Babois (Victoire) 1760-1839
(1760-1839)
Genre: L'élégie.
Les premières Elégies sur sa fille morte à 5 ans paraissent en 1805.
En 1815, les désastres de l'Empire défunt lui inspirent les Elégies Nationales.
Critique du romantisme.
Défend la cause des femmes dans le domaine de la création littéraire.
Ne sait juger ni vers ni prose.
Un style clair et pur, obscur ou vicieux;
Du bon ou du mauvais: c'est pour lui même chose.
Jamais de l'analyse il ne prit le compas,
Enfin de l'art décrire il ne se doute pas.
Hé bien, passe pour l'art d'écrire:
Mais il faut nous permettre au moins de savoir lire.
Si vous tenez rigueur, si vous n'accordez rien,
Nous lirons malgré vous, et nous lirons très bien.
On a vu, grâce à la sottise,
On voit et l'on verra pédants lourds et diffus
Ecrire sans s"entendre et sans être entendus,
Et s'admirer surtout quoi que la raison dise.
Mais femme en l'art des mots est beaucoup moins apprise:
De la clarté du sens elle fait plus de cas,
Et n'admire jamais ce qu'elle n'entend pas.
Bien il est vrai pourtant que l'austère analyse
Ne procède pas à sa guise.
Elle va décomposant,
Recomposant et détruisant,
Sur l'avenir, sur le présent,
La douce illusion que nature a mise.
Cette méthode exacte a pour nous peu d'appas;
Messieurs, ne vous en fâchez pas:
On peut être, je crois, sans vous faire une injure,
Du même avis que la nature.
Et puis, la vérité qui marche pas à pas,
Bientôt nous conduirait peut-être
A vouloir juger notre maître;
Et quel serait votre embarras,
Si nous allions vous bien connaître!
En vous analysant sans nous laisser charmer,
Le résultat bien net d'une telle science
Ne nous offrirait pas, je pense,
Trop de raisons pour vous aimer.
Elégies et poésies diverses, vol. 2
Deuxième élégie
En vain toujours errante, et toujours inquiète,
Je crois fuir ma douleur en fuyant ma retraite.
Ici pour mes yeux seuls la nature est en deuil,
Et tout semble avec moi gémir sur un cercueil.
Malgré moi-même, hélas! de ma fille expirante
Je retrouve en tous lieux l'image déchirante.
Je sens encor ses maux, je la revois en pleurs,
Tour à tour résistant, succombant aux douleurs,
S'attacher à mon sein, et d'une main débile,
Sur ce sein malheureux se chercher un asile.
Le nom de mère, hélas! qui fit tout mon bonheur,
Ses accents douloureux l'ont gravé dans mon coeur.
Par un dernier effort où survit sa tendresse,
Je la vois surmonter ses tourments, sa faiblesse;
Ses yeux cherchant mes yeux, sa main cherche ma main,
Elle m'appelle encor, et tombe sur mon sein...
Dieu puissant, Dieu cruel, tu combles ma misère;
C'en est fait, elle expire, et je ne suis plus mère!
Ses yeux, ses yeux si doux sont fermés pour toujours.
Ma fille!... Non, le sort n'a pas tranché tes jours;
Me séparer de toi n'est pas en sa puissance,
La preuve de ta vie est dans mon existence.
Oh! reste dans mes bras; pour combattre tes maux,
J'inventerai des soins et des secours nouveaux.
Tout deviendra possible au transport qui m'inspire:
Ma fille, tu vivras, puisqu'enfin je respire.
Accusant, menaçant, implorant tous les dieux,
J'invoquerai pour toi les enfers et les cieux.
Palpitante d'effroi, ta mère infortunée
Ose te disputer à la Mort étonnée;
Entends, entends mes cris... Tu ne me réponds plus...
O trop aveugle espoir! ô tourments inconnus!
Dieu, rends-moi mon erreur et ce transport funeste:
Mon délire est, hélas! le seul bien qui me reste.
1792 (Elégies, 1805)
Cinquième élégie
Hélas! qu'à ma douleur lentement je succombe!
Je vois s'ouvrir et se fermer sa tombe.
Le sommeil bienfaisant qui suspendait mes maux,
A mes maux dès longtemps refuse ses pavots.
Chaque instant sur mes yeux répand un jour plus sombre:
De moi-même bientôt je ne suis plus qu'une ombre.
Je vois à mon aspect la pitié qui frémit;
On doute en me voyant,lorsque ma voix gémit,
Si c'est elle en effet, si c'est moi qui soupire,
Ou la douleur qui vit, qui parle et qui respire;
Et je fatigue encor de mes tristes regrets
Le rivage du saule et l'ombre des forêts
Un feu sombre et mourant m'anime et me dévore:
Telle en un lieu funèbre on voit errer encore
L'incertaine lueur d'un lugubre flambeau
Qui lentement pâlit et meurt sur un tombeau.
Avec effort déjà je cherche ma pensée;
Je me surprends moi-même immobile et glacée,
Etouffant avec peine un sanglot douloureux:
J'ai perdu jusqu'aux pleurs, seul bien des malheureux.
Il est temps que sur moi la tombe se referme,
Et le comble des maux amène enfin leur terme.
Hélas! il est donc vrai, je perdrai ma douleur:
Je sens que tout finit, oui, tout, jusqu'au malheur.
Empire de la mort, vaste et profond abîme,
Où tombe également l'innocence et le crime,
De ton immensité la ténébreuse horreur
N'a rien qui désormais puisse étonner mon coeur.
Ma fille est dans ton sein; ah! c'est trop lui survivre!
J'ai vécu pour l'aimer, et je meurs pour la suivre.
Le saule des regrets
Saule, cher à l'Amour et cher à la Sagesse
Tu vis l'autre printemps sous ton heureux rameau,
Un chantre aimé des dieux moduler sa tristesse,
Et l'onde vint plus fière enfler ton doux ruisseau.
Sur le feuillage ému, sur le flot qui murmure,
L'Amour a conservé ses soupirs douloureux,
Moi, je te viens offrir les pleurs de la nature:
Ne dois-tu pas ton ombre à tous les malheureux?
Dans ce même vallon, doux saule, j'étais mère !
Mon âme s'enivrait d'amour et de bonheur.
Dans ce même vallon, seule avec ma misère.
Je n'ai que ton abri, mes regrets et mon coeur.
Ma fille a respiré l'air pur de ton rivage;
Elle a cueilli des fleurs sur ces gazons touffus.
Les charmes innocents, les grâces de son âge
Ont embelli ces lieux : doux saule, elle n'est plus !
J'aimais à contempler sa touchante figure
Dans le cristal mouvant de ce faible ruisseau ;
J'y trouvais son souris, sa blonde chevelure !...
Hélas ! je cherche encore, et n'y vois qu'un tombeau.
Cesse de protéger la tranquille sagesse ;
A l'Amour étonné retire tes bienfaits ;
Je viens, loin des heureux t' apporter ma détresse;
Sois l'asile des pleurs, sois l'arbre des regrets.
Dérobe à tous les yeux ce douloureux mystère ;
Que ton ombre épaissie enveloppe mon sort;
Sous tes pâles rameaux retombant vers la terre.
Enferme autour de moi le silence et la mort.
Dieux ! tu m'entends : déjà sur ta tige flétrie
La fleur perd son éclat, la feuille sa fraîcheur.
Doux saule, tu me peins le terme de la vie ;
Hélas ! tu veux aussi mourir de ma douleur.
Ton aspect dans mon c�ur vient d'arrêter mes larmes !
Ah ! laisse-moi du moins le pouvoir de gémir ;
De mes regrets plaintifs rends-moi les tristes charmes :
Je le sens, il me faut ou pleurer ou mourir.
Lorsqu' assis à tes pieds, sous les vents en furie.
Le sage voit ton front se courber sans effort,
Il pardonne au destin, il supporte la vie:
Apprends-moi donc aussi qu'il faut céder au sort.
Ah ! rends-moi du printemps la fraîcheur renaissante ;
Rends à mon c�ur flétri ses dons trop tôt perdus;
Rends-moi les arts, la paix, l'amitié plus touchante...
Mais, non, ne me rends rien : doux saule, elle n'est plus !
1792 Elégies, 1805 ?
- Elégies et poésies diverses, Paris, 1805... et 1810
- Elégies Nationales (1815)
- Elégie sur la mort de Ducis, Versailles, 1816
- Deux romances (la petite harpiste ou l'Amour au Mont-Géant), Paris, 1816
- Elégies sur la mort de sa fille, Paris, an XIII
- Epitre aux romantiques, Paris 1830
- Ma Muse (théâtre), ?
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