Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Noiram (Rita del) vers 1920

Rita del Noiram

(Années 1920)

Autre pseudonyme pour Milhyris dont on ne connaît d'ailleurs pas l'identité réelle

 

Consulter la page de Sabine Huet

 

 

Des accords sur le luth (1920)

 

 

 

Adoration

 

Le couchant rose et bleu décline autour de nous,

Sous l'or des mimosas, je glisse à tes genoux.

 

L'heure fluide s'envole en sa grâce éphémère,

Et mon rêve fait fi de la caresse amère.

 

Il a soif de douceur, de calme, d'infini,

De tes yeux reposants où le mal est banni.

 

Il ne veut que ton âme en la mienne isolée,

Que la neige des lys, la cime inviolée.

 

Comme devant l'Hostie, un fidèle tremblant,

Mon baiser ôse à peine effleurer ton front blanc.

 

Et tu dis, respirant l'encens de mon offrande:

"Notre amour est plus beau qu'un amour de légende."

 

Le couchant mauve et pâle expire autour de nous.

Sous l'oeil dormant des fleurs, je glisse à tes genoux.

 


 

 

Gitane

 

Sous les plis orangés du long châle soyeux,

Sa taille s'arrondit comme une svelte amphore

Et, tel un piment rouge au soleil qui le dore,

Saigne sa bouche en fleur dans un rire joyeux.

 

Vive comme l'oiseau qui monte vers les cieux,

Elle ondule, tournoie, au son de la mandore,

Et plus d'un hidalgo, fier Castillan, l'adore,

Se réchauffant le coeur aux rayons de ses yeux.

 

Il semble que l'été, sur sa chair d'ambre rose,

A mis le souffle frais de la verdure éclose

Et l'encens de l'oeillet qui se pâme d'amour.

 

Les désirs les plus fous, à sa vue, ouvre l'aile...

Mais sans y prendre garde, elle danse au grand jour,

Heureuse d'être libre et de se savoir belle.

 


 

Auprès de l'étang bleu

 

Auprès de l'étang bleu, semé de mélilots,

Avec ses cheveux d'or et son col diaphane,

Frêle comme un beau lys qui languit et se fane,

Ophélie a voulu rêver le long des flots.

 

Qui dira la douceur de l'ombre parfumée

Où la rose s'empourpre aux baisers du printemps,

Où s'apaisent la voix des bocages chantants,

Et l'écho du zéphir en la verte ramée?

 

Pinsons, receuillez-vous devant le lent trépas

Des narcisses du lac, nimbés de clarté blonde;

Que les glaïeuls de flamme, au murmure de l'onde,

Effeuillent tristement leur robe de lampas.

 

Ophélie est venue errer le long des berges...

De la nappe tranquille et glauque de l'étang,

Monte comme un appel d'amour inquiétant

L'encens des nénuphars à la pâleur des cierges.

 

Oh! ce que cet arôme insinue au coeur las

De la fille des fjords qui se souvient et songe...

Le bonheur n'est qu'un mot, l'illusion, mensonge;

Il est bien court, hélas! le règne des lilas.

 

Oh! clore pour toujours ses trop lourdes paupières;

Ne plus penser, dormir, sous le frais bercement

Des pétales de Mai; n'être plus seulement

Qu'un rayon qui se meurt au déclin des lumières!

 

En sourdine, pleurez, violes des roseaux...

Une forme légère a glissé sous les branches,

La Vierge qui rêvait près des corolles blanches,

S'en va, telle une fleur, au fil d'argent des eaux...

 


A Giuseppa Polimeni Zumbo

 

La Vierge au rocher

 

La Vierge au front charmant, que peignit Léonard,

Médite en la douceur du ciel qui l'auréole,

Et ses yeux, de l'azur d'une fraîche corolle,

Errent du blond Saint-Jean au Bambino mignard.

 

Il descend du feuillage un arôme de nard...

L'ombre des soirs bleuit d'une clarté plus molle

Les rochers en aiguille, et l'oiseau qui s'envole

Trouble seul les échos du site montagnard.

 

Le long du vert buisson où s'ouvre l'églantine,

Rêve un ange bouclé, de grâce florentine.

Mais insensible au chant de la source des bois,

 

Vers le petit Jésus, la Madone se penche.

Son coeur saigne... Elle a vu pointer sur une branche,

Près de la rose en fleur, l'épine de la Croix.

 


 

Soir grec

(D'après une chanson de Bilitis)

 

"Les roses, me dit-il, ont un encens plus fou.

Cette nuit, j'ai rêvé. Je veux rêver encore.

Tes noirs cheveux lustrés, tes cheveux que j'adore,

Comme une herbe d'amour, s'enroulaient à mon cou.

 

Et leur fauve parfum me grisait tout à coup,

De même qu'au printemps, le doux vin d'une amphore;

J'aurais voulu me fondre en ta grâce d'aurore

Et, ravi, m'endormir au clair de lune flou,

 

Ma bouche sur ta bouche à l'incarnat de pêche."

Il se tait. Le jour meurt. La verdure est plus fraîche,

Autour de nous s'étend l'ombre auguste des cieux.

 

Ma main, comme un oiseau, tremble dans sa main nue,

Et le coeur défaillant d'une ivresse inconnue,

Je sens peser sur moi l'eau glauque de ses yeux.

 


Publié dans les Cahiers Mensuels de Poésie, janvier 1922

 

  DÉSIR 

     Au rond-point d'une allée, elle m'est apparue, 
Dans le rouge cuivré des feuillages de sang, 
L'amazone gracile au souple corps dansant. 
Larme à larme, pleurait la lumière décrue, 
 
 De mauve se fardait l'androgyne statue, 
Sa jambe au galbe fier et son sein frémissant, 
Les contours moelleux du buste adolescent, 
De la hanche en amphore et de l'épaule nue... 
 
 Penthésilée enfant, la langueur de ta bouche 
Me semblait démentir ton regard plus farouche, 
Dans l'air énamouré de douceurs d'encensoir. 
 
 Et mon coeur nostalgique appelait, ô guerrière ! 
En cette demi-teinte équivoque du soir, 
L'impossible baiser de tes lèvres de pierre. 


22/09/2011
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