Bertin (Louise) 1805-1877
Louise Bertin
Compositrice et poètesse
(1805-1877)
Musique
Plus célèbre pour sa carrière musicale brisée que par sa poésie, et pourtant...
Une carrière musicale brisée
Musique: 4 opéras
Musique: 4 opéras
- Guy Mannering (1825)
- Le loup-garou (1827)
- Fausto (1831)
- La Esmeralda (1836), d'après "Notre Dame de Paris" de Hugo et avec sa collaboration.
- Ballades pour piano
C'est La Esmeralda qui la fera tomber, pour des raisons politiques (les affinités orléanistes de son père lui valent beaucoup d'hostilité) et pour des raisons esthétiques (les audaces romantiques de sa musique, peu conventionnelle), sans parler de la misogynie. Meyerbeer qui essaie de promouvoir l'oeuvre en Allemagne, Liszt qui fera la réduction pour piano et chant, Berlioz qui dirigera l'oeuvre sont impressionnés par son talent. La Esmeralda, c'est sans doute un peu la Bataille d'Hernani à l'opéra (avec une émeute lors de la 7ème représentation!). Contrairement à Hugo, elle échouera. A noter que le personnage d'Esmeralda paraît parfois anticiper celui de Carmen. La poésie prendra ensuite le relais.
Partitions en ligne sur Gallica
- La Esmeralda (adapté du roman de V. Hugo "Notre Dame de Paris")
Lire l'éclairante interview de Françoise Tillard, à l'occasion de la "recréation" de l'oeuvre à Besançon en 2009.
Long extrait sur Youtube de l'enregistrement "live" (2008), orchestre de Montpellier... dirigé par Lawrence Foster, avec analyse détaillé de l'oeuvre:
Extrait d'Esmeralda
Poésie: deux recueils
Lettre de Victor Hugo lors de la parution de "Glanes"
Les rayons
Oui, j'aime, le matin, à marcher sous les bois;
Non pas dans ces forêts où le cerf aux abois
Cherche une épaisse nuit, et dont le noir feuillage
Aux plus forts ouragans dispute le passage;
Mais aux petits sentiers où de jeunes taillis
Balancent mollement leurs rameaux assouplis;
Où, sur la mousse fraîche et les herbes humides,
La brise fait rouler mille joyaux limpides,
Rubis et diamants au doux reflet vermeil,
Que dans l'ombre des bois a semés le soleil.
Alors je regarde en mon âme,
Et sans crainte j'y vois briller quelque lueur
D'une mystérieuse flamme
Que je ne pus jamais éteindre par mes pleurs!
Et j'entends une voix austère
Me dire: Prends courage et regarde le ciel;
Les pâles amours de la terre
Sont les rayons brisés de l'amour éternel.
Janvier 1941, Glanes
Les 3 poèmes qui suivent sont des extraits cités par Sainte-Beuve dans un article élogieux paru dans la Revue des Deux Mondes concernant le recueil "Glanes" (4ème série, tome 29, p. 230-242).
Consulter cet article dans Wikisource
Oui, j'aime, le matin, à marcher sous les bois;
Non pas dans ces forêts où le cerf aux abois
Cherche une épaisse nuit, et dont le noir feuillage
Aux plus forts ouragans dispute le passage;
Mais aux petits sentiers où de jeunes taillis
Balancent mollement leurs rameaux assouplis;
Où, sur la mousse fraîche et les herbes humides,
La brise fait rouler mille joyaux limpides,
Rubis et diamants au doux reflet vermeil,
Que dans l'ombre des bois a semés le soleil.
Alors je regarde en mon âme,
Et sans crainte j'y vois briller quelque lueur
D'une mystérieuse flamme
Que je ne pus jamais éteindre par mes pleurs!
Et j'entends une voix austère
Me dire: Prends courage et regarde le ciel;
Les pâles amours de la terre
Sont les rayons brisés de l'amour éternel.
Janvier 1941, Glanes
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Les 3 poèmes qui suivent sont des extraits cités par Sainte-Beuve dans un article élogieux paru dans la Revue des Deux Mondes concernant le recueil "Glanes" (4ème série, tome 29, p. 230-242).
Consulter cet article dans Wikisource
Prière (début)
O Seigneur! accordez à ceux qui vous blasphèment
La place à votre droite au sublime séjour;
Donnez-leur tout, Seigneur, donnez : ceux qui vous aiment
Ont bien assez de leur amour!
Quand, aux portes du ciel par l'archange gardées,
Ils se présenteront, oh! qu'ils entrent, mon Dieu!
De ces blasphémateurs aux âmes attardées
Écartez le glaive de feu !
Nous resterons dehors, souffrant, loin de l'enceinte,
Et le froid de la nuit et la chaleur du jour;
Ah ! du céleste abri bannissez-nous sans crainte
Il nous suffit de notre amour!
Pour eux n'épargnez rien; mettez à toute branche
Et l'ombre de la feuille, et la fleur, et le fruit,
Et l'ivresse à la coupe où leur lèvre se penche,
Sans la tristesse qui la suit!
Nous, pour être abreuvés d'ineffables délices,
Pour sentir sous vos mains nos cœurs se parfumer,
Nos âmes s'abriter à des ombres propices,
Il nous suffit de vous aimer !...
Nuit (fin)
La place à votre droite au sublime séjour;
Donnez-leur tout, Seigneur, donnez : ceux qui vous aiment
Ont bien assez de leur amour!
Quand, aux portes du ciel par l'archange gardées,
Ils se présenteront, oh! qu'ils entrent, mon Dieu!
De ces blasphémateurs aux âmes attardées
Écartez le glaive de feu !
Nous resterons dehors, souffrant, loin de l'enceinte,
Et le froid de la nuit et la chaleur du jour;
Ah ! du céleste abri bannissez-nous sans crainte
Il nous suffit de notre amour!
Pour eux n'épargnez rien; mettez à toute branche
Et l'ombre de la feuille, et la fleur, et le fruit,
Et l'ivresse à la coupe où leur lèvre se penche,
Sans la tristesse qui la suit!
Nous, pour être abreuvés d'ineffables délices,
Pour sentir sous vos mains nos cœurs se parfumer,
Nos âmes s'abriter à des ombres propices,
Il nous suffit de vous aimer !...
Nuit (fin)
O Nuit! dans ce beau lieu paré
De tes plus charmantes étoiles,
Cache mon âme; elle a pleuré;
Couvre-la bien de tes longs voiles !
Et toi, morne Tranquillité,
Sans douleur, mais aussi sans charme,
Pose sur ce cœur agité
Ta main qui sèche toute larme !
Ecarte d'un front déjà las
La pensée aux ardentes ailes,
Qu'éveillent du bruit de leurs pas
Les Muses qui dansent entre elles !
(Parfois)
Parfois, quand un ruisseau courant dans la prairie
Sépare encor d'un champ, où croît l'herbe fleurie,
Un troupeau voyageur aux appétits gloutons,
Laissant se consulter entre eux les vieux moutons ,
On voit, pour le franchir, quelque agneau moins timide
Choisir en hésitant un caillou qui le ride,
S'avancer, reculer, revenir en tremblant,
Poser un de ses pieds sur ce pont chancelant,
Et s'effrayer d'abord si cette onde bouillonne,
En frôlant au passage une fleur qui frissonne,
Si le buisson au vent dispute un fruit vermeil,
Ou si le flot s'empourpre aux adieux du soleil,
Puis reprendre courage et gagner l'autre rive;
Alors tout le troupeau sur ses traces arrive ;
Dans le gras pâturage il aborde vainqueur,
Il s'y roule en bêlant dans les herbes en fleur,
Tandis que seul au bord le berger le rappelle,
Et trop tard sur ses pas lance son chien fidèle.
De même, de Chloé lorsqu'on entend la voix ,
En mille questions tous parlent à la fois
On dirait une ruche où chaque travailleuse
A la tâche du jour mêle sa voix joyeuse
Un jeune homme s'approche et s'informe au vieillard
Comment en Méonie on attelait le char;
Tout bas la jeune fille en rougissant demande
Ce qui rendait Vénus favorable à l'offrande;
Si l'épouse d'Hector portait de longs manteaux
Si dans Milet déjà l'on tissait les plus beaux ;
Où Briséis posait l'agrafe de son voile,
Et si de Pénélope il avait vu la toile.
Murmures
Quand les sens sont éteints et que le coeur est mort,
Que toute passion, bonne ou mauvaise, dort;
Que pour l'âme il n'est plus un rayon de lumière,
Et que l'espoir a fui, même de la prière;
Reptile venimeux, quelque atroce douleur
Se redresse parfois, et vient nous mordre au coeur,
Fouiller dans chaque plaie et la rouvrir béante,
Pour y plonger encore une lèvre sanglante.
Alors que le trépas a voilé nos destins,
Ainsi sur le cadavre, avides de festins,
Surgissent tout à coup, parmi la pourriture,
Les vers qui, nés de lui, vont en faire pâture,
Dans leur antre traîner cette chair en lambeaux
Et la meurtrir encore aux angles des tombeaux!
Il n'est donc pas d'asile où l'âme et la matière
Puissent se reposer? Le germe et la poussière,
Sans cesse s'étreignant par de fatals amours,
Dans ce monde maudit fermenteront toujours!
Pitié! pitié! Seigneur! Quel que soit le salaire!
Nous ne pourrons plus loin porter notre misère,
Si tu n'ôtes aux nuits le reflet du soleil,
Et le germe à la mort, et le rêve au sommeil!
Si, pour un jour enfin, une heure, une minute,
Tu ne suspends, mon Dieu, cette terrible lutte
Et de vie et de mort, où ton bras, malgré nous,
Relève le vaincu tombé sur ses genoux!
Octobre 1840 (Glanes, 1842)
Nouvelles Glanes
Pour m'être un seul instant trop approché de vous,
Et, sans palme, Seigneur ! m'être mis à genoux
Sur les degrés de votre trône ;
Pour avoir balancé dans mes indignes mains,
Rempli de mes soupirs l'encensoir de vos saints,
Sans porter au front leur couronne,
Le vide tout à coup s'est ouvert sous mes pas,
Et j'ai perdu le sens des choses d'ici-bas
Qu'il me faut traverser encore !
Imprudent voyageur qui, devant son coursier,
Dans le désert a vu s'effacer le sentier
Sous le sable qui le dévore !
La nuit, ses astres d'or, son silence, ou les bruits
Par sa lyre d'ébène en accords réunis
Chantant au loin dans les campagnes,
Le jour, et tous les flots de vie et de couleur
Qu'il épanche aux épis, à la grappe, à la fleur,
Au front des bois et des montagnes,
Étalent vainement leur sereine beauté ;
Sans entendre ni voir, je passe dégoûté
Devant ces merveilleux spectacles,
Explorant toute cime et toute profondeur,
Vous cherchant dans les cieux, vous cherchant dans mon coeur,
Fouillant dans tous les tabernacles !
Mon esprit ne sait plus qu'un seul mot, votre nom ;
Une voix seule éclaire et charme ma raison,
La vôtre, ô mystérieux Verbe !
Et les cris des humains, tristes ou triomphants,
Me semblent les clameurs d'une troupe d'enfants
Qui se disputent un brin d'herbe !
Immuable lumière ! inextinguible ardeur !
Mon oeil audacieux a de votre splendeur
Gardé l'ineffaçable empreinte ;
Ramené sur la terre, il s'aperçoit trop tard
Que rien ne pourra plus attirer le regard
Qui profane votre arche sainte !
Je reconnais ma faute à la punition ;
Elle est grande, Seigneur ! mais mon affliction
Peut-être encore la dépasse !
Cet insolent mépris des choses d'ici-bas,
Y mettrait-on un siècle, on ne compterait pas
Tous les pleurs amers qu'il amasse
Au plus secret du coeur de ceux qui devant vous,
Sans palmes, ont tenté de se mettre à genoux
Sur les degrés de votre trône,
Et balancé trop haut dans leurs indignes mains,
Rempli de leurs soupirs, l'encensoir de vos saints,
Sans porter au front leur couronne !
Nouvelles Glanes
Pour m'être un seul instant trop approché de vous,
Et, sans palme, Seigneur ! m'être mis à genoux
Sur les degrés de votre trône ;
Pour avoir balancé dans mes indignes mains,
Rempli de mes soupirs l'encensoir de vos saints,
Sans porter au front leur couronne,
Le vide tout à coup s'est ouvert sous mes pas,
Et j'ai perdu le sens des choses d'ici-bas
Qu'il me faut traverser encore !
Imprudent voyageur qui, devant son coursier,
Dans le désert a vu s'effacer le sentier
Sous le sable qui le dévore !
La nuit, ses astres d'or, son silence, ou les bruits
Par sa lyre d'ébène en accords réunis
Chantant au loin dans les campagnes,
Le jour, et tous les flots de vie et de couleur
Qu'il épanche aux épis, à la grappe, à la fleur,
Au front des bois et des montagnes,
Étalent vainement leur sereine beauté ;
Sans entendre ni voir, je passe dégoûté
Devant ces merveilleux spectacles,
Explorant toute cime et toute profondeur,
Vous cherchant dans les cieux, vous cherchant dans mon coeur,
Fouillant dans tous les tabernacles !
Mon esprit ne sait plus qu'un seul mot, votre nom ;
Une voix seule éclaire et charme ma raison,
La vôtre, ô mystérieux Verbe !
Et les cris des humains, tristes ou triomphants,
Me semblent les clameurs d'une troupe d'enfants
Qui se disputent un brin d'herbe !
Immuable lumière ! inextinguible ardeur !
Mon oeil audacieux a de votre splendeur
Gardé l'ineffaçable empreinte ;
Ramené sur la terre, il s'aperçoit trop tard
Que rien ne pourra plus attirer le regard
Qui profane votre arche sainte !
Je reconnais ma faute à la punition ;
Elle est grande, Seigneur ! mais mon affliction
Peut-être encore la dépasse !
Cet insolent mépris des choses d'ici-bas,
Y mettrait-on un siècle, on ne compterait pas
Tous les pleurs amers qu'il amasse
Au plus secret du coeur de ceux qui devant vous,
Sans palmes, ont tenté de se mettre à genoux
Sur les degrés de votre trône,
Et balancé trop haut dans leurs indignes mains,
Rempli de leurs soupirs, l'encensoir de vos saints,
Sans porter au front leur couronne !
Nouvelles Glanes (1878)
Voici ce qu'en dit la Comtesse Bawr dans "Mes Souvenirs", 1853
(Gallica)
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