Cottin (Sophie) 1773-1807
Sophie Cottin
1773-1807
- Romancière avant tout
- Son récit d'inspiration biblique intitulé "La prise de Jéricho ou la pécheresse convertie est considéré comme un jalon important vers un genre en gestation, le poème en prose, expression d'ailleurs déjà utilisée par Rousseau pour l'un de ses récits bibliques (Les chants du Lévite d'Ephraïm, "une manière de petit poème en prose", 1762.
Consulter la thèse "Sophie Cottin, une romancière oubliée à l'orée du romantisme"
Lire en particulier le chapitre consacré à "La Prise de Jéricho"
Inspirée du "Cantique des Cantiques, des Psaumes, d'Homère"..., la nouvelle met en oeuvre les idées débattues à la fin du 18ème siècle sur la prose poétique et par Mme de Staël sur le lyrisme et la siupériorité possible de la prose sur des formes poétiques sclérosées parce qu'obsédées par la versification. Voir tout le mal qu'elle pense de Boileau et de la poésie française en général... Sophie Cottin est dans ce court récit complètement en phase avec sa contemporaine.
Livre 2 P. 195
Cependant ils arrivent bientôt à la maison de Rahab. Elle est simple et commode; on n'y voit point briller le marbre, l'or ni la soie, mais une jeune vigne en tapisse le mur, en couvre le toit, et un épais berceau de platanes et de citronniers en ombrage l'entrée; située près du rempart, elle s'élève au-dessus et domine la campagne. Aussitôt que les voyageurs ont passé le seuil de sa porte, la jeune Chananéenne s'empresse auprès d'eux, et leur prodigue tous les devoirs de l'hospitalité; elle remplit un grand vase d'airain d'une eau tiède et odorante, afin de laver elle-même leurs pieds fatigués; elle couvre une table de gâteaux de pur froment, de dattes, d'olives et d'un rayon de miel, et verse, dans des coupes couronnées de fleurs, du lait pur et du vin doux. dans tous ses soins, dans tous ses mouvements, la jeune pécheresse a tant de simplicité et d'abandon, le sentiment de ses fautes imprime un caractère si touchant à sa physionomie, qu'Issachar, de plus en plus enflammé, lui donne déjà dans son coeur le nom de sa bien-aimée;...
Extrait du Livre 3 (p. 213)
Il dit, et s'éloigna. Issachar ne s'en aperçut pas, à peine l'avait-il entendu; l'image de Rahab, empreinte dans son coeur, absorbait toutes ses pensées. Couché sur la terre humide durant la nuit entière, exposé tout le jour à l'ardeur du soleil, il oubliait de se nourrir, et négligeait de se cacher: sombre et rêveur, il parcourait en gémissant la riante vallée de Janoé, sans se reposer sous ses frais bocages ni jouir de ses doux parfums, appelant sa bien-aimée, prêtant l'oreille au moindre bruit; le murmure des insectes et le balancement de l'herbe faisait palpiter son coeur d'une espérance trompeuse, qui, en s'évanouissant, le livrait à une tristesse plus profonde encore. Tel le passereau solitaire exhale ses tendres plaintes sur le palmier où il attend sa compagne; depuis qu'il en est séparé, il ne chante plus, il néglige son plumage, il dédaigne la figue succulente et la datte sucrée; il languit, il mourra si ses amours lui sont ôtées. Eh! qui pourrait vivre sans aimer? Tout ne vit-il pas d'amour dans la nature, depuis l'humble fleur dont l'astre du jour ouvre le sein, jusqu'aux brillants séraphins qui brûlent éternellement pour Dieu, en chantant ses louanges autour du trône?
Livre 4 (page 228)
Et il écoutait s'il n'entendait pas la voix de sa bien-aimée! car on était au milieu de la nuit, et tout dormait sur la terre. "Tu dors, ô la plus belle des femmes, tandis que mon coeur veille, que ma tête est pleine de rosée et mes habits trempés de l'humidité de la nuit. Mais voici la voix de ton bien-aimé qui crie à la porte: ne te montreras-tu pas, mon épouse, ma soeur; me laisseras-tu languir seul dans la solitude de la nuit? Comme le cerf altéré cherche l'eau des fontaines, ainsi mon coeur te désire, ô Rahab! Mais si tu tardes à paraître, tu me chercheras en vain; tu ne me trouveras plus, car j'entends le bruit de la ronde par la ville, et si la garde des murailles m'apercevait, elle saisirait celui que tu aimes, et il ne pourrait plus te presser dans ses bras, ni recevoir tes baisers plus doux que le miel et parfumés comme la myrrhe. Adieu, ma bien-aimée, adieu. Quand l'Eternel des armées permettra qu'Israël entre dans Jéricho, j'abandonnerai le riche butin, les vases d'or et les vêtements de pourpre: je ne demanderai que toi, je ne veux que toi. A tes côtés, quand ta bouche me sourira avec tendresse, je serai plus riche que les plus puissants monarques; car tu es belle comme le grenadier en fleur, ta taille est semblable à un palmier, tes vêtements exhalent l'odeur exquise des cèdres, et ton amour est délicieux à mon coeur. Fille tant aimée! quand jouirai-je de ta présence et de tes regards!...
On pense ici à "Booz endormi". Victor Hugo avait lu Sophie Cottin!
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 165 autres membres