Calages (Marie de)... ... ... ... 1630-1661
Marie de Calages
1630-1651
Cantique de Judith
(Fragments)
Ainsi devant qu'on vit le céleste Flambeau
Achever sa carrière, et retomber dans l'Eau
L'on vit ce Prince à table avec sa belle hôtesse,
L'une pleine de zêle, et l'autre d'allégresse,
L'une écoutant son Dieu qui lui parlait au coeur,
L'autre adorant les yeux dont il se croit vainqueur,
L'espoir de l'une est grand, l'erreur de l'autre extrême,
L'une attend tout du Ciel, l'autre tout de lui-même,
L'une fait abstinence au milieu d'un festin,
L'autre noie à son gré son âme dans le vin,
Judith pour l'inciter à boire davantage
Peint la joie et le ris dessus son beau visage,
Et ce faible Païen qui croit légèrement
Pensant de l'obliger reboit incessamment
Mais insensiblement sa raison l'abandonne,
A peine connaît-il la fidèle Amazone
Ce glorieux portrait si vivement tracé
N'est plus dans son esprit qu'un fantôme effacé,
Ses yeux sont tous en feu, son allure est farouche,
Il cherche à pas tortus sa malheureuse couche,
Losque son confident l'y conduit promptement,
Et laisse Judith seule avec ce bel Amant:
Puis s'en va de ce pas dans le vin et la viande
Se réduire en l'état que la Veuve demande,
Cependant elle croit que les ordres de Dieu
Doivent s'exécuter par sa main dans ce lieu,
Et sans examiner le péril de sa fuite
Elle abandonne au Ciel le soin de sa conduite,
Et le pressant encor avac d'ardents soupirs
D'accomplir sa promesse ainsi que ses désirs,
Elle voit sur le lit la redoutable épée
Qui dans le sang hébreu devait être trempée,
Je vois, je vois, dit-elle, arbitre des humains
Ce que tu me promis de mettre entre mes mains,
Puis observant de près ce conquérant du monde,
Et le voyant dormir d'une ivresse profonde
Elle saisit ce fer, et le mettant à nu
Se sent grossir le coeur d'un transport inconnu,
Dieu d'Israël, dit-elle, achève ton ouvrage
Là d'un robuste bras, et d'un mâle courage
Elle enlève la tête à ce Prince pervers,
La terreur des Hébreux, et de tout l'Univers,
Abra qui pour l'aider se tenait toute prête
Enferme dans un sac cette effroyable tête,
Et comme dans le vin tout dort profondémment
Elles n'ont point d'obstacle en leur éloignement.
Comme l'on voit le Berger loin de sa bergerie
Lorsqu'il peut sur le loup exercer sa furie,
Il arrache ses dents, il déchire sa peau,
Et puis tout glorieux retourne à son troupeau,
Ainsi marchait alors la vaillante guerrière,
De sa haute victoire elles est saintement fière,
Et rapprochant des Murs qu'elle vient d'affermir
Son éclatante voix les fait haut retentir,
Sortez, sortez, dit-elle, et quittez ces murailles
Nous avons triomphé par le Dieu des Batailles,
A ces mots redoublés Ozias qui l'entend
Qui depuis son départ à toute heure l'attend
Fait promptement ouvrir et l'une et l'autre porte,
Mande dans la Cité que tout le Peuple sorte,
L'un à l'autre déjà la nouvelle se dit,
Et l'on entend partout que le nom de JUDITH.
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... Messagers du Très-Haut qui portez son tonnerre
Quand il veut châtier les crimes de la terre,
Qui, le faisant ouïr dans tout cet univers,
Faites trembler les bons ainsi que les pervers,
Ministres immortels de ses justes vengeances,
Nobles princes des cieux, saintes intelligences,
Fidèles protecteurs du destin des humains,
Que sa bonté suprême a commis en vos mains,
De son divin amour, les fournaises ardentes
Et de ses volontés les trompettes vivantes,
Cachet de l’Éternel où lui-même est empreint,
Chantez, chantres divins, que le Seigneur est saint.
Et toi qui viens ouvrir la porte à la lumière,
Des chevaux du soleil la belle avant-courrière,
Qui devances ses pas au chemin radieux
Et sèmes l’horizon de bouquets précieux,
Qui te peins au matin de cent couleurs nouvelles
Et fais voir à nos yeux mille choses si belles,
Toi qui rends l’univers épris de tes beautés,
Lui ramenant le roi des feux et des clartés,
Jeune fille du ciel, des ombres triomphante
Qui sors de l’Orient et vermeille et riante,
Répandant sur les fleurs la fraîcheur de ton teint,
Par ton éclat pompeux, loue le trois fois saint.
Flambeau de l’univers dont la clarté féconde
Fait mouvoir tous les corps et conserve le monde,
Prince du Zodiaque et des douze maisons,
Courrier infatigable, arbitre des saisons,
Toi qui donnes toujours l’éclat à toutes choses,
Qui mets le blanc au lis et l’incarnat aux roses,
Qui, regardant la terre en tes vives chaleurs,
Fais sortir de son sein et les fruits et les fleurs,
Ardent père du jour, époux de la nature,
Du soleil éternel l’éclatante peinture,
Peintre, qui sans couleur toute la terre peins,
Écris en lettres d’or le nom du trois fois saint.
Toi que fuient le repos, le silence et les ombres,
Q ni fais voir les objets taciturnes et sombres,
Bel astre dont le feu qui faiblement nous luit
Fait voir un petit jour au milieu de la nuit,
Lune, qui tout ensemble es si froide et si claire,
Qui brilles de l’argent que te prête ton frère,
Qui règnes à ton tour sur la moitié de l’an
Et qui donnes des lois au superbe océan,
Claire soeur du soleil de qui la diligence
Sur un beau char d’argent roule le doux silence,
Le page lumineux qui jamais ne t’atteint
T’inspire le désir de louer l’Esprit saint.
Vous dont la triste nuit sème ses sombres voiles,
Beaux yeux du firmament, éclatantes étoiles,
Paisibles escadrons, présages du sommeil,
Étincelantes soeurs rivales du soleil,
Doux espoirs des nochers qui malgré les orages
Leur découvrez toujours les ports et les rivages,
Diamants hors de prix enchâssés dans les cieux
Dont le feu riche et pur plaît si fort à nos yeux,
Brillantes roses d’or en champ d’azur semées,
Clous du superbe char du grand Dieu des armées,
Clairs flambeaux de la nuit que le soleil éteint,
Ne défaillez jamais à louer l’Esprit saint...
Extrait de Judith ou la délivrance de Béthulie, 1660.
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