur.
Ici-bas, dites-vous sans cesse,
Il ne faut rien approfondir;
On doit y jouir sans faiblesse,
Et la faiblesse est de sentir.
Excellente philosophie!
N'atteindre jamais qu'à la fleur,
Epicuriens, c'est en honneur
Brouter gaîment pendant la vie.
Ces globes qu'on enfle en soufflant,
Un vain prestige qui s'efface,
Ne satisfont que l'homme-enfant;
Pourvu qu'il joue, il est content;
Son oeil s'arrête à sa surface;
Le plaisir, voilà son lien;
Il y vole, et brûle ses ailes:
Le malheureux! c'est tout son bien;
Ils sont pauvres, les infidèles!
Mes froids amis, viendra le jour,
Où les tristes glaçons de l'âge,
Qui ne respectent que l'amour,
Ne vous laisseront en partage
Qu'un passé perdu sans retour.
Que reste-t-il à ma vieillesse,
Nous direz-vous languissamment?
J'ai dédaigné le sentiment:
Nul être à moi ne s'intéresse.
Pour nous, au sein de la douleur
Que l'amitié tendre partage,
Pouvons-nous manquer de courage?
Nous en trouvons dans notre coeur,
Et nous préférons le malheur,
A l'ombre d'un bien qui s'envole.
Oui, sous le poids même des fers,
Le charme d'aimer nous console;
Il adoucit tous nos revers;
Des dieux enfin c'est l'apanage;
Ne vous dites pas leur image:
Je crois le diable Epicurien;
Le pauvre Satan n'aime rien,
Et c'est de cela qu'il enrage.
Almanach des Muses, 1774
A la folie
Charme des Mortels et des Dieux,
Folie, aimable Enchanteresse,
Tu sais même embellir les jeux:
Je te préfère à la tendresse;
Répands la gaîté sur mes jours,
Et j'aurai plus que la sagesse.
C'est en attendant ton retour,
Que les pauvres amants sommeillent;
La raison seule endort l'Amour:
Ce sont tes grelots qui l'éveillent.
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