Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Burine (Claude de) 1931-2005

 

Claude de Burine

1931-2005

 


3 poèmes publiés dans "Poésie Féminine d'aujourd'hui" (Poésie 1, 1974)

 

Jalousie

 

Pas elle,

La triste,

l'endeuillée,

Mais moi,la mendiante aux sabots d'or,

la voleuse

dans le clair de lune du coeur.

Regarde mon visage

Et regarde mon ventre,

Je cède et je me hâte

vers les grands roseaux noirs

qui lièrent nos corps,

J'aurai des souvenirs

qui me briseront la gorge,

Quand mes mains inconnues

déferleront vers toi.

 

 

Le prophète

 

La voix des sources d'abord se tait

Le soleil ne lève plus son front rouge

Dans la forêt.

Puis un jour on perd

La fleur de lavande et le gui de l'hiver,

La bouche d'un amour et ses mains délicates,

Son enfant fée dans la nuit soyeuse.

Alors l'on regagne le silence

Et l'on se tue

Dans la maison ouverte.

 

 

Agadir

 

Tu n'y peux rien,

Dieu, tu es vaincu.

Malgré l'orage

Nous montons droit,

Forêts obstinées.

Nous écoutons respirer la terre

Nous écoutons germer le blé.

Tu étais la pluie perverse de l'été

Qui lacérait les robes blanches

Le rôdeur qui étranglait l'enfant

Ebouriffé comme une rose.

Nous ne sommes plus tes chiens fidèles

Mais le tunnel qui creuse, chaque nuit,

Sa trouée de printemps

Mais le sang qui allume la fièvre

Au sommet des remparts.

 

 


 

 

A regret

 

Je vis, les mains tendues

Mais j'embrouille les pistes

Pour moi l'amour a les traits de la mort

 

Je vis. J'aimerais dire:

Ses mots, ma fête

Ses yeux, ma prairie blanche

 

Mais je perds coeur et je suis

Ce noyé du soleil

Que le courant défait.

 

 

Poème publié dans "La Poésie aujourd'hui", ed. St-Germain-des-Prés, 1975


Il disait

 

Il disait

Qu'il avait besoin

D'une présence

Plus silencieuse qu'une lampe

Qu'il attendait debout

Dans la prairie des larmes

Vêtu de la dépouille d'un chêne

Car il était l'envoyé des rois

 

Il disait

Que rien n'était digne

Qu'il lui fallait entrer

Dans la démence

Qu'à la fin

Il ne pouvait être

Le regard

Le temps du silence

Qu'il lui fallait

La main de l'aube

Contre le front glacé des vitres

Pour que se fanent les adieux.

 

Il n'avait qu'à toucher de la main

Toucher de sa main de printemps

Les paupières fragiles des sources

Pour que s'ouvre

La terre promise des cils

Où l'ombre est bleue

 

Sur la terre

On se serait couché,

Avec ses mains

Sur sa bouche

On se serait couché

 

Il était

La voix qui parlait des fontaines

Du rendez-vous manqué

Avec la nappe blanche

 

Il était le temps d'avoir quinze ans

De se perdre

Quand éclaterait le pas de l'Intendant.

 

Ebauches, 1969

 

Publié dans l'Anthologie "Huit siècles de Poésie Féminine" de Jeanine Moulin (1963)

 

 





27/03/2012
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