Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Boccage (Anne-Marie du) 1710-1802

Anne-Marie du Boccage

1710-1802

 

Le Paradis terrestre (imitation du poème de Milton, 1754)

La Colombiade (en 10 chants, 1758)

Le temple de la renommée (imitation de Pope)

La mort d'Abel (5 chants)

L'Opéra (ode)

Les Amazones (1749), peut-être l'une des premières pièces de théâtre données su sur scène (11 représentations)

 

Traduite en anglais, espagnol, Allemand et italien

 

 

Illustration du "Paradis terrestre" (1754)

 

Extrait des Amazones

 

Thésée

De vos haines, Madame, interrompant le cours,

Ne pourrez-vouq jamais nous voir sans défiance?

D'un homme désarmé craignez-vous la présence?

 

Ménalippe

Non; mon coeur aguerri par les travaux de Mars,

Des plus fameux héros ne craint point les regards.

Dès notre tendre enfance on nous destine aux armes;

Nos yeux farouches, durs et stériles aux larmes,

Ignorent l'art flatteur, inventé pour charmer;

Nous inspirons l'effroi, non le désir d'aimer.

Nos mains de nos attraits, négligeant la parure,

S'occupent sur le fer à forger notre armure.

Loin de régler nos pas sur des sons cadencés,

A la course, à la lutte, on les trouve exercés.

Les centaures, de nous apprirent à conduire

Les coursiers indomptés, que notre art sut réduire.

La hache à deux tranchants secondant nos fureurs;

Des traits de l'ennemi rend nos efforts vainqueurs.

Fermes dans le danger, sans ruse et sans faiblesse,

A rompre vos projets, nous mettons notre adresse;

Et le fils de Vénus, dont tout fuit les attraits,

Sur les filles de mars épuise en vain ses traits.

Si nous nous soumettons aux lois de la nature,

Ce n'est que pour régner dans la race future,

Et repeupler ces champs, des femmes dont le bras

Soit libre, généreux, et terrible aux combats.

Puissent-elles toujours, à nos vertus fidèles,

Voir nos tyrans détruits, et nos lois immortelles!

 

Thésée

J'admire, Ménalippe, et vos faits et vos lois,

Tout ce qu'en croit la terre, est moins que je n'en vois;

Mais le sang des captifs qu'épargent les batailles,

Devraient-ils arroser le sein de vos murailles?

La cruauté ternit l'éclat de la valeur.

 

Ménalippe

Il fallait à la force opposer la rigueur,

Contre un sexe orgueilleux d'une injuste puissance,

Notre effort unanime emporta la balance;

Bientôt le désespoir, fils de l'adversité,

De la main tyrannique abat l'autorité.

Si chez vous, la vertu se montrait plus parfaite,

Notre fierté vaincue avouerait sa défaite;

Mais si vous l'emportez par plus d'exploits fameux,

Vos vices sont plus grands, vos crimes plus nombreux:

Vos droits, nés de la force, et non des dons de l'âme,

Révoltent la raison, l'équité...

 

Thésée

                                          Mais, Madame,

La crainte d'obéir détruit votre bonheur.

Sans cesse à nous braver, forçant votre valeur,

Au milieu des lauriers vous trouvez mille alarmes,

Dans les autres climats vous régnez par vos charmes:

Cet empire plus doux, ici n'est point connu;

Contre notre pouvoir, votre esprit prévenu,

A nous craindre, à nous fuir, épuise son adresse,

Se prive des plaisirs, ignore la tendresse,

De l'union des coeurs brise le doux lien.

 

Ménalippe

La liberté, Thésée, est le souverain bien.

La vaine soif de l'or, la discorde, l'envie,

Dans le sein des plaisirs germent et prennent vie.

Parmi nous, les travaux et la frugalité

Maintiennent la vertu, la paix, la vérité.

Sur l'empire des Rois, le nôtre a l'avantage;

Souvent dans vos états le pouvoir se partage;

Mille jeunes beautés soumettent leurs vainqueurs,

Au gré de leurs désirs dispensent vos faveurs.

Leur règne d'un instant dure assez pour vous nuire,

Pour usurper vos droits, qu'elles voudraient détruire,

Et la vieillesse enfin les livre à vos mépris,

Loin de la craindre ici, le temps nous donne un prix;

Les rides sur le front y marquent la puissance:

Nul intérêt secret n'y porte à la vengeance,

Et le seul bien public y réunit les voix,

Les siècles à venir, surpris de nos exploits,

Si nos états détruits revivent dans l'histoire,

En admirant nos moeurs, auront peine à les croire.

Peut-être on doutera que jamais l'univers

Ait vu régner nos lois jusqu'au-delà des mers

(Acte III, sc. 5)

 

A suivre

 

 

                                           

 


Extrait du Paradis terrestre 

Dans "Les Muses Chrétiennes, 1773 

 

 

 



27/01/2011
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