Kegels (Anne-Marie) 1912-1994
Anne-Marie Kegels
1912-1994
Belgique
Je t'aimerai sans toi...
Je t'aimerai sans toi. ne me fais jamais signe.
Un ajonc peut flamber sur la lande à midi,
solitaire en son mal et seulement nourri
d'argile avaricieuse au bout de sa racine.
Enterre au fond de toi mon nom ensommeillé.
Reste plus ténébreux qu'un buis de cimetière.
Je t'ai volé jadis les neiges de janvier
et j'ai coupé sur toi mes plus hautes javelles.
Va, ressemble à un mort. Debout dans mon désert
je sens bouger en moi des foisons de semences.
L'amour qui te cherchait dans sa famine immense
t'a dépassé enfin et brûle l'univers.
Haute Vigne, 1963
Comme un autre domaine
J'étais auprès de toi comme un autre domaine.
Nos versants se touchaient - et nous ne savions plus
si des cieux étrangers frôlaient nos bois perdus.
Des miroirs t'appelaient au creux de mes fontaines,
tu cueillais l'eau vivante où l'éclair bleu d'un geai.
Je bâtissais des feux sous tes branches pressées.
Sur le noeud des aubiers nos doigts se rencontraient
Nous échangions le vent, des ailes par poignées,
et de longues ciguës qui ombrageaient nos coeurs.
Nous étions deux enfants aux confins de la vie,
plus secrets que des faons, avec des yeux vainqueurs,
à jamais possesseurs de terres agrandies.
Haute Vigne, 1963
(2 poèmes extraits de l'anthologie de Pierre Seghers: Le livre d'or de la poésie française 1972)
Ma chambre solitude
Criblée de souvenirs,
enfermée dans ma chambre solitude,
tour à tour me visitent
la joie et la douleur.
J'avais partout tiré le verrou.
Mais plus flexibles qu'un fil de soie
elles se glissent sans bruit
par le trou de la serrure.
Je les caresse toutes les deux.
Dès que l'une s'enfuit
l'autre arrive bientôt
et s'abat contre ma poitrine.
Ah ! toutes les deux sont trompées.
Si je n'en aimais qu'une
la mort qui me regarde
s'approcherait soudain
et m'étoufferait.
Poème publié sur la page de arllfb.be/publications
La fenêtre
Pour les autres, pour les passants,
tu es simplement la fenêtre.
Pour moi qui t’aime du dedans
tu es ma plus profonde fête.
Celle qui accroît le regard
et limite chaque nuage,
la gardienne du paysage
où je viens me perdre le soir.
J’ai le monde sous mes paupières
mon front à ta vitre appuyé
et tu es glissante lisière
sur le bord de l’illimité.
Reste ma soeur très patiente,
fais-moi l’aumône d’un oiseau,
redis-moi les paroles lentes
de cet horizon sans défaut.
Et posée entre ciel et terre
sois ce chemin aérien
près duquel doucement je viens
apaiser ma faim de lumière.
Poème publié sur le site Paperblog.fr
Automne
Ne me dis pas que l'octobre
Me parle chaque soir
Du frisson de la neige.
Mais ouvre la fenêtre,
Surprends-le au verger,
Et vois comme il me donne
De tous ses ors crispés
Un plaisir qui me brûle.
Poème publié sur la page de Lieucommuncanalblog.com
Ecole
Je vois encor la cour peu sage
et le préau qui s'ensoleille
A l'école de mon village
nous apprenions grande merveille.
Nous apprenions que pour époux
doulce France avait quatre fleuves
et que l'un d'eux riait chez nous.
Pour que trente regards s'émeuvent
ce vif trésor d'eau suffisait.
Que nous importaient Seine, Rhône
et cette Loire en ses palais.
Nous étions reines de Garonne.
Les doigts verts
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