Darget (France) 1886-?
France Darget
(1886-?, Tours)
D'après une aquarelle de Mme Marie Bureau
Tombales
Elle aimait un beau uhlan
Et mourut, vierge aux mains closes...
- Donnez-moi du marbre blanc
Teint de veines roses.
Elle eut un doux enfant clair
Qui prit sa vie, et qui tremble...
- Donnez-moi du marbre vert
Plein de lait, il semble.
Elle était veuve au manoir
Fermé de l'aube à la brune.
- Donnez-moi du marbre noir
Sans nuance aucune.
Et la pécheresse encor,
Qu'en fera-t-on?Voici l'heure...
- Donnez-moi du quartz, où l'or
Quelquefois demeure.
L'insecte-feuille
A Robert Chauvelot
Au printemps, quand Ceylan mire au flot des cédrats,
L'insecte dont le corps à la feuille est semblable
Apparaît, et l'on croit, tant il passe, innombrable,
Voir voyager des frondaisons de daturas.
Où va-t-il? Il poursuit quelque éternel là-bas!...
Mais, végétal errant, le sol natal l'accable:
Lentement, comme sèche au loin l'arbre immuable,
Il se flétrit... Puis quelque jour d'automne, hélas!
Veuf de son rêve, il tombe, et l'herbe le recueille,
Et parmi l'or gisant où pourrit chaque feuille
Nul ne sait qu'il avait une aile, et qu'il chantait.
- Mais il garde en son coeur, mort fragile qu'on foule,
L'orgueil d'avoir choisi l'azur divin qui roule
Plutôt que l'humble route où le vent le portait.
Chanson barbare
A Mme la baronne Augusta de Kabal
J'aime un bandit des montagnes.
Il pille dans les campagnes
Et prie au désert.
- Voici le temps de la crue.
Demain, sur la mousse nue,
Le Nil sera vert.
Il est parti pour la chasse.
La caravane qui passe
Craint son yatagan.
- L'eau monte, et l'écume y danse...
Demain, sur la roche immense,
Le Nil sera blanc.
Mais on l'a pris sur la rive!...
Les cavaliers du Khédive
L'ont pendu ce soir.
- Que de boue au fond du fleuve!
Demain, sur la grève neuve,
Le Nil sera noir.
Et moi, dont le coeur se navre,
J'ai mordu sur son cadavre
La jusquiame en feu...
- L'ombre fuit. L'amour demeure.
... Et sur nos corps tout à l'heure
Le Nil sera bleu.
L'aventure de Phéa
Phéa, l'enfant d'Argos, la vierge au coeur de cygne,
Allait tous les matins remplir, vaillante et digne.
Son amphore à la source o^ù les lys se font signe.
Or un jour que dans l'air très doux flottait l'été,
Rêveuse, elle voulut connaître sa beauté,
Et se pencha sur l'onde avec timidité.
Mais elle ne vit pas en partant, enivrée,
Que l'eau, par son corps souple un instant effleurée,
Gardait l'image exquise imprudemment livrée...
Et quand elle revint vers le miroir errant,
Phéa, pâle et suivant du regard le courant,
Chercha sans le trouvder son reflet transparent!...
Un chasseur jeune et beau, qu'altérait quelque course,
Passant cruel qui prend les coeurs comme ressource,
L'avait bu tout entier en buvant à la source.
Et depuis lors Phéa, triste éternellement,
Songe au danger d'abandonner un seul moment
Son rêve à l'eau qui fuit, comme à l'amour qui ment...
Les hippocampes
Sur la vitre, où l'eau verte a des lueurs de lampes,
Tandis que traînent là l'anglaise et son album,
Ils vont, viennent, glissent et fuient, les hippocampes,
Au cadre étroit de leur coffre d'aquarium.
Le plus grand n'est pas haut comme un doigt qui l'indique,
Une hélice d'or tremble à leur torse cambré,
Et leur petite tête aiguë et chimérique
Ouvre un oeil plein d'un songe à jamais ignoré.
Leur corps fragile et fier a la couleur des vagues,
Et leur course, qui semble un bal continuel,
Les noue et les dénoue en des étreintes vagues,
Vibrante d'un muet et magnétique appel.
Tantôt groupés en choeur au bord des pierres rudes,
Tantôt filant sous l'onde un sillon étoilé,
Un charme plus qu'humain sort de leurs attitudes.
- Et dans cet Océan fait d'un flot isolé,
Peuple mystérieux que quelque dieu soulève,
On les voit, aux yeux des badauds, réaliser
Tout ce que peut mêler la légende ou le rêve
De grâce et de vertige à l'éternel baiser.
Les Thermopyles (1929)
Dans Ouest-Eclair (Ouest-France) du 23 juillet 1929
- Premières poésies
- Poésies nouvelles (comprenant les "premières poésies"), 1903
- Ode à Victor Hugo
- Pour la défense des Oberlé
- Coeur de neige (comédie en 1 acte)
- Le retour des rois-mages
- Les matinales (1909)
- Celle qui nous revient (1913-1919)
- Les Thermopyles: Pièce en un acte en vers avec intermèdes sportifs. Choeurs d'Edouard Mignan. Radio-Paris, 2 mars 1940 (1940)
- La Cité sur les eaux (drame préhistorique en 5 actes, en vers.
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