Briquet (Fortunée) 1782-1815
Fortunée Briquet
1782-1815
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Fortunée Briquet a eu la modestie de ne pas se citer dans son dictionnaire alors qu'elle avait déjà écrit un certain nombre de poésies. Son oeuvre est mince, mais elle mérite une place d'honneur dans l'histoire de la littérature féminine et dans l'histoire des femmes tout court. Voici donc un de ses textes.
Ode sur la mort de Dolomieu
Muses, d'un crêpe noir entourez vos portiques;
Suspendez à leur voûte un lugubre flambeau:
O Muses, entonnez de funèbres cantiques,
Dolomieu descend au tombeau.
Depuis si peu de jours il revoyait ses proches,
Et ses nombreux amis, et ses admirateurs:
Il ressent de la mort les soudaines approches,
Il meurt dans sa famille en pleurs.
Ah! si par les accents d'un sublime délire,
On pouvait vous fléchir, inflexibles Destins,
Du Pindare français (Lebrun) il entendrait la lyre,
Il s'assiérait à nos festins.
Mais il n'est plus le temps des heureuses merveilles,
Et deux fois vers la vie on ne prend point l'essor.
Et perdant Dolomieu, pour toujours de ses veilles
Nous perdons aussi le trésor.
Et vous dont il connut les secrets, les abîmes,
Montagnes et volcans, vous surtout ô Simplon;
Il ne gravira plus vos orgueilleuses cimes,
Le successeur de Daubenton.
Maudit soit le tyran, dont la fureur jalouse
Fit subir au malheur des tourments inouis! (Une tempête avait jeté Dolomieu sur les côtes de Sicile)
Quand l'humanité nomme et Cook et Lapeyrouse
Citoyens de tous les pays.
Quoi! de la tyrannie infâmes prosélites,
En d'horribles cachots vous jetez Dolomieu.
Tombez à genoux, tombez, vils satellites!
L'homme de génie est un Dieu.
Que dis-je à des brigands effrénés de licence?
Le roi qui les envoie a proscrit la vertu;
Et leur coeur, même alors qu'ils perdent l'innocence,
De remords n'est point combattu.
Qu'il est donc insensé ce roi dans sa colère!
Ce roi, dont la conduite absoudra les Denys! (tyrans de Syracuse)
Eh! parce que le ciel un instant les tolère,
Croit-il ses crimes impunis?
Je vois déjà, je vois le burin de l'Histoire,
Dans ses fastes sacrés gravant le souvenir
De cet évènement qu'on aura peine à croire
Dans tous les siècles à venir.
Je lis de Dolomieu les hautes destinées:
Toujours grand, il souffrit sans l'avoir mérité;
Victime des fureurs, il les a pardonnées,
Mais non pas la Postérité.
Illustre Anglais, ô Banks, accepte mes hommages;
Que rien de ton bonheur n'interrompe le cours!
Ton nom rayonnera de gloire dans les âges:
Le malheur reçut tes secours.
A tes maux, DOLOMIEU, qu'à l'instant où nous sommes
Ferdinand doit gémir d'avoir prêté les mains!...
Vous, que le sort appelle à gouverner les hommes,
Soyez justes, soyez humains.
(An X?)
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