Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Darget (France) 1886-?

France Darget

(1886-?, Tours)

 

 

D'après une aquarelle de Mme Marie Bureau

 

Les Matinales (1909)

 

 

Tombales

 

Elle aimait un beau uhlan

Et mourut, vierge aux mains closes...

- Donnez-moi du marbre blanc

Teint de veines roses.

 

Elle eut un doux enfant clair

Qui prit sa vie, et qui tremble...

- Donnez-moi du marbre vert

Plein de lait, il semble.

 

Elle était veuve au manoir

Fermé de l'aube à la brune.

- Donnez-moi du marbre noir

Sans nuance aucune.

 

Et la pécheresse encor,

Qu'en fera-t-on?Voici l'heure...

- Donnez-moi du quartz, où l'or

Quelquefois demeure.

 


 

 L'insecte-feuille

 

A Robert Chauvelot

 

Au printemps, quand Ceylan mire au flot des cédrats,

L'insecte dont le corps à la feuille est semblable

Apparaît, et l'on croit, tant il passe, innombrable,

Voir voyager des frondaisons de daturas.

 

Où va-t-il? Il poursuit quelque éternel là-bas!...

Mais, végétal errant, le sol natal l'accable:

Lentement, comme sèche au loin l'arbre immuable,

Il se flétrit... Puis quelque jour d'automne, hélas!

 

Veuf de son rêve, il tombe, et l'herbe le recueille,

Et parmi l'or gisant où pourrit chaque feuille

Nul ne sait qu'il avait une aile, et qu'il chantait.

 

- Mais il garde en son coeur, mort fragile qu'on foule,

L'orgueil d'avoir choisi l'azur divin qui roule

Plutôt que l'humble route où le vent le portait.

 


 Chanson barbare

 

A Mme la baronne Augusta de Kabal

 

J'aime un bandit des montagnes.

Il pille dans les campagnes

Et prie au désert.

- Voici le temps de la crue.

Demain, sur la mousse nue,

Le Nil sera vert.

 

Il est parti pour la chasse.

La caravane qui passe

Craint son yatagan.

- L'eau monte, et l'écume y danse...

Demain, sur la roche immense,

Le Nil sera blanc.

 

Mais on l'a pris sur la rive!...

Les cavaliers du Khédive

L'ont pendu ce soir.

- Que de boue au fond du fleuve!

Demain, sur la grève neuve,

Le Nil sera noir.

 

Et moi, dont le coeur se navre,

J'ai mordu sur son cadavre

La jusquiame en feu...

- L'ombre fuit. L'amour demeure.

... Et sur nos corps tout à l'heure

Le Nil sera bleu.


 

 L'aventure de Phéa

 

Phéa, l'enfant d'Argos, la vierge au coeur de cygne,

Allait tous les matins remplir, vaillante et digne.

Son amphore à la source o^ù les lys se font signe.

 

Or un jour que dans l'air très doux flottait l'été,

Rêveuse, elle voulut connaître sa beauté,

Et se pencha sur l'onde avec timidité.

 

Mais elle ne vit pas en partant, enivrée,

Que l'eau, par son corps souple un instant effleurée,

Gardait l'image exquise imprudemment livrée...

 

Et quand elle revint vers le miroir errant,

Phéa, pâle et suivant du regard le courant,

Chercha sans le trouvder son reflet transparent!...

 

Un chasseur jeune et beau, qu'altérait quelque course,

Passant cruel qui prend les coeurs comme ressource,

L'avait bu tout entier en buvant à la source.

 

Et depuis lors Phéa, triste éternellement,

Songe au danger d'abandonner un seul moment

Son rêve à l'eau qui fuit, comme à l'amour qui ment...

 

 


 

Les hippocampes

 

Sur la vitre, où l'eau verte a des lueurs de lampes,

Tandis que traînent là l'anglaise et son album,

Ils vont, viennent, glissent et fuient, les hippocampes,

Au cadre étroit de leur coffre d'aquarium.

 

Le plus grand n'est pas haut comme un doigt qui l'indique,

Une hélice d'or tremble à leur torse cambré,

Et leur petite tête aiguë et chimérique

Ouvre un oeil plein d'un songe à jamais ignoré.

 

Leur corps fragile et fier a la couleur des vagues,

Et leur course, qui semble un bal continuel,

Les noue et les dénoue en des étreintes vagues,

Vibrante d'un muet et magnétique appel.

 

Tantôt groupés en choeur au bord des pierres rudes,

Tantôt filant sous l'onde un sillon étoilé,

Un charme plus qu'humain sort de leurs attitudes.

- Et dans cet Océan fait d'un flot isolé,

 

Peuple mystérieux que quelque dieu soulève,

On les voit, aux yeux des badauds, réaliser

Tout ce que peut mêler la légende ou le rêve

De grâce et de vertige à l'éternel baiser.

 


 

Les Thermopyles (1929)

Dans Ouest-Eclair (Ouest-France) du 23 juillet 1929

 


 

- Premières poésies

- Poésies nouvelles (comprenant les "premières poésies"), 1903

- Ode à Victor Hugo

- Pour la défense des Oberlé

- Coeur de neige (comédie en 1 acte)

- Le retour des rois-mages

- Les matinales (1909)

- Celle qui nous revient (1913-1919)

- Les Thermopyles: Pièce en un acte en vers avec intermèdes sportifs. Choeurs d'Edouard Mignan. Radio-Paris, 2 mars 1940 (1940)

- La Cité sur les eaux (drame préhistorique en 5 actes, en vers.



13/07/2011
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 165 autres membres