Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Stern (Daniel) 1805-1876

Daniel Stern

ou Marie d'Agoult

ou Comtesse de Flavigny

(Compagne de Franz Liszt, mère de Cosima Wagner))

1805-1876

 

 

 Par Henri Lehmann

 

 L'Adieu

 

Non, tu n'entendras pas, de sa lèvre trop fière,

Dans l'adieu déchirant un reproche, un regret.

Nul trouble, nul remords pour ton âme légère

En cet adieu muet.

 

Tu croiras qu'elle aussi, d'un vain bruit enivrée,

Et des larmes d'hier oublieuse demain,

Ella a d'un ris moqueur rompu la foi jurée

Et passé son chemin.

 

Et tu ne sauras pas qu'implacable et fidèle,

Pour un sombre voyage elle part sans retour;

Et qu'en fuyant l'amant dans la nuit éternelle

Elle emporte l'amour.

 


  

L'olivier

 

Bel arbre au tronc penché, noirs et noueux rameaux,

Feuillage pâlissant, tige à la baie amère,

De qui retient son nom la hauteur solitaire

Où Jésus dans la nuit vint pleurer sur nos maux;

 

Pathétique olivier, au seuil des temps nouveaux,

Toi qui vis, s'effrayant de son calice austère,

L'Homme-Dieu défaillir et supplier son Père

Pour sa chair qui frissonne à l'horreur des tombeaux;

 

D'un sourire autrefois Athéné, la déesse,

Te fit surgir du sol, emblême de sagesse,

D'abondance et de paix, ô doux victorieux!

 

Et quand je viens m'asseoir sous ton ombrage antique,

Ta chrétienne tristesse, avec ta grâce attique,

Pénètre et charme ensemble et mon âme et mes yeux.


 

Prométhée

Sonnet

à mon amie madame Louise Ackermann.

 

Du Titan révolté les blasphèmes tragiques,

Chantés de siècle en siècle et d'Eschyle à Byron,

Sur sa corde d'airain, dans des rythmes antiques,

Ont consterné notre âme et pâli notre front.

 

Mais toi, Muse nouvelle, en tes libres cantiques,

De Jupiter déchu dis-nous le juste affront,

Et le bras désarmé de ses foudres iniques,

Et le temple en ruine où les herbes croîtront.

 

Du vengeur des mortels couronne l'heureux crime;

De son flambeau ravi sur la céleste cime

Eclaire le banquet des hommes et des dieux;

 

Trompe l'affreux vautour, arrache-lui sa proie;

Autour du roc désert, teint d'un sang généreux,

Fais errer son vol sombre, éperdu, qui tournoie!


 

"Aphorismes" extraits des Esquisses morales (1849)

 

L'homme est un habile artisan; il sait faire un berceau, il sait faire un cercueil. Mais il n'a jamais vu le maître qui les lui commande: Il ignore pour qui il travaille.

 

L'homme n'arrive que par de bien lents progrès à comprendre, à aimer son semblable: le dernier sentiment auquel s'élève l'humanité, c'est l'humanité.

 

Les hommes de ce pays-ci ne veulent pas qu'une femme soit docte. Ils craindraient, disent-ils, d'être moins aimés. Ombre d'Héloïse, levez-vous, et répondez-leur!

 

La vie du genre humain me fait l'effet d'une symphonie, composée par un grand artiste, il est vrai, mais exécutée par des sourds.

 

Nous ne savons pas ce qui nous est bon: ne demandons rien aux Dieux, de peur qu'ils ne nous exaucent.

 

La différence entre ce qu'on appelle bonheur ou malheur en ce monde est si petite, qu'on ne devrait jamais envier ni plaindre personne.

 

A quoi sert l'expérience à une créature qui ne cesse de se transformer? Savoir ce que nous avons été ne nous apprend aucunement ce que nous sommes.

 

Ne retournons pas certaines vertus; leur envers est plus laid que bien des vices.

 

Pour paraître beaucoup pls aimable, il m'a suffi parfois de moins aimer.

 

Souvent deux amants s'éprennent l'un de l'autre pour des qualités qu'ils n'ont pas, et se quittent pour des défauts qu'ils n'ont pas davantage.

 

La philosophie française a pour père un soldat. Dans ce simple fait on pourrait trouver, peut-être, une explication de son caractère plus positif que rêveur, et de ses allures plus du bon air que scolastiques. L'épée de Descartes m'apparaît comme un symbole; j'y crois voir une image expressive de l'inspiration qui domine le génie français dans tous les ordres de la pensée.

 

Il est de toutes petites vérités qui, à force d'exagération, deviennent de gros mensonges.

 

Rien de plus dangereux, de plus haïssable en politique que les mots vagues. Les mots vagues font les hommes fanatiques; les formules obscures égarent et exaltent les esprits; le malentendu ensanglante le monde.

 

Il est des paroles qui montent comme la flamme; d'autres qui tombent comme la pluie.

 

A peine croit-on avoir fini d'apprendre à vivre qu'il faut commencer d'apprendre à mourir. Point de repos, point de jour férié, dans cette rude école: la destinée humaine.

 

 

 

Par Charles Dupêchez

 

 

 

 

Ingres (détail)




24/06/2011
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