Bourdic-Viot (Marie-Anne-Henriette) 1746-1802
Madame Bourdic-Viot
d'abord Marquise d'Antremont
1746-1802
La plupart des textes disponibles ont été publiés dans l'Almanach des Muses sur près d'une une vingtaine d'années (1769 à 1787). La Marquise d'Antremont, alias madame Bourdic-Viot, a été bien servie par le premier directeur de l'Almanach, Sautreau de Marsy, qui en fit sa première contributrice femme. C'est une chance pour nous: on dit que la plupart de ses poésies lui ont été dérobées.
Le premier texte proposé est bizarrement
une "Epître à Monsieur de** qui menaçait l'auteur de la vengeance d'Apollon, si elle ne faisait pas imprimer son recueil de Poésies" (1776)
Elle lui fait remarquer qu'"elle rime sans prétention" et qu'elle est bien loin de rechercher la gloire et l'immortalité littéraire, laissant les hommes courir après "cette vaine fumée". La perspective d'imprimer un recueil de Poésies semble heurter sa conception épicurienne de la vie! Voici une autre hypythèse susceptible d' expliquer la rareté, sinon l'absence, de recueils disponibles!? "Que gagne-t-on à vivre pour la gloire?" interroge-t-elle dans le poème qui suit.
Je redoute peu la menace
Et la colère d'Apollon:
Suis-je sujette du Parnasse?
Je rime sans prétention.
Je n'eus jamais l'ambition
D'aller au Temple de mémoire:
La faible aiguille de Pallas
Laisse au burin de Phidias
Le soin de graver pour la gloire.
Babet, aux jours de son printemps,
Croit son nom peu fait pour l'histoire:
Sait-on être illustre à vingt ans?
Les moments dont l'Amour dispose
Et l'heure où son Berger l'attend,
Voilà pour Babet le présent:
Le lendemain est peu de chose,
Tout l'avenir est cet instant.
Heureux qui n'a que ce système!
Car enfin de quel bien jouir,
Si l'on ne jouit de soi-même?
L'homme se perd dans l'avenir;
Il s'immole à sa renommée:
Qu'on est fou de vouloir courir
Après une vaine fumée!
Ce public superbe et volage,
Dont on prise tant la faveur,
Que peut-il pour notre bonheur?
Eh! que m'importe son suffrage?
En a-t-on besoin à mon âge?
Tout l'univers est dans mon coeur.
Dois-je, pour un laurier frivole,
Aux pieds de cette vaine idole,
Risquer des mépris éclatants?
Qui s'élève cherche l'orage;
Les monts sont battus par les vents:
La paix règne dans un bocage;
Cachons-nous sous l'aile des vents
Et dérobons notre passage:
L'éclat est l'écueil des talents.
Voyez les écrivains célèbres:
Des temps ils percent les ténèbres;
Ils éblouissent les regards:
Mais entendez de toutes parts
Frémir aux accords de leur lyre
La calomnie et la satire.
Ainsi votre Muse a beau dire,
Malgré ses propos séducteurs;
Toujours plus fidèle à sa pente,
Le ruisseau, dont sur les hauteurs
Vous voulez voir l'onde imprudente,
Restera caché sous les fleurs.
Sur les rameaux qui l'ont vu naître,
Philomèle, la nuit, le jour,
Ne chantera que pour l'amour,
Et n'ira point se compromettre
Dans les bocages d'alentour;
On risque à se faire connaître:
Philomèle craint le vautour.
La voici qui , au nom d'une conception bien tradtionele de la femme
A M. de ***
Sur le séjour de Paris
Marquis, je ne vois pas comment
Dans cette cité misérable,
Où le plaisir est un tourment,
Dont la fatigue nous accable,
Tu peux trouver quelque agrément.
Des désoeuvrés de nos ruelles
Préférerais-tu les pavots
Aux fleurs, aux plantes immortelles
Dont Mars ceint le front des héros?
Voudrais-tu, tristement tranquille,
Des invalides de la ville
Grossir le cortège ennuyeux?
Je sais qu'il est sur cette rive
Une belle à deux yeux mourants
Qui, sur la foi de tes serments,
Rappelle ton âme captive
A ses premiers engagements.
Mais quoi! le coeur d'un militaire
N'est avec nous que volontaire
Et ne suit que ses goûts changeants.
Si quelquefois, quand Mars repose,
Vénus a des soins obligeants,
Elle a le destin d'une rose,
Qu'on oublie avec le printemps:
Tels, appelés par la victoire,
On a vu nos jeunes guerriers
Quitter les amours pour la gloire,
Et le myrte pour les lauriers.
Tous les peuples ont leur génie;
Le nom sacré de la patrie
Transporte l'âme de l'Anglais;
Le Suisse commerce sa vie;
Du Batave dans ses marais
Plutus anime l'industrie;
La volupté toujours en paix
Séduit l'indolente Italie;
La gloire entraîne le Français;
Elle seule est la récompense,
Le plus doux prix de ses travaux;
Gloire, c'est à toi que la France
Doit le grand homme et le héros!
Laissez-moi mes pompons, mes noeuds et mes aigrettes,
J'aime à symétriser tous ces colifichets;
Pour créer tous ces riens les femmes furent faites:
La mode dans leurs mains a remis ces hochets.
Ne nous disputez point ce frivole avantage
D'arranger avec art un chiffon élégant:
Le soir, dans un souper charmant,
(C'est là notre aéropage)
Nous recevons le prix de ce joli talent;
Il sait nous attire l'hommage
Du petit-maître et du pédant,
Et fait parfois tourner la tête au sage.
Je crois que le sexe jaseur
Ne doit pas envier le suffrage trompeur
Du fameux temple de mémoire:
Sapho, par son luth enchanteur,
Ceignit son front des laurieurs de la gloire
Et du léger Phaon ne put fixer le coeur;
Que gagne-t-on à vivre dans l'histoire?
Elisabeth fut roi! voyez le grand bonheur!
Christine, bien moins vaine et bien plus sage qu'elle,
Sous le poids de sa dignité
Se lassant de plier une tête rebelle,
Sut abjurer la royauté,
Et renonçant sans peine au titre d'immortelle,
Elle jouit en paix des droits de la beauté.
Le zéphir, par sa douce haleine,
Vient caresser les fleurs qui croissent dans nos champs;
Le rossignol, par ses accords touchants,
Fait retentir et les monts et les plaine;
Vous faites des vers séduisants:
Chaque être cède au penchant qui l'entraîne.
Dans Les Quatre Saisons, 1785
Dans "La Perle ou les femmes littéraires...", Anthologie de P. L. Jacob, 1800
(Gallica)
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