Burucoa (Christiane) 1909-1996
Christiane Burucoa
1909-1996
Aveyron
Millau
LE CRI
Le miel fondu mêlé d’eau pure
Au secret de la jarre obscure
Devient vertu de l’hydromel.
La fleur de farine et le sel
Mêlés à l’eau dans le pétrin
Deviennent la miche de pain.
La parcelle de beurre frais
S’incorpore au tiède lait
Pour, attirant à soi la crème,
Devenir le beurre lui-même.
Le rayon de soleil pénètre
L’ombre derrière la fenêtre,
Remodelant le statuaire
Qui dort au sein de la matière.
Le feu virginal des étoiles
Que le temps lentement dévoile,
Mué en son propre brasier
A ses rayons s’est allié.
Dans les cratères du vivant
Où s’emprisonne le présent,
Le verbe se mêle au silence.
Soumise à son incandescence,
La parole flambe et consume
La chair en cendres d’amertume
Mais de la brûlure du sang
Rejaillit le cri ruisselant.
En épousailles de lumière,
Des lèvres le cri se libère.
Niant le vertige des mers,
Il s’élève aux cimes de l’air
Et va réveiller de ses ondes
Un autre silence endormi,
Un autre esclave de la nuit
Dont les yeux ouverts créent le monde.
Christiane Burucoa. Extrait de : L’ombre et la proie.
L’ARCHANGE
L’archange pleure en moi
Son habit de lumière
Et l’éclat de mes yeux
N’est plus que le reflet
De son regard perdu.
Les envols de plein ciel
Ne tentent plus ses ailes,
Leurs rémiges blessées
Palpitent dans mes doigts
Qui les prirent au piège.
L’étoile énamourée
De ses aubes premières
S’emprisonne au limon
Que soulèvent mes mains
Germées de sa misère.
Cependant sa mémoire
Sous l’écorce du temps
Darde sa flamme intacte
De sa langue de feu
A m’en brûler le cœur.
Mais l’ardeur de mon sang
Me trompe et son reflux
M’incline aux noirs soleils
Mourant d’être engloutis
En l’inerte matière.
A travers tant de nuit
Tant de chair, tant de terre,
Je ne peux même plus
Regretter l’étincelle
De son regard éteint.
Je ne peux même plus
Surprendre le murmure
De ses chants exilés
Et son âme est en moi
Comme un cercueil scellé. »
Christiane Burucoa. Extrait de : L’ombre et la proie.
Poèmes publiés dans le "MoulindeRoupeyrac"
(Si la lune...)
Si la lune luit sur ma tombe
Elle vous dira mon secret,
Sans le connaître, je succombe
Comme palombe en ses filets.
Lorsque la terre fraternelle
Aura lavé l'ombre des pas
Que la somme des jours révèle
La lune peut-être saura.
Pour moi, enfouie aux racines
De mes deux mains, de mes deux yeux
Je suis à moi-même orpheline,
Cendre, désapprise du feu.
Glaise que le jour agglomère
Sans achever de la pétrir
Pour mieux la mouler au suaire
Et de ses formes l'accomplir.
La lune, en cette forme éteinte,
De mes gestes et de mes mots,
Alors pourra mouler l'empreinte
Pour le masque du mémento.
L'ombre et la proie
(Immergé aux jardins)
Immergé aux jardins d'un cratère d'eau calme
Que ne labourent plus les remous des courants
Le coquillage en sa matrice de calcaire
S'habille et se nourrit de semences marines.
Arche d'alliance où se conjuguent les règnes
Dont le vieux monde a cru sa substance étayée
A chaque enroulement, elle revêt sa forme
Et vit de se construire en se pétrifiant (...)
Du sujet à l'objet, de la vie à la pierre
La nuit du minéral absorbe le vivant
Son squelette exilé des viviers de la mer
Se dissout en l'éternité du sédiment.
Le lent mûrissement de la fin qui le hante
Pose les arcanes de son prochain non être
Sa présence n'est qu'aliment de son absence
Jour après jour, sa perfection devient sa mort.
Astrolabe
Poèmes publiés dans l'anthologie de Serge Brindeau, "La Poésie Contemporaine...depuis 1945, 1973
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