Guibert (Elisabeth)... ...1725-1787
Elisabeth Guibert
1725-1787
L'homme heureux possible
La vie est un instant; il faut en profiter;
Rejeter avec soin tout préjugé nuisible,
Croire un Dieu bienfaisant, croire un ami possible,
Et connaître le prix du bonheur d'exister;
Caresser la folie, estimer la sagesse,
Aimer un seul objet, en être un peu jaloux,
Etre toujours fidèle, et jamais n'être époux,
Effleurer les talents, les aimer sans faiblesse,
Paraître indifférent sur le mépris des sots,
Avoir le coeur ouvert sur ses propres défauts,
Etre content de soi, mais sans trop le paraître;
Enfin se croire heureux, c'est le moyen de l'être.
Mon portrait
Vive jusqu'à l'étourderie,
Folle dans mes discours, mais sage en mes écrits,
Ils sont presque toujours remplis
Par des traits de philosophie.
Sensible pour l'instant, mais facile à changer,
J'oublie, et quelquefois on peut me croire ingrate;
Je cherche à m'éclairer; je crois ce qui me flatte;
Je fuis les envieux, sans vouloir m'en venger;
Mon esprit est solide, et mon coeur est léger.
Air gai, peau blanche, oeil noir, et grandeur ordinaire;
Mes traits sont chifonnés, ma taille est régulière.
Autre autoportrait
En vain, trop tendre Iris, vous me peignez vos feux;
Je suis hors de cet âge, hélas! trop dangereux,
Où la raison n'a que de faibles armes
Contre l'enfant qu'on nomme Amour.
A présent, de sang-froid, je contemple ses charmes;
Et je me redis chaque jour:
J'ai trente ans; je ne dois plus plaire;
Adieu jeunesse, adieu beauté;
Quand mon amour propre est flatté,
Ma raison me dit le contraire.
Il est des plaisirs de tout temps;
Mais celui qu'on goûte au bel âge,
De ne trouver que des amants,
Approche-t-il de l'avantage
De ces aimables sentiments,
Dont l'amitié remplit notre âme?
Souvent de sincères amis,
Sur de légers soupçons, sans grâce sont bannis;
On craint une indifférente flamme;
Et leurs airs d'amants sont punis.
De la haine de mes semblables
J'éprouvais l'effet chaque jour,
Je les payais bien de retour.
Depuis un an, devant ma glace;
Je ne boucle plus mes cheveux.
Si je vous ai chéris, vains atours, danses, jeux,
C'est que, sans vous peut-être, Amour eût trouvé place
Dans un coeur qui n'était que trop fait pour aimer.
Cessez donc, jeune Itis, de vouloir me charmer;
Un instant de faiblesse empoisonne la vie;
A ma tranquillité porterierez-vous envie?
Laissez-moi jouir du bonheur
Que m'offre la Philosophie.
Je devrais m'offenser de votre vive ardeur;
Mais de votre destin je sens trop la rigueur:
Quand, avec l'heureux don de plaire,
Sans espérance on persévère,
Itis, et qu'on n'obtient qu'une tendre pitié,
C'est d'un sincère amour être trop peu payé...
A Monsieur de ***
Quoi! de l'amitié la plus tendre,
Vous me refusez le retour!
Ah! je n'y dois donc plus prétendre!
Vous ne m'offrez que de l'amour.
Un sentiment plus vif a pénétré votre âme:
Il passera ce sentiment!
Je vois déjà s'éteindre votre flamme.
Je voulais un ami: vous n'êtes qu'un amant
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 165 autres membres