Bélot (Camille), fin 19ème
Camille Bélot
- 1882: Les Pruneaux, monologue
- 1883: El&gie sur la mort de Gambetta
- 1885: La Résurrection
- 1884: Les secrets du magnétisme
- 1901: La Fille-Mère
Extrait de la Fille-Mère
Le Jugement
"Entendu la défense et le réquisitoire,
Attendu qu'il résulte un fait acquis, notoire,
Que la prévenue a mis au monde un enfant
Né vivant et viable et qu'elle se défend
D'avoir fait ou commis aucune violence,
Mais qu'il est avéré qu'en cette circonstance
En n'appelant personne à lui porter secours
En cette solitude, elle a, par un concours
De faits délictueux, commis un homicide
Par imprudence et non l'infanticide;
Mais attendu qu'avant d'absoudre ou de punir
Le juge a le devoir, le droit de définir
Le mobile réel, la véritable cause
Qui, dans le cas présent, comme en toute autre chose,
Ont pu déterminer la grave infraction
Dont l'organe public veut la répression;
Attendu qu'en effet, notre société même
Ainsi organisée, a créé le problème
Qui se pose aujourd'hui, problème original
Qui mène l'accusée au pied du tribunal.
Attendu que la fille en cachant sa grossesse
Et son accouchement ainsi que sa détresse
Redoutait la cruelle et sourde hostilité
De toute sa famille et que la société,
Si prodigue souvent de railleries amères,
Accable de mépris les pauvres filles-mères,
Quand la maternité, bien comprise d'ailleurs,
Devrait nous désarmer et nous rendre meilleurs;
Que c'est, en résumé, la société, si tendre
Pour tous les séducteurs, qui doit enfin comprendre
Qu'elle est bien responsable, en ses décrets hautains,
De tant d'accouchements frocément clandestins;
Qu'il existe, en faveur de cette prévenue
Au sujet de sa faute un fait qui l'atténue
Et que le juge doit, à défaut du pardon
Qui n'est pas dans nos lois, lui faire un juste don
Des dispositions bienveillantes du Code.
Mais qu'il est très fâcheux que, dans son triste exode
La prévenue ait fait créance aux préjugés
Qui causent des délits cruellement vengés;
Attendu qu'une fille, en réparant sa faute
Et montrant comme mère une vertu si haute
Mérite d'autant plus le respect du prochain
Qu'elle est seule à nourrir son enfant orphelin;
Que plus condamnable est la femme mariée
Dont la coquetterie est trop contrariée
Par la maternité qu'elle évite à dessein
En laissant savamment stériliser son sein;
Attendu qu'au surplus, tant qu'ici-bas la femme
Est tenue en tutelle et que son droit réclame
Elle a beaucoup moins de responsabilité
Que celui qui maintient son infériorité;
Enfin, par ces motifs et comme réprimande
Le tribunal condamne à seize francs d'amende
Et puisqu'à la rigueur il ne peut déroger
Fait l'application de la loi Bérenger."
Des applaudissement éclatent dans la foule
Qui se sent tout émue et lentement s'écoule
En approuvant tout haut et répétant le nom
D'un juge qui mérite un éternel renom."
(Reproduction assez fidèle des considérations d'un arrêt rendu par le Président Magnaud en l'année 1900)
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