Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Bourbon (Catherine de)... ... ... 1558-1604

Catherine de Bourbon

1558-1604

 

- Lettres et Poésies, Ritter, Paris, Champion, 1927

   "Elle n'abandonna jamais la religion protestante, dont l'influence explique peut-être l'absence de couleurs et d'images qui caractérise sa poésie. Tout y est ditavec simplicité: l'aveu des fautes, l'accablement du monde et de la souffrance physique. Leur dépouillement, leur austérité même, nous repose du style fleuri et contourné, très en vogue à l'époque." (Jeanine Moulin)

 

Stances d’elle-même
(Fragments)


Ô Dieu, je n’en puis plus, la douleur qui m’accable
Me fait crier à toi ; sois-moi donc secourable.
Modère, s’il te plaît, la douleur que je sens.
Arrache de mes os cette fièvre cruelle
Dont l’ardente chaleur dessèche ma moelle
Et par des songes vains égare tous mes sens.

... Mes yeux sont obscurcis, ma couleur est ternie,
Sur ma bouche on ne voit nulle couleur de vie ;
Mes cheveux ont perdu leur lustre et leur splendeur.
Quelquefois, mais en vain, de parler je m’essaye
Pour te dire mon mal, mais ma langue bégaye
Et ne peut prononcer un mot de ma douleur.

D’esprit donc et de coeur à toi, Père, je crie,
Toi qui tiens en tes mains et la mort et la vie,
Qui donnes la santé, qui donnes les douleurs.
S’il te plaît, ô Seigneur, que la mort me délivre
Des maux que je ressens, je suis prête à te suivre ;
Mais si tu ne le veux, ôte-moi ces langueurs...


Extrait de Lettres et poésies, Champion. (biblisem)

 

 

Stances de Madame, soeur du roi

 

Pardonne-moi, Seigneur, tout saint, tout débonnaire,

Si j'ai par trop cédé à de mondains appâts.

Hélas! je fais le mal, lequel je ne veux pas

Et ne fais pas le bien que je désire faire.

 

Mon esprit trop bouillant, guidé par ma jeunesse,

S'est laissé emporter après la vanité,

Au lieu de s'élever vers ta Divinité

Et admirer les faits de ta grande sagesse.

 

Ma langue qui devait publier ta puissance

Et l'honneur que de toi, je reçois tous les jours,

Est bègue quand il faut entrer en ces discours

Et prompte et babillarde après la médisance.

 

Mon oreille, Seigneur, n'est-elle pas coupable,

Qui devait écouter ta sainte vérité

Et y prendre plaisir: ingrate elle a été,

Sourde à ouir ta voix et ouverte à la fable.

 

Que dirai-je, mon Dieu, de mes yeux infidèles,

Qui au lieu de jeter leur regard vers les cieux

D'où leur vient le salut, aveuglés aiment mieux

Les arrêter ici sur des beauté mortelles.

 

Mes mains ne font pas mieux, s'amusant à écrire,

Au lieu de ta louange, un discours inventé,

Lorsque jointes devraient prier ta Majesté

D'approcher ta pitié et reculer ton ire.

 

Alors qu'il faut aller écoute ta parole,

Mes pieds sont engourdis et vont le petit pas;

Mais s'il faut aller voir quelques mondains ébats,

Au lieu de cheminer il semble que je vole.

 

Mon coeur est endormi en sa vaine pensée

Et ne médite pas au bien que tu lui fais.

Il te met en oubli; mais où sont les parfaits

De qui ta Majesté n'ait été offensée?

 

Mais reçois-moi, Seigneur, d'un oeil doux et propice,

Puisque je reconnais mes péchés devant toi.

Regarde à ton cher Fils, sacrifié pour moi,

Qui prenant mes péchés, me vêt de sa justice.

 

Lettres et Poésies, ed. Champion, 1927

(cité par Jeanine Moulin)

 

 



15/02/2011
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