Carolina Pavlova / Каролина Павлова (1807 - 1893 )
Carolina Pavlova / Каролина Павлова
( 1807 - 1893 )
Poétesse et traductrice russe, née Yanish dans la famille d'un médecin d'origine allemande, elle a vécu toute sa vie à Moscou. Carolina Pavlova a fait de brillantes études à domicile. Elle parlait couramment plusieurs langues européennes. Elle écrit, dès son enfance, des poésies et des récits en prose en allemand et en français. Son premier livre de poésies et de traductions de Pouchkine, Baratynskiï et Yasykoff a été édité en allemand en 1833 à Dresde. Les premiers vers écrits en russe datent de 1839, c'est-à-dire, à l'âge de 32 ans. Son salon littéraire à Moscou était très connu et fréquenté par des écrivains, des savants, des artistes, des peintres, des musiciens; mais, d'après le poète N.Berg, leur attitude envers la poétesse était plutôt moqueuse. Ils l'avaient un peu en grippe pour son parlé guindé, ainsi que pour sa très grande fatuité et sa mauvaise habitude de lire longuement ses poésies à tout le monde. Elle s'est éteinte à Dresde dans la pauvreté absolue, oubliée en Russie. C'est le poète V.Brussoff qui l'a "ressuscitée " en rééditant son oeuvre en 1915, et depuis, Carolina Pavlova a pris sa place dans l'histoire de la poésie russe des années 1840-1850.
le vagabond
J'ai quitté le sommet des montagnes solitaires,
Les ténèbres se couchent sur val et forêt;
Je regarde apparaître la première étoile
Et je pense à la région lointaine, où je me rends.
La nuit étend son chapiteau
Sur les vastes espaces divins;
Que le monde est nombreux, que le monde est immense,
Et moi je suis si seul et si insignifiant!
Des chaumières blanches apparaîssent dans les prés,
Tout homme possède un abri,
Mais le vagabond que je suis, dans sa peine discrète
Traverse des pays, les uns après les autres.
Sur les toits dans la vallée paisible
La nuit tombe, le jour s'envole;
Et moi je n'ai aucune place, aucun refuge!
Je marche et mon soupir murmure: où vas-tu ?
Le bleu du ciel m'est lugubre,
Le printemps est vieux et la vie, mourante,
Leur bienveillance est pour moi une attention vaine:
Pour eux je ne suis qu'un étranger, un inconnu.
Où es-tu, Terre promise,
La seule que je veux voir,
Le pays d'amour et de beauté,
La Terre où s'épanouissent mes fleurs ?
Le pays où mes rêves deviennent réels,
Où les morts ressuscitent,
Où l'on parle ma langue,
Où tout ce que je n'ai pas réussi se réalise!
En voyant arriver les ténèbres
Je me pose une seule question.
La réponse est: " le comble du bonheur est là,
Où, malheureux, tu n'es pas!"
1843
MOSCOU
Un jour de rêverie douce, un jour maussade et triste,
Et dans le ciel tant de nuages pluvieux,
J'entends dans l'air un son vibrant, un son lointain,
Le son des cloches moscovites.
Lassée par cette intense rêverie
Soudain à ce moment précis, je revis
Un moment différent: c'était un soir splendide,
Je galopais à cheval dans les prés.
Plus vite! Plus vite! Et près du précipice,
Stoppant mon cheval obéissant,
Je jette un regard sur les vastes espaces:
Flamboyant, l'astre du jour effleurait les vallées.
Et tout en bas je vois ornée de cathédrales
Ma ville étendue ( amplement ) en largeur,
Rayonnante et magique.
Et quelque chose se réveille en moi.
Moscou! Moscou! Que ressent-on
Dans la sonorité du mot ?
Pourquoi est-il si proche du poète ?
Si impérieux pour l'homme ?
Pourquoi me semble-t-il que dans ce mot
se rassemble ( toute ) la Russie tant accueillante ?
Pourquoi, Moscou, est-ce que je te regarde
Avec des yeux si lumineux ?
Alors que tes palais sont là, bien tristes,
Que ton éclat a disparu et que ta voix s'est tue.
Tu n'as plus d'ardeur mondaine,
Ni de procès retentissants, ni de biens terrestres.
Quels sont les mots secrets
Gravés dans l'âme russe,
Pour qu'on se jette dans tes bras
Lorsqu'au loin tu apparais ?
Moscou! Pendant des jours terribles et tristes,
Gardant l'amour sacré pour toi,
Ce n'est pas au hasard que nous t'avons donné
Notre vie et notre sang.
Ce n'est pas au hasard qu'au cours de la grande bataille
Ton peuple a laissé sa tête et a péri
Sur la plaine à Borodino
En implorant: " Fais grâce, Seigneur, à Moscou!"
Cette semence a été abondante.
Elle a donné une floraison luxuriante.
Souhaitons que notre jeune génération (les générations suivantes)
Sauvegarde le don de nos parents, celui de semer l'amour (celui d'aimer).
1844
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