Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Villedieu ou Desjardins, (Marie-Catherine-Hortense) 1640?-1683

Marie-Catherine-Hortense de Villedieu

ou Desjardins

1640?-1683

Bibliographie Université Lumière Lyon II

 

 

Oeuvres de Mme de Villedieu

Fables ou histoires allégoriques (1870)

Site du Grac consacré à Mlle de Villedieu

--------------------------------------------

Quelques poésies érotiques

Extraites des Vers du Ballet du Mail de l'Arsenal aux Dames

(Oeuvres de Mademoiselle Desjardins, ed. 1664)

Emile Magne a montré que ces poèmes ont été malicieusement insérés dans ses oeuvres complètes par un de ses éditeurs

 

Le batelier aux Dames

 

Belles que je conduis sur l'eau,

De crainte de faire naufrage,

En vous passant en ce bocage,

Il faut boucher les trous qui sont dans mon bateau.

 

Le laquais aux Dames

 

Je suis des laquais le plus sage,

Pour faire un amoureux message,

Mesdames c'est moi nuit et jour

Qui porte le paquet d'amour.

 

Deux joueurs du mail

 

Belles voyez notre attirail,

Nous sommes des joueurs du Mail,

Dont l'humeur est joyeuse et franche,

Nous venons nous offrir à vous,

Pourvu que nous jouiions du manche,

Nous ferons toujours de bons coups

 

Le patissier

 

J'ai des pâtes, des darioles,

Des tartelettes, des rissoles,

Des gâteaux et des petits choux,

J'ai bien quelque autre friandise,

Dessous ma houpelande grise

Hé, mesdames, en voulez-vous.

 

 Le busc, 1664 P. 153


 

Stances

 

Beau pré, charmante solitude,

Si chère à mon inquiétude,

Où s'exhale tous mes soupirs:

Cher confident de mon martyre,

Hélas! quand oserai-je dire,

Ce que tu sais de mes désirs?

 

Souvent sur un lit de verdure,

Rêvant à l'aimable murmure

Du ruisseau qui lave tes bords:

Tu vis quelle fut ma constance,

Qui voulut combattre l'absence,

Par cent inutiles efforts.

 

Beau ruisseau, si tu vois la plaine,

Qui sert de borne à la Seine,

Cherche l'objet de mes douleurs:

Mes larmes ont grossi ta source,

Mes soupirs ont hâté ta course:

Rends-lui mes sanglots et mes pleurs.

 

Mais hélas! que dis-je insensée?

Quelle criminelle pensée

S'offre à mon esprit abattu?

Non, ruisseau, cache mon martyre.

Ce qui t'ordonne de le dire,

Est plus faible que ma vertu.

 

Quelques efforts que l'amour fasse,

Je paraîtrai toute de glace,

Quand je me sentirai brûler.

O vertu! puisque tu l'ordonnes,

Je suivrai la loi que tu donnes,

Et mourrai plutôt que de parler.

 

 

Autre sonnet

 

Impétueux transports transports d'une ardeur insensée,

Douces illusions qui séduisez nos sens

Souvenirs qui rendez mes efforts languissants,

C'est trop longtemps régner dans ma triste pensée.

 

Malgré tous vos appas vous serez effacée,

Fatale impression de tant d'attraits puissants:

Mouvements indiscrets, si doux et si pressants,

Je vous immole tous à ma gloire offensée.

 

Mais, quel trouble secret s'oppose à mes desseins?

Quel désordre imprévu rend ces mouvements vains?

Que me demandes-tu, coeur ingrat et rebelle?

 

Si l'honneur et la foi ne te peuvent guérir,

Pour éviter les noms de faible et d'infidèle,

Lâche, montre du moins que tu sais bien mourir.

 

(1662)

 

 

L'Hirondelle et l'oiseau de Paradis

 

L'hirondelle, craignant le froid de nos quartiers,

S'en allait faire un tour, jusqu'auprès de Carthage.

L'oiseau de Paradis, se trouve à son passage.

Voyageurs, comme on sait, confinent volontiers.

Les voilà donc jasant,d'un climat et d'un autre,

L'hirondelle vantait, les raretés du nôtre,

Et l'Oiseau, les beautés du sien: Elle prit goût à l'entretien.

Elle se connaissait, pour n'être qu'hirondelle,

Et savait que l'oiseau n'est pas oiseau pour elle;

Mais contre ce qui plaît, on prend loi de rien.

L'Oiseau de paradis, est charmant au possible,

Et notre voyageuse, a le coeur susceptible.

Elle niche souvent, en tel palais de Cour,

Où l'on n'habite point, sans connaître l'amour:

Elle admire, tantôt, le bec, et le ramage,

D'autres fois, le rare plumage,

De l'hôte autrefois si charmant;

Et sans considérer dans son emportement,

La voilà d'abord résolue,

A ne le perdre plus de vue.

Cependant la faim la pressait,

Dame Nature pâtissait.

Et l'on sait que cette commère

Ne se repaît point de chimère.

 

Tant d'amour qu'on voudra, tant de charmants appas,

Il faut toujours manger et boire,

Et c'est un incident, nécessaire à l'histoire,

Que de prendre au léger repas.

Que faire donc dans cette conjoncture?

Faut-il se révolter, contre Dame nature?

Ou faut-il se rendre à ses coups,

Jeunes Amants, ma Fable parle à vous.

Quelque soit l'ardeur qui vous transporte

Sur un peu de prudence, appuyez votre amour,

Les plaisirs les plus grands, sont sujets au retour,

Et la nécessité demeure la plus forte.

 

 

 

Elégie II

 

Mais, Amour, ses plaisirs sont de peu de durée,

Il n'est point sous tes lois de fortune assurée:

Et dans un même jour un misérable amant

Voit naître mille fois et mourir son tourment.

A peine avais-je dit mon amoureux martyre

A l'adorable objet pour qui mon coeur soupire,

Que d'un père cruel le barbare pouvoir,

Nous prive injustement du plaisir de nous voir.

Tigre quel mal vous font nos innocentes flammes,

Que vous entreprenez de désunir nos âmes?

Ha! ne l'espérez pas, tous vos efforts sont vains,

Nos âmes ne sont point l'ouvrage de vos mains:

Les Dieux en les formant par leur toute puissance,

Ont voulu les unir au point de leur naissance:

Cette belle union doir à janmais durer,

Et même le Destin ne nous peut séparer,

Mais que servent hélas! tant de plaintes frivoles?

Que font à mon amour tant de vaines paroles?

Les coups que je reçois de ce père inhumain,

Sont frappés de plus haut et par une autre main.

Ce sont les Immortels qui causent ma misère,

Mon amour a sans doute attiré leur colère.

Depuis que je vis sous l'Empire amoureux,

Ce n'est plus vers le Ciel que j'adresse mes voeux:

Je n'adore que vous ma divine Célie,

Pour vous j'ai méprisé leur grandeur infinie:

Et les Dieux irrités, de leur gloire jaloux,

Ont voulu m'en punir en me privant de vous

Quoi? je ne verrai plus votre charmante bouche

Me dire: Licydas, votre douleur me touche?

Je ne vous verrai plus, doux charme de mes yeux?

Ha! non cela n'est pas dans le pouvoir des Dieux:

Je vous verrai toujours tant que j'aurai des yeux.

Quand pour m'en empêcher ils m'ôteraient la vie,

Je vous verrais encore adorable Célie:

Mon esprit amoureux reviendrait des enfers,

Vous dire; je vous aime, ô beauté que je sers.

 

 

 

Eglogue II

 

Dans un charmant Pays éloigné de la Cour,

Dans un beau lieu planté par les mains de l'Amour:

Où l'on voit un torrent par la chute rapide,

Aplanir des rochers la verte pyramide,

Et creuser un chemin pour se précipiter,

Sur un superbe mont qui veut lui résister;

Et puis tout glorieux d'une telle dépouille,

Apaiser sa fureur sur les côteaux qu'il mouille;

Et laisse écouler ses bouillonnantes eaux,(.)

Des Cèdres et des Pins la fraîcheur et l'ombrage,

Des charmants Rossignols l'agréable ramage,

Le souffle des Zéphirs, les Echos d'alentour,

Les arbres et les fleurs, tout inspire l'amour.

Que l'on vivrait content dans cette aimable terre,

Si cette passion n'y faisait point la guerre!

Dans ce lieu seulement on pourrait être heureux,

Si l'on n'y sentait point les tourments amoureux.

Mais hélas! de ce Dieu la puissance suprême,

Fait dire dans ces bois, je meurs et je vous aime:

On y veille la nuit, on y rêve le jour

Tout y connaît enfin le pouvoir de l'Amour,

Mais entre les Bergers qui lui rendent hommage,

Licydas le plaisir et l'honneur du Bocage,

Licydas que Vénus eût fait gloire d'aimer,

Et que Vénus pourtant n'eût jamais pu charmer;

Licydas cet Amant si tendre et si fidèle,

Accablé par l'excès d'une douleur mortelle,

Exprimait par ces vers ses mouvements jaloux,

A l'ingrate Beauté dont il sentait les coups.

Adieu, lui disait-il, adorable Célie,

Votre infidélité me prive de la vie:

Et puisque ce moment me conduit à la mort,

Je ne dois l'employer qu'à déplorer mon sort.

Ecoutez mon tourment, trop aimable infidèle,

Et fussiez-vous encor mille fois plus cruelle,

Sur le tendre récit de mes longues douleurs,

Vos yeux seront forcés à répandre des pleurs.

Ce discours qui jadis eût charmé la Bergère,

Trouble alors le repos de son âme légère:

Elle ne connaît plus le fidèle Berger,

Et depuis que l'ingrate auraît pu le changer,

Tout ce qu'il possédait de charmant et d'aimable,

Paraissait à ses yeux un objet effroyable.

Elle ne put souffrir un discours si pressant,

Et lançant au Berger un regard menaçant:

Cesse, cesse (dit-elle) un discours qui m'outrage,

Je ne puis, ô Berger! t'écouter davantage:

Je ne t'ai point donné ni retiré mon coeur,

Je n'eus jamais pour toi ni bonté ni rigueur:

Si vous aviez paru toujours inexorable,

On ne me verrait pas aujourd'hui misérable,

(Reprit-il) et n'aurais pour adoucir mon sort,

Evité vos beaux yeux, ou rechercher la mort.

Mais par l'appas flatteur de mille bontés feinte(s),

Vous fîtes à mes noeuds de plus fortes étreintes.

Ne vous souvient-il plus de ce bienheureux jour,

Où le visible effet du pouvoir de l'Amour,

Vous fit voir malgré moi jusqu'au fond de mon âme,

Ce qu'un juste respect vous cachait de ma flamme?

Cesse (me dîtes-vous) d'étouffer tes soupirs,

En vain tu veux cacher tes amoureux désirs:

Si l'excès de respect a retenu ta langue,

L'amour a pris le soin de faire ta harangue:

Et cet éloquent Dieu s'en acquitte si bien,

Que je reçois ton coeur, et te promets le mien.

Vous m'avez commandé depuis cette promesse,

De vous donner le nom de ma belle Maîtresse:

Lorsque je m'absentais quelquefois du hameau,

Vous aviez la bonté de garder mon troupeau:

Et je fus si heureux qu'à la dernière Fête,

Vous ornâtes de fleurs ma houlette et ma tête.

Depuis ce doux moment qu'ai-je fait contre vous,

Qui puisse mériter votre injuste courroux?

Ha! vous savez trop bien quelle est mon innocence,

Mais Tirenne vous plaît, et voilà mon offense:

Votre nouvelle amour pour cet heureux Berger,

M'a rendu criminel en vous faisant changer.

Hé bien, je souffrirai le plus cruel supplice,

Sans jamais murmurer d'une telle injustice:

Mais avouez au moins, ingrate, après ma mort,

Que mon feu méritait un plus illustre sort.

Le triste Licydas finit ainsi sa plainte:

Les Dryades des bois eurent l'âme atteinte,

Cent fois dans son rocher Echo la répéta,

Le soleil pour l'entendre ence lieu s'arrêta,

Il ravit les Silvains par sa douce harmonie,

Et tout en fut touché, hors l'ingrate Célie.

 

Fin

 

 

Conseillère en galanterie, Mme de Villedieu donne des cours particuliers 

"Je lui donnerai les premières tablatures dont il a besoin pour apprendre à soupirer sur le bon ton"

 

 01 Villedieu Cours de gala. 01.jpg
02 Villedieu Cours de gal 02.jpg



(Le roi se baignait dans sa chambre)

 

 

Publié dans  "Recueil de poésies" , 1662

Baignoire 01.jpg
Baignoire 02.jpg
Baignoire 03.jpg
Baignoire 04.jpg

 

Villedieu - Rajoy

Coïncidence troublante : le jour même où je mets en ligne le poème qui précède, je découvre cet article publié dans El Comercio (26 juillet 2015): Mariano Rajoy, président du gouvernement espagnol se baignant dans la rivière de l'Umia, près de Compostelle, pour le plus grand plaisir de tous.

Cliquer sur le document pour l'agrandir

Villedieu Rajoy.jpg

 

 



15/02/2011
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 165 autres membres