Vignon (Marie-Louise) (.......)
Marie-Louise Vignon
Puisqu'il faut vous chercher...
Puisqu'il faut vous chercher, c'est par tous les chemins,
Par la grand'route usée où la foule s'engage,
Ou le sentier perdu vierge de pas humains...
Si l'on peut arriver, qu'importe le voyage?
Puisqu'il faut vous chercher, l'on tend les bras vers vous,
Dussiez-vous nous choisir comme cible vivante,
Dieu des douleurs, - ou bien, devant vos froids genoux,
Nous tenir moins tremblants d'amour que d'épouvante.
Puisqu'il faut accueillir en soi la Vérité,
Soyons indifférents à notre coeur d'argile
Qui, peut-être, sera comme un vase éclaté
Dont un métal trop lourd rompit le flanc fragile.
Mais quel vase contient en son cristal géant
La Mer ou, seulement, l'écume d'une lame?
Il renferme un peu d'eau, - non pas tout l'Océan!
L'Infini n'est donc plus l'Infini dans notre âme.
Et peut-être, mon Dieu! devant vous sont égaux
Le croyant humble et doux que sa soif désaltère,
Et celui qui, lassé de ses cris sans échos,
N'a pas élu de puits pour sa soif solitaire.
La Douleur solitaire: la Mort qui passe (1911-1919)
Pour leurrer ma détresse
Pour leurrer ma détresse et pour bercer mon doute,
Ô Dieu, dans votre église, il ne me suffit pas
D’une brume d’encens au ciel noir de la voûte,
De l’écho solennel intimidant les pas,
De l’orgue, que le coeur, avec l’oreille, écoute.
Et le déroulement de vos processions
Où la ferveur, parmi l’or des cierges, s’enflamme,
Les psaumes qu’ont chantés les générations,
Ne peuvent rafraîchir ni détendre mon âme
Et la nourrir d’un miel sacré d’émotions.
Plus d’un, comme on fait luire au soleil une gemme,
Goûte en eux son passé pieux ressuscité
Par les cloches d’argent ; et c’est presque un blasphème
De dire : « Que m’importe à présent leur beauté ? »
Pourtant, de quoi sert-elle, ô Seigneur, sans vous-même ?...
Pour moi, tout est combat, tout est déchirement :
Vous seul me tendriez la cuirasse et le glaive,
Vous m’envelopperiez d’un ample vêtement.
Comme un sol desséché qui s’entrouvre, je rêve,
En mon aridité, d’un long jaillissement.
Mes ceps n’ont point porté de grappes, et la Vie
N’a pas comblé ma coupe avec son vin trop doux.
Pareille aux plus croyants, – combien je les envie !
Les mains sur mes yeux clos, je ne voudrais que Vous
En un farouche élan qui jamais ne dévie.
Mais aucun dogme, hélas ! n’a conquis ma raison,
Et comme, tout à coup, plus tremblant et plus sombre,
Un blessé qui n’a plus d’espoir de guérison
A peur des seuils heureux et s’enfonce dans l’ombre,
Seigneur ! craignant mon mal, je fuis votre maison...
Credo
« Acceptant votre loi qui m’indigne et m’effraie,
Je baisserai, soumis, mon front et mon regard. »
(M.-L. V.)
Je n’ai pas retrouvé ma foi docile et calme,
Ma blanche foi d’enfance et son parfum de lis,
La foi de ceux qui vont, simples, tels que des fils,
Vous porter leur amour comme une verte palme,
Et je Vous cherche en vain depuis que j’ai souffert,
Que j’ai perdu ma force avec ma joie intime
Et que l’humanité me semble une victime
Dont, à vos pieds, le sang jaillit sous votre fer.
J’entends toujours ses cris, ses plaintes pathétiques
Qui, pour Vous accuser, ainsi que ses sanglots,
Montant vers Vous, pareils au bruit croissant des flots,
Couvrent les sons sacrés de l’orgue et des cantiques.
Vous êtes la Justice, ou vous n’êtes pas Dieu :
Par quelle loi, pour nous trop terrible ou trop haute,
Devons-nous expier, nous, innocents, la faute
Qui nous a fait bannir de l’Éden au seuil bleu ?
Si la douleur rend noble et si l’on est par elle
Purifié sur son bûcher mystérieux,
Pourquoi mettre, ô Bonté, pour nous déchirer mieux,
Cette soif de bonheur en nous, si naturelle ?
Vous observez, serein, voilé de votre azur
Où votre majesté dominatrice habite,
Nos désespoirs qu’empli d’une pitié subite,
Secourrait aussitôt l’homme au coeur le plus dur.
Est-il vrai qu’aucun d’eux, quel qu’il soit, ne vous touche
Ou que vous refusez d’écouter leur appel ?
Vous êtes impassible ou vous êtes cruel,
Et les mots de prière expirent sur ma bouche !
Mais moi qui ne sais rien, qui ne peux rien savoir,
Je sens toujours plus lourd mon front de condamnée,
Car sans Vous l’on n’a plus, pour fuir sa destinée,
Qu’à se réfugier au fond du néant noir.
Comme un voyageur marche, exalté par l’envie
De découvrir la mer qui brille, immense, au loin,
J’ai de votre existence un trop brûlant besoin :
Il faut que Vous soyez, Flamme et Lumière, ô Vie !
Et, me laissant tomber dans mon doute à genoux,
Malgré la lutte obscure où notre ferveur sombre,
Malgré la Mort, ô Dieu, que vous fîtes si sombre,
Je crois en Vous ! Je crois en Vous ! Je crois en Vous !
Bibliographie
- Chants de jeunesse (1911)
- La Douleur solitaire (1920)
- Ciels clairs de France (?)
- Ciels clairs de France, 2ème série (1932)
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