Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

(Picard) Hélène: Cette nuit, j'ai rêvé...

Hélène Picard

 

Cette nuit, j'ai rêvé...

 

Cette nuit, j'ai rêvé qu'en ma chambre charmante,

Tu venais m'apporter la Jungle et ses fureurs.

Généreuse sueur du sang et de la menthe,

D'où venais-tu, sinon du pays des voleurs?

 

"Bonsoir, mauvais garçon!" Je ris à ta colère

Qu'exaspéraient encor les griffes végétales,

A tes cheveux souillés de pègre et de poussière,

A tes beaux yeux pareils à l'aile des cigales.

 

"Raconte..." Je prenais les plaisirs les plus vifs

A te panser dans le parfum de mes oranges.

A tes poignets battait la fièvre des fortifs,

Et la lune tombait de tes plaintes étranges.

 

- ... Ce fut pour une fille... - Ah! - J'ignore son nom.

- C'est mieux. - Et je voyais, là-bas, bondir l'alerte,

Ramper le guet, mourir pour une jupe verte,

L'eau pure d'un regard, la flèche d'un chignon.

 

Auprès des fleurs des champs, de la cage naïve,

Je caressais, sur ta poitrine, ces bandits

Qui redonnent à l'ombre une âme primitive,

Font saigner, dans leur coeur, la rose des maquis.

 

Ma chair qui désirait, un peu, qu'on l'assassine,

Se sentait déchirée, au contact de ta peau,

Par le rayon lunaire et chaste d'un couteau,

Et par les ongles durs de ta chère aubépine.

 

" Ce fut pour une fille..." Oh! ces mots dans l'odeur

De bois blanc, de pain bis, de pommes, de cretonne!

Pourquoi si tendrement, pensai-je àl a candeur

D'un Ange entrant, chez le bistrot, un soir d'automne?

 

Mais, vite, je revins à ton air trop méchant,

Sincère, pas sincère... Et, couleur de la paille,

Notre lampe amoureuse incendiait le chant

D'un guitariste blond cloué sur la muraille.

 

Et, soudain, au dur pas d'un occulte passant,

On entendit jurer l'âme de l'eau-de-vie...

O mon gas!... A toucher, à regarder ton sang,

Ma sombre volupté ressemblait à ta Vie.

 

Ta blessure appelait avec une vigueur

Qui me fit adorer tes femmes impudentes,

Ces témoins éclatants des disputes ardentes:

Le gin, le basilic, un fusil, l'as de coeur.

 

... Je te pansais en évoquant les fauves mâles.

" Mon gas...", disais-je... Et j'entendais des coups de feu,

Et des coeurs tatoués palpitaient, ô mon Dieu,

Sous l'étoile du strass, dans le brouillard des châles.

 

Honneur du déshonneur! Chevaliers du couteau,

Reines à l'exécrable et touchante puissante,

Quel piège, quel attrait, cette couleur ponceau

Qui commande au browning, à l'absinthe, au silence!

 

"Acré!..." Ceci fut dit par la fatalité

Qui traînait, après soi, une effroyable lune,

L'ombre de la prison et tes filles dont l'une

A des jupes d'argent comme une nuit d'été.

 

C'était beaucoup de faste et d'horreur que ces choses,

Et je voyais passer, au son du vieux tambour,

Dans une détestable et noble apothéose,

Les mères des bandits morts de haine et d'amour.

 

Tu souris. Mais à quoi? Te prenaient-ils pour maître,

Mes yeux pailletés d'or et bruns sévèrement?

Ton soupir s'envola, rouge, par la fenêtre...

Se disaient-ils, mes yeux, à toi, infiniment?

 

Furent-ils assez beaux pour contenir les portes,

Les funèbres quinquets d'un sordide garni,

Et tout ce qu'il y a de belles feuilles mortes

Au regard d'un voyou haïssable et banni?

 

Vis-tu, déjà, tomber, de leur candeur sauvage,

Le rayon attentif qui mérite souvent

L'âpre monde qui vit de serments et d'orage

Entre l'accordéon, l'échafaud et le vent?...

 

Là-bas, de longs sifflets répondaient au ciel aigre.

O gas défunts! Pitié...!

                                Mais l'étrange discours!

"Oui... disais-tu, on jure... on meurt... on est intègre..."

Et, l'oeillet aux cheveux, Salomé de la Pègre,

Je t'offris mon collier de verre, après l'amour.



06/04/2014
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