Flaugergues (Pauline de) ... 1799-1878
Pauline de Flaugergues
(1799-1878)
(1799-1878)
Comparée par George Sand à André Chénier
Aspirations
Quand la vigne languit sur sa tige affaiblie,
Mon Dieu, lorsque l'orage est venu la flétrir,
Que sans appui sa tête à tous les vents se plie,
Ta pitié la laisse périr.
Atteint de la cognée, il meurt de sa blessure,
Le myrte du vallon. Sous le fer du faucheur
Tombe l'épi brisé. La feuille au doux murmure
Disparaît quand le givre a terni sa fraîcheur.
Quand l'aiguille cruelle, à la flamme rougie,
Perce le pauvre insecte endormi sur la fleur,
Il tressaille et se meurt, son aile épanouie
N'a frémi qu'un moment sous l'atroce douleur.
Si le plomb meurtrier, sous l'ombreuse ramée,
Frappe l'oiseau chanteur, sa gémissante voix
Appelle en expirant sa douce bien-aimée,
Et puis, il tombe ainsi qu'une feuille des bois.
A l'espoir du bonheur, seule dois-je survivre?
Mon Dieu! vois ce front lourd, vers la tombe incliné!
Du poids brûlant des jours que ta main le délivre,
Si d'assez de douleurs elle l'a couronné!
Voeu
Que n'a-t-elle à son gré pour charmer tes douleurs
La vertu d'un dictame et la grâce des fleurs!
Pour éclairer un ciel que ta tristesse voile,
Les pensives lueurs de la plus pure étoile!
Que n'a-t-elle la voix des sonores ruisseaux,
Versant à tes yeux clos la molle rêverie!
Que n'a-t-elle au réveil, caressante Egérie,
Des concerts à te dire à travers les roseaux!
Elle n'est du palmier que la liane aimée
Qui l'embrasse et s'élève, et fleurit avec lui,
La source qui scintille, un moment transformée
Quand sur ses flots rêveurs un rayon d'or a lui.
Souvenez-vous de moi
Mon oeil distrait, errant dans la prairie,
T'a reconnue avec transport.
Suis-moi, rappelle à mon âme attendrie
Les moments passés sur ce bord.
Mais non, fleuris et meurs sur ce rivage,
J'y voudrais mourir près de toi...
Je pars... Vous tous dont j'emporte l'image,
Souvenez-vous de moi !
Matinée de mai 1851
Pourquoi renaissez-vous dans la pelouse verte,
Douces fleurs qu'il aimait, petites fleurs des prés?
Pourquoi parer ces murs et ce toit qu'il déserte,
Jasmin de Virginie aux corymbes pourprées?
Et vous, jasmin d'Espagne, aux étoiles sans nombre,
Ecartez vos festons qui nous charmaient jadis!...
Qui vous demande à vous des parfums et de l'ombre,
Jeunes acacias si promptement grandis?
Pourquoi viens-tu suspendre, ô frêle clématite!
Ta blanche draperie à sa croisée en deuil?
Ne sais-tu pas qu'ici le désespoir habite,
Que le poète aimé dort sous un froid linceul?
L'ébénier rajeuni balance, gracieuses,
A la brise de mai, ses riches grappes d'or.
L'oiseau remplit de chants les nuits mélodieuses
Comme si deux amis les admiraient encor.
Pour qui vous parez-vous ainsi, chère retraite?
Vêtissez-vous de deuil, comme moi, pour toujours!
Vous ne le verrez plus, le docte anachorète,
Oubliant sa langueur pour sourire aux beaux jours.
Vous ne l'entendrez plus cette voix adorée,
Qui sut en vers si frais chanter ces frais taillis;
Qui, naguère, plus grave et du ciel inspirée,
Forma de saints accords des anges accueillis.
Aux goûts simples et purs, à ces vallons fidèles,
Par un rayon d'avril il était réjoui;
Ses regards épiaient la première hirondelle,
Et le premier bouton à l'aube épanoui.
Et moi, quand s'apaisait cette fièvre brûlante,
Qui, sur ta couche, hélas, souvent te retenait,
Que j'aimais à guider la marche faible et lente.
A sentir à mon bras ton bras qui s'enchaînait.
Quoi! pour jamais absent, tendre ami que je pleure!
En vain je crois te voir aux lieux où tu n'es pas;
Et pour te retrouver, c'est loin de ta demeure,
C'est dans l'enclos des morts qu'il faut porter ses pas.
Et le printemps revient avec son gai cortège?
On voit les fruits germer, le feuillage frémir,
La vigne couronner le pin qui le protège.
Dans cet ingrat séjour, je suis seule à gémir!
Tout chante, aime, fleurit... Incessante ironie,
Pour mes yeux qu'ont brûlés tant de veilles, de pleurs!
Pour ce coeur dévasté, plein de ton agonie,
Que font saigner encor tes suprêmes douleurs!
Ah! viennent les frimas, l'inclémente froidure,
Et dans les bois flétris les longs soupirs du Nord,
Et la neige étendant sur la molle verdure,
Son suaire glacé d'une pâleur de mort!
L'âme stérile où toute joie expire
Du retour des saisons ne comprend plus la loi,
Mes pleurs sont plus amers à voir le ciel sourire,
Et ta vallée en fleurs s'épanouir sans toi!
A celle qu'on oublie
Qui pense à ceux qui ne sont plus ?
Des vivantes cités fuyant les bruits confus,
Qui de la cité morte aime à franchir l'enceinte
Pour prier et pleurer sur une cendre éteinte ?
Qui pense à ceux qui ne sont plus ?
On te vit belle et gracieuse,
Sourire et t'envoler !... après quelque printemps,
Qui prononce ton nom dans la foule oublieuse ?
Qui dit les yeux en pleurs : Hélas ! bien peu d'instants
On te vit belle et gracieuse !
Qui s'arrête et prie en passant
Sur le tertre qu'ombrage un rosier pâlissant ?
Quels soins ont rafraîchi sa tige qui s'altère ?
Pas même un étranger, un rêveur solitaire.
Qui s'arrête et prie en passant !
Comme la perle en son écaille,
Qui garde ton image en son cœur attristé ?
Tu fus la fleur d'un jour dont le gazon s'émaille
Au virginal cercueil tu dors en ta beauté
Comme la perle en son écaille !
La harpe qu'animait ta voix
Insoucieuse, hélas ! vibre sous d'autres doigts.
Folâtre, elle ne dit sous la main qui l'effleure
Ni cantiques du ciel, ni romance qui pleure,
La harpe qu'animait ta voix.
En vain, souvenance éternelle
Fut promise à ta cendre avec des pleurs amers ;
Au culte du passé qui demeure fidèle.
Pour l'homme (être mobile autant qu'un flot des mers),
Est-il souvenance éternelle !
Reviens doux ange au front voilé,
Ne quitte plus le temple où je t'ai rappelé!
Oui, ce coeur fraternel, plein de mélancolie.
Se souviendra toujours de celle qu'on oublie,
Reviens, doux aigle au front voilé.
La dispersion des Juifs
Sur les monts de Juda, la sauvage gazelle
Bondit. Mais de Juda les enfants dispersés
Errent au loin, traînant les fers de l'infidèle,
Et du sol natal repoussés.
De son immortelle verdure,
Le cèdre, avec orgueil, étale la beauté;
La rose du Liban s'entr'ouvre, et fraîche et pure,
Lève un front virginal de parfums humecté.
Ma hélas! d'Israël les filles désolées
A leurs fronts pâlissants n'attachent plus de fleurs.
Elles marchent échevelées.
Le sable du désert s'humecte de leurs pleurs.
Malheureuses tribus errantes!
Par un soleil brûlant nos fronts sont dévorés.
Nos poitrines sont haletantes,
Nos genoux chancelants et nos pieds déchirés.
Où donc s'arrêtera notre pénible course?
Pauvres captifs, où donc serons-nous transplantés?
Sur quelle rive, à quelle source
Laverons-nous enfin nos pieds ensanglantés?
Nous qui ne devons plus entendre le murmure
Des flots de la patrie, où serons-nous portés?
Rongés par les vautours, par l'impie insultés,
Où blanchiront nos os privés de sépulture?
Quel vent dispersera la cendre des proscrits?
Les petits oiseaux ont leur nid,
Sur les rochers l'aigle a son aire,
Le loup sauvage a sa tanière,
L'hôte impur des marais un lit dans les roseaux,
Le plus chétif insecte un buisson qui l'abrite.
Mais nous! où reposer notre tête proscrite?
Nous n'avons ni pays, ni temple, ni tombeaux!
Publié dans "Jérusalem et la Terre Sainte"
Bibliographie
- Au bord du Tage, Paris, 1841
- Les Bruyères, Paris, 1854
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