Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Le Franc (Marie) 1878-1964

 

Marie Le Franc

1878-1964


 Une vie qui oscille entre la la Bretagne et le Québec

*

 

1 - Site québécois

 

 2 - Les informations et les poèmes  de ce début de page sont empruntées au site très complet de Sophie Aubry, arrière petite nièce de la poétesse.

 

Marie le Franc et les réseaux littéraires  DOIGT 26.jpg

 

 

Les amis de Marie-Le-Franc

Association, statut loi 1901
16, route de la Côte 56450 Saint-Armel  

 *

- Deux recueils de poèmes:

         Les voix du coeur et de l'âme, Montréal, 1920

         Les voix de misère er d'allégresse, Paris, 1923

- Une douzaine de romans, essais, nouvelles...


 

Les voix du coeur et de l'âme (1920)


 

 


Certain(e)s anciens écoliers reconnaîtront ce poème peut-être appris en classe de CM2

 

La Petite Joie

Une toute petite joie
Sur la pointe des pieds m'est venue
Une joie en robe menue
Chaussée de soie

Elle a secoué le loquet de ma porte
J'étais en dedans, maussade
Elle m'a dit : "Vois donc, je t'apporte quelque chose, ma camarade"

Je dus ouvrir : elle vint
Sans remarquer, l'innocente,
Que j'attendais une visite plus importante
Celle que l'on attend en vain

Sa voix la précédait comme un ruisseau d'argent
Sur ses petits pieds diligents,
Elle fit le tour de ma chambre
Sous ses penderies de décembre

Je m'assis par terre auprès d'elle
Car elle avait dans son panier
Mille enfantines bagatelles
Dont il fallut m'émerveiller.

Toute petite joie
Elle m'étourdissait de son rire ingénu
Si bien qu'à la fin, un troupeau menu
Vêtu de bleu, chaussé de soie

Sembla m'entrainer dans sa ronde
Je dus nouer mes mains à ses mains sous les roses
Nous dansions gaiment sur le monde
Et la petite joie écrasait quelque chose...

 

 


 

 La maison qui devait te revoir

 
La maison qui devait te revoir est en deuil...
Elle regrette une ombre et je pleure un visage:
Elle et moi t'attendons vainement sur le seuil.
 
Par la fenêtre ouverte, elle guette au passage
Le rythme d'une voix, la cadence d'un pas.
Sa vitre croit soudain refléter ton image.
 
Elle espère...et je sais que tu ne viendras pas,
Que longtemps nous pourrons, toutes les deux t'attendre,
Toutes les deux, longtemps, te regretter tout bas;
 
Et qu'il restera d'elle, hélas, un peu de cendre,
Que mon coeur épuisé sera près du cercueil,
Que nous ne pourrons plus ni te voir, ni t'entendre,
Quand tu nous pleureras à ton tour sur le seuil.

 


 

L'Illusion
 
L'illusion qui lève l'ancre est un navire
Emportant avec lui, vers le dur horizon,
Le voyageur hautain qu'on redoute et désire
Et pour lui l'on avait préparé la maison.
 
Et nous voici restés les derniers sur la plage
Où depuis si longtemps nous guettions un retour;
L'heure a sonné, pour la vaisseau, du grand voyage,
Il part, et rien ne peut en détourner le cours.
 
La mer en s'évasant devient plus étrangère,
Les rires et les chants, à bord, se sont éteints,
Déjà l'illusion, délivrée et légère,
Rêve à de chauds soleils sur des pays lointains.
 
Le grand vaisseau s'en va faire le tour du monde,
Et d'ici qu'il revienne et ramène avec lui
Le Passager de pied léger, d'épaule ronde,
Qui pressé de trop près, au large s'est enfui,
 
L'ombre sera mêlée au sable de la grève,
Et le coeur, matelot engourdi sur le port,
Quand l'étranger débarque avec de nouveaux rêves,
Sera-t-il, pour porter son bagage, assez fort?

 



 L'allégresse
 
Avec tes grands cheveux au dos,
Je te sens bondir, allégresse,
Et ta main d'enfant me redresse
Et me roule ainsi qu'un cerceau.
 
Je voudrais bien tomber par terre
Comme un cerceau abandonné,
Calmer mon coeur désordonné
Dans mes bras en courbe légère.
 
Je voudrais bien que le grand vent,
Quand la ronde des feuilles mortes
Demande grâce, fasse en sorte
D'arrêter le cerceau mouvant.
 
Sous ta main volontaire et sûre,
Je bondissais en avançant;
Ce n'est que plus tard que l'on sent,
Allégresse, ta meurtrissure.
 
Je ne puis suivre ton élan,
Une catastrophe me guette,
Et je voudrais que ta baguette
Ne résonnât plus à mes flancs.
 
Et pourtant, si tu m'abandonnes,
Hélas, je serai le cerceau
Tombé à plat, tout de son haut,
Dans un coin de jardin d'automne.
 


                        



Dans l'anthologie québécoise de Louis Dantin

 

 

Pourquoi m'importuner,...

 

Pourquoi m'importuner, ô multiples visages

Qui pénétrez l'écran de mon logis obscur?

Pourquoi vouloir fixer votre ombre sur le mur

Et que je me prononce entre vous, au passage?

 

Je vous aime bien tous, je n'aime aucun de vous;

Vous, je vous aime moins pendant votre présence.

Car alors vers l'absent s'en va ma préférence

Et ce n'est que pour lui qu'était le rendez-vous.

 

Je vous aime le moins lorsque je vous préfère,

Car soudain j'aperçois un visage en émoi

Que mon penchant pour vous vient d'écarter de moi

Et son regard qui fuit est déjà du mystère.

 

Je vous aime le mieux quand je vous aime moins.

Quand mon indifférence en vous voyant m'alarme,

Et quand vous revêtez le redoutable charme

D'être encore si près, quoique déjà si loin.

 


 

Ce n'est pas une grande peine

 

Ce n'est pas une grande peine

Que vous m'avez faite, et pourtant

Lorsque je pense à vous, j'ai peine

A raffermir mon coeur tremblant.

Ce n'est pas une grande peine.

 

Ce n'est pas une grande flamme

Qui ravage tout en passant,

C'est une fumée en mon âme,

Ce n'est qu'un vague goût de sang.

Ce n'est pas une grande flamme.

 

Ce n'est pas l'orage à grands flots

Emportant la pierre et la vase,

Mais c'est plutôt la goutte d'eau

Qui fera déborder le vase.

Ce n'est pas l'orage à grands flots.

 

Ce n'est qu'une ombre qui persiste

Sur mon coeur qui ne sait pourquoi

Sans cause vraie il est si triste,

Sans mal réel il est si coi.

Ce n'est qu'une ombre qui persiste.

 

Ce n'est pas une grande peine,

C'est bien loin d'être un grand chagrin,

C'est une ombre qui pèse à peine

Et c'est cette ombre que je crains.

Ce n'est pas une grande peine.

 


 

(Mon esprit)

 

Mon esprit a des pieds dansants

Et, sur le vert tapis des choses.

Il bondit sans rime et sans cause

Et danse son ivresse au vent.

 

Comme une écharpe il a sa joie

Enroulée autour de ses reins.

Sa folie est son tambourin.

Son rire le chausse de soie.

 

Un désir anime son sang;

La vie est une pomme rouge

Qu'au bout de la branche qui bouge

Il veut cueillir tout en dansant.

 


 

(Les yeux ont mal)

 

Les yeux ont mal de prendre un air indifférent,

De se durcir dans le visage;

Les yeux ont mal de regarder tout droit devant,

De maintenir l'expression fermée et sage.

 

La bouche a mal, et saigne presque, à se figer

D'un sourire qui s'exagère,

Contre les dents, que sous la lèvre on sent ronger

La même chose, on ne sait quoi, d'odeur amère.

 

La voix a mal, forcée aussi de s'asservir

Posément, aux propos du monde,

Et pour ne pas se mettre à nu, de revêtir

Les falbalas des mots empruntés à la ronde.

 


(Jour qui finis...)

 

 

 

 

 



22/08/2011
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