Chateaubriand (Lucile de) ... ... ... (......)
Lucile de Chateaubriand
Certains critiques émettent l'idées que certains textes de Lucile de Chateaubriand "annoncent par certains aspects la forme du poème en prose moderne" (Nathalie Vincent-Munia)
A la lune
Chaste déesse ! Déesse si pure , que jamais même les roses de la pudeur ne se mêlent à tes
tendres clartés, j'ose te prendre pour confidente de mes sentiments. Je n'ai point, non plus que
toi, à rougir de mon propre cœur, mais quelquefois le souvenir du jugement injuste et aveugle des hommes
couvre mon front de nuages, ainsi que le tien. Comme toi, les erreurs et les misères de ce monde inspirent
mes rêveries. Mais plus heureuse que moi, citoyenne des cieux, tu conserves toujours la sérénité ;
les tempêtes et les orages qui s'élèvent de notre globe, glissent sur ton disque paisible. Déesse aimable à ma tristesse,
verse ton froid repos dans mon âme.
L'aurore
Quelle douce clarté vient éclairer l'Orient! Est-ce la jeune Aurore qui entr'ouvre au monde
ses beaux yeux chargés des langueurs du sommeil? Déesse charmante, hâte-toi ! quitte la couche nuptiale,
prends la robe de pourpre ; qu'une ceinture moelleuse la retienne dans ses nœuds ;
que nulle chaussure ne presse tes pieds délicats; qu'aucun ornement ne profane tes belles mains
faites pour entr'ouvrir les portes du Jour. Mais tu te lèves déjà sur la colline ombreuse. Tes cheveux d'or
tombent en boucles humides sur ton col de rose. De ta bouche s'exhale un souffle pur et parfumé.
Tendre déité, toute la nature sourit à ta présence ; toi seule verses des larmes, et les fleurs naissent. »
L'innocence
Fille du ciel, aimable Innocence, si j'osais de quelques-uns de tes traits essayer une faible
peinture, je dirais que tu tiens lieu de vertu à l'enfance, de sagesse au printemps de la vie,
de beauté à la vieillesse et de bonheur à l'infortune; qu'étrangère à nos erreurs, tu ne verses
que des larmes pures, et que ton sourire n'a rien que de céleste. Belle Innocence! mais quoi
les dangers t'environnent, l'envie t'adresse tous ses traits; trembleras-tu, modeste Innocence?
chercheras-tu à te dérober aux périls qui te menacent ? Non, je te vois debout, endormie, la tête
appuyée sur un autel.
Jugement de René de Chateaubriand sur sa soeur Lucile
Les pensées de Lucile n'étaient que des sentiments; elles sortaient avec difficulté de son
âme; mais, quand elle parvenait à les exprimer, il n'y avait rien au-dessus.
Elle a laissé une trentaine de pages manuscrites ; il est impossible de les lire sans être pro-
fondément ému.
L'élégance, la suavité, la rêverie, la sensibilité passionnée de ces pages offrent un mé-
lange du génie grec et du génie germanique.
Mémoires d'Outre-Tombe
Lucile de Chateaubriand
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