Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Almanach des Muses (1765-1833)

Almanach des Muses

1765-1833

(Fondé par Sautreau de Marsy)

 

( En cours d'élaboration)

 

Lire l'article de Catriona Seth : Les Muses de l'Almanach. La poésie au féminin dans l'Almanach des Muses, (1789-1819)

Dans Masculin/Féminin dans la poésie et les poétiques du 19ème siècle, sous la direction de Christine Planté, PUL, 2002

Cet article peut être consulté sur Internet (cliquer)

 


 

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Un volume par année, publié au mois de décembre (total: 68 numéros)

C'est Archive.org qui a numérisé la collection. On annonce 74 numéros, mais il faut tenir compte des doublons. On ne trouvera d'ailleurs pas l'intégralité de la collection: certains années n'ont pas été numérisées. L'ensemble se présente dans le désordre. Les années ne sont d'ailleurs pas toujours affichées sur les 2 pages d'index d'Archive.org. Au lecteur et au curieux de s'y retrouver. J'ai fait le choix d'éviter les textes trop longs.

 

Voici le lien vers les 2 pages d'index

 


 1772

 

Comtesse de***: Aux hommes

 

Sexe qui vous croyez le maître,

Soyez au moins digne de l'être;

...

Oui, Messieurs, le Sexe jaseur

Doit tout au Sexe raisonneur:

Trop heureuses, je suis sincère,

Que des demi-Dieux tels que vous,

Daignent descendre jusqu'à nous,

Et s'humaniser pour nous plaire.

Des philosophes, des Penseurs,

Des Géomètres, des Docteurs,

Dont les discours sont admirables,

Et les écrits inexplicables,

S'occuper de jolis enfants!

En perdre parfois le bon sens!

Autour de nous jouer sans cesse!

S'abaisser à notre faiblesse!

Tel est pourtant notre pouvoir.

Que la Nature forme un Sage:

Si le Sage vient à nous voir,

Reconnaît-elle son ouvrage?

           


1779

 

Madame de Bourdic, ci-devant Marquise d'Antremont:

Réponse (à un flatteur)

 

De Sapho je connais l'histoire.

Je n'ai ni ses attraits, ni son luth enchanteur.

Vous me chantez...et j'ai bien plus de gloire,

Quand du léger Phaon, elle perdit le coeur,

Loin de se livrer au délire

D'un amour hélas, trop jaloux,

Elle aurait vécu pour le lire

S'il avait écrit comme vous.

 


1782

 

Madame la Marquise de M**:

Ingénuité

 

Craignez l'amour, disait Laure à sa fille;

C'est un serpent, un monstre! un monstre affreux!

Filla à quinze ans, et fillette gentille,

Doit redouter ses venins dangereux.

Or, si jamais l'ennemi furieux,

Prêt à piquer, se présente à vos yeux,

Que feriez-vous pour parer son atteinte?

- Je le fuirai. - Mais il vous poursuivra.

- Oh bien, maman, n'ayez aucune crainte:

S'il me poursuit.....Colin me défendra.

 

 


1786

 

Madame la Comtesse de Bourdic

A M. D**.

Qui avait pris le nom de Soeur C***pour écrire à l'Auteur, et daté ses vers du Monastère de P**.

 

Vos jolis vers remplis de grâce,

Enchaînent nos esprits avec des noeuds de fleurs;

Votre Couvent est le Parnasse:

Vous êtes une des neuf Soeurs.

Je ne me trompe pas...cette histoire est certaine.

Cupidon, amoureux de la vive Erato,

Pour se venger de l'inhumaine,

D'une robe de deuil lui fit un domino;

De son bandeau, ce Dieu lui fit un voile:

L'énigme à mes yeux se dévoile;

Cette robe lugubre où du haut jusqu'en bas

On ne voit aucuns falbalas,

Ressemble au domino dont ce Dieu d'Idalie

De la Muse cruelle affubla les appas.

Tout vous trahit: votre génie,

Votre goût pour les vers, le feu de la saillie,

De votre vêtement, le lugubre contour...

Vous êtes Erato, je ne puis m'y méprendre:

Vous avez son regard, son maintien, son air tendre;

Je vois sur votre front le bandeau de l'amour.

 

 


1793

 

Madame de la Fer***: Pour Sophie

 

Quand je vois cet aimable enfant

Caresser, adorer sa mère,

De cette fille, et tendre et chère,

Je voudrais être la maman.

 

Au récit de quelque malheur,

Qui toujours attendrit Sophie,

Elle fait palpiter mon coeur,

Je voudrais être son amie.

 

Si je peins son minois charmant,

Et son amintien modeste et sage,

Et voudrais être son amant.

 


1796


Constance Pipelet: La Maternité (extrait p. 97-98)

 

 

Loin de moi ces soins étrangers,

Que l'égoïsme seul ordonne!

Quels soins ne semblent pas légers,

Quand c'est à son fils qu'on les donne?

Fuez, fausse maternité,

Où l'art cherche en vain la nature!

La source d'un lait acheté

Pour mon fils n'est pas assez pure.

 

C'est surmon sein qu'il va sentir

Les premiers feux de l'existence;

C'est moi qui pourrai recueillir

Les premiers mots de son enfance;

C'est moi seule qu'il nommera,

En bégayant le nom de mère.

 

Et toi, son père, tendre époux,

Tu suivras aussi son enfance:

Il va s'élever entre nous,

Aux rayons de la bienfaisance.

Déjà j'entends sa faible voix;

Déjà je le vois nous sourire;

Mais il a tressailli deux fois:

O bonheur! c'est assez m'en dire.

 

 


1796

Adélaïde Dufrénoy: Le divorce, p. 181-182

 

Au mépris de l'hymen sacré,

Dont rien ne dut rompre la chaine,

De mon sein longtemps adoré,

Mon époux s'arrache avec peine.

Ah! si mon amour et mes soins, Ingrat! ont cessé de te plaire,

Ton coeur devrait te dire au moins que de ton fils je suis la mère.

 

Hélas! je vais donc voir mon lit

Profané par une étrangère,

Et veuve d'un époux qui vit,

Rester sans soutien sur la terre!

L'époux qui dut m'enorgueillir,

Souillant des noeuds que je révère,

Est celui qui me fait rougir

Des titres d'épouse, et de mère.

 

Mais en vain ton manque de foi

Par la loi devient légitime;

Plus puissante encore que la loi,

La nature t'en fait un crime.

Vois cet oiseau; prompt à changer,

L'inconstance est son caractère:

Mais il cesse d'être léger,

Quand sa compagne devient mère.

 

De ton épouse éloigne-toi;

Suis de tes feux la folle ivresse;

Tu restes maître de ma foi,

Peut-être hélas! de ma tendresse!

Nos noeuds ne seront pas trahis,

Quoiqu'à d'autres je pourrais plaire:

Tu ravis un père à ton fils;

A ton fils je garde sa mère.

 


1802

 

Par Feu Madame de Bouflers:

Vers adressé à un portrait

 

Absente de Damon, de ma douleur profonde

Quelques moments du moins tu charmeras l'ennui;

Mon amant me tient lieu de tous les biens du monde,

Toi seul me tiendras lieu de lui.

 


1802

 Madame Pipelet

Conseils d'une mère à sa fille dont le père a divorcé

(Romance)

 

Compagne de mon triste sort,

O ma fille! ô ma Clémentine!

Dans ta première enfance encor,

D'un père vivant orpheline,

Le maheur qui pèse sur nous

T'accable bien plus que ta mère:

On peut retrouver un époux,

Mais peut-on retrouver un père?

 

Le tien a rompu ses liens,

A son coeur même il fait injure;

Il te ravit un des soutiens

Que t'avait donnés la nature.

Pourtant, en s'éloigant de nous,

Il s'en repose sur ta mère:

Ce n'est pas agir en époux,

Mais c'est au moins juger en père.

 

Nous allons parler bien souvent

De lui, de sa flamme nouvelle;

Je dois, aux yeux de son enfant,

Excuser sa faute cruelle:

Mais si qualquefois, entre nous,

Mon coeur ne pouvant plus se taire,

J'oubliais qu'il fut mon époux,

Rappelle-moi qu'il est ton père.

 

Surtout lorsque, dans mes douleurs,

Je cesserai de me contraindre,

Sur lui verse avec moi des pleurs,

Mais laisse-moi seule m'en plaindre.

Les noeuds qui l'attachaient à nous

N'ont pas le même caractère;

Les lois l'avaient fait mon époux,

La nature l'a fait ton père.

 

Dans un monde froid ou méchant

Sois généreuse et circonspecte;

Le public, même en l'accusant,

Voudra que ton coeur le respecte:

De père le titre si doux

Jamais, ma fille, ne s'altère;

On peut voir les torts d'un époux,

On doit ignorer ceux d'un père.

 

Si par un hasard douloureux,

En proie à sa vaine chimère,

Un jour il s'offrait à nos yeux

Avec celle qu'il me préfère;

Dans ce moment, cruel pour nous,

Pour calmer une juste colère,

S'il se peut, cache-moi l'époux,

Et ne me montre que le père.

 

Par un plus triste événement,

Dont frémit d'avance ta mère,

Quand tu le verras caressant

Le fils d'une femme étrangère,

Renferme dans ton coeur souffrant

Ta plainte, ta douleur amère,

Et va lui dire, en l'embrassant:

N'êtes-vous pas aussi mon père?

 

Si, grâce à la nature enfin,

Il revient vers nous et vers elle,

Sauve la moitié du chemin

A la dignité paternelle:

Et qu'il apprenne, en te voyant

L'aimer et chercher à lui plaire,

Que je lui gardais son enfant

Quand il lui ravissait son père.

 


1812

 

Montanclos 


Chant d'un pêcheur 

 

Le plaisir,

Et non la constance,

Le désir

Sans persévérance,

Voilà ma seule volupté,

Je lui dois toute ma gaîté.

 

Mon état peut offrir l'image

Des ruses qu'inspire l'amour;

Et voici, sur le rivage,

Ce que je fais tour à tour:

 

Dans l'onde agitée ou tranquille,

Je jette en riant mes filets,

Et dans ma nacelle mobile,

Avec art j'ai l'oeil aux aguets.

D'abord le poisson fuit l'amorce,

Je le vois sans m'en irriter;

Il court, revient, s'agite et perd sa force;

L'appât est sûr, il ne peut l'éviter.

En amour, je prévois de même:

Beauté que trouble le désir,

Quand la nature veut qu'elle aime,

Lutte en vain contre le plaisir.

Le plaisir,

Oui, le plaisir,

Et non la constance,

Le désir

Sans persévérance,

Voilà ma seule volupté;

Je lui dois toute ma gaîté.

                                               (Almanach des Muses, 1812)



1824

 

Mme L. P.: le prédicateur courtisan

(p. 63)

 

Certain prédicateur prêchait devant le roi:

"Sire, dit-il, une commune loi

Nous condamne à mourir tous, tous..." Mais il remarque

Un mouvement d'effroi dans les yeux du monarque,

Et reprend aussitôt d'un ton de voix plus doux:

"Sire, je vous le dis, nous mourrons presque tous."



24/11/2011
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