Cluchier (Alice) Années 1945-1980
Alice Cluchier
Photo publiée dans laprovence.com
Lieux de référence:
Naissance à Saint-Martin de la Brasque (Vaucluse)
Montfavet (Avignon): Bibliothèque "Paul et Alice Cluchier".
Bibliographie
1945 : Cris et tourments
1947 : Au rouet de l’amour
1949 : En fanant l’air sentimental
1950 : Le coeur et la croix
1954 : La folle ivraie
1956 : Mon pain de vie
1957 : Incandescence (choix de poèmes)
1959 : Les vagues du coeur
1963 : Ciel et fumée
1963 : Avignon la fascinante
1966 : Couleurs d’arlequin
1967 : Mon ombre et Dieu
1969 : Roses voilées d’embrun
1970 : Du vitrail à la lumière
1972 : L’ivresse de la source
1974 : Le temps d’effeuiller un nuage
1976 : Ce feu qui me déroute
1978 : L’ancolie du silence
1981 : Un envol d’étincelles
1982 : La cueillette émerveillée (poèmes pour enfants)
1982 : L’heure des volet clos
1984 : Ces mots jetés au vent d’hiver
Au Rouet de l'Amour
Amour ! divine flamme ! Amour triste fumée !
TOULET
A Elisabeth Borione
Au Rouet de l'Amour
Mon amour le plus doux est celui que je file
Avec des fils de vierge à l'aube d'un serment.
Il est si délicat qu'un geste malhabile
Arracherait le voile au bel enchantement.
Mon amour le plus pur est celui que j'enroule
Aux fuseaux du printemps avec un lin tout neuf.
Je l'enchevêtre au nid de l'oiseau qui roucoule,
Car il a l'innocence et la candeur de l'oeuf.
Mon amour le plus fort est celui que je tisse
De mes fibres de chair aux coloris de sang ;
En sa toison d'ardeur le plaisir nu se glisse,
S'électrise aux replis des tons incandescents.
Mais l'amour se dévide à l'abandon des heures,
L'écheveau se ternit aux souffles de l'adieu,
La chaîne se distend à l'usure des leurres,
Et mon Rêve en haillons suit le linceul d'un Dieu.
"Et s'être vu longtemps, c'est presque s'être aimé."
A. GUIRAUD
A mes amis.
L'Amitié
Sentiment de velours dont la douceur délivre,
Transparence du coeur, épanchement serein,
Indulgence des jours, apaisement de vivre,
Tu prends l'air de bonté qui colore le pain.
Tes appels ont l'élan et la blancheur des ailes,
Cette limpidité des jardins et des eaux.
Ta générosité soulève nos fardeaux,
Et craint de réveiller nos torpeurs sensuelles.
Ta tendresse m'évoque un amandon tout vert,
Où s'implantent nos dents saccageant les promesses ;
Tu ne sens pas le mal des ingrates faiblesses,
Et tends, sans défaillir, ton regard découvert.
Tu résistes au temps destructeur qui chemine,
Et pour symboliser l'éclat pur de ton miel,
Je brode en ton honneur sur ce fanion bleu-ciel,
L'abeille aux anneaux d'or sur une balsamine.
"L'air est plein de frissons des choses qui s'enfuient"
Baudelaire
A Emile Henriot
Frisson
Dans l'espace, tout bruyant d'ailes,
Mon âme a glané ce frisson,
Il roucoule en la la tourterelle,
Et donne l'essor au pinson.
A l'onde que la brise inspire,
L'ai-je capté triomphateur,
A l'heure où l'éphémère attire
L'envol du désir prometteur ?
Sur une tige d'herbe folle,
L'ai-je pris dans le blé mouvant,
Lorsqu'une plainte douce et molle
Surgit sous l'emprise du vent ?
Mon sang fut-il le réceptacle
Du sanglot qu'un archer traduit,
Quand l'étoile éclaire un miracle
Dans les plis secrets de la nuit ?
Du charme d'une voix lointaine,
M'offre-t-il les virils échos,
Se répercutant dans la plaine
Sur un ton de coquelicots ?
Il m'étourdit comme un malaise,
Ce frisson clair, bleuté de joie.
Vois sur mon coeur combien il pèse,
Malgré son frôlement de soie.
"La rose qui ressemble à ce que fut ta bouche"
H. de Regnier.
Rose-Provence
Hésitante rose, en bouton discret,
Qui n'ose s'ouvrir au ciel des caresses,
Le printemps est court ! L'été lourd d'ivresses,
T'épanouira de désir secret.
La rose naîtra, déjà condamnée
A s'offrir au flux des fièvres errantes.
Par ce seul contact de chair satinée.
Ephémère fleur ! sur un sol d'ennui
Glissera l'envol, pétale à pétale ;
Mais tu laisseras de ta beauté pâle,
Cette volupté qu'est l'âme des nuits.
Aux jardins de France où ton nom s'impose,
Ton parfum constant dans l'air flottera ;
Et je presserai des buissons de roses,
Quand mon sang vermeil d'amour flambera.
Parfum de la marguerite
Ta collerette amidonnée,
Etale l'orgueil d'un destin,
Auquel notre âme est condamnée
Par quelque oracle sibyllin.
J'effeuille au vent la marguerite :
Un peu... beaucoup... farouchement.
O nuances d'un sentiment,
Dans les prés où l'espoir s'agite !
Et je me penche sur mon coeur
Que le mal martelant effrite ;
Mais je respire du bonheur,
Sur l'inodore marguerite.
"Beauté ! mon seul souci"
Malherbe.
Au peintre CHABAUD
A un artiste
O toi qui peins les teintes roses
De l'aube en fleurs sur les sillons,
Les halliers peuplés d'oisillons
Et le coeur de toutes les roses ;
Les chauds coloris de l'été,
Les corselets des demoiselles,
Le tulle vivant de leurs ailes ;
Mille formes de la beauté ;
Les tons safranés de l'automne,
La vigne vierge en ses ardeurs,
Et la brume aux froides pâleurs
Sur le bois qui se découronne ;
Les dentelles et les festons
Que la glace brode aux fontaines ;
La neige saupoudrant à peine
Le Noël des petits santons ;
Pourrais-tu fixer sur la toile
A l'heure où tinte l'angélus,
Cette larme d'or de Vénus :
L'éclat de la première étoile ?...
"Avril est revenu pour jouer avec nous"
Nuit d'Avril
A l'avril, clair d'aménité,
La nuit offrait son diadème.
J'avais grand peur d'être moi-même,
Mon coeur sur ton souffle arrêté ;
Ton bras était l'anse légère
Où se suspendait l'heure en fleurs ;
dans la transparence des pleurs
L'âme prolongeait l'éphémère.
Ma lèvre avait un mol contour...
Tu ne saisis qu'un cheveu d'ange ;
par leur scintillement étrange,
Les astres retenaient l'Amour.
Tout d'innocence, en son mensonge,
Le lit du printemps était pur.
Nos yeux, limpides dans l'obscur,
Créaient l'éternité d'un songe.
p. 15
Prix décernés à la poétesse
2 poèmes publiés dans "Les Cahiers", Juillet-août-septembre 1962
Poème
Les serpents de nos forêts vierges,
Les requins qui des eaux émergent,
L'aveugle termite des bois
Et les loups voués aux abois
Pourraient-ils broyer nos chimères?
Dévorer à dents meurtrières
Le corps vierge de la beauté?
Boire des puits de pureté?
Vouer à la laideur amère
La pulpe et l'esprit de la terre?
Songe et magie, il n'en est rien,
Le mal met en relief le bien.
Posons nos yeux sur la palombe
Sur le symbole des colombes
Quand un souffle d'amour humain
Fait s'ouvrir le coeur et la main.
Clair de lune...
Clair de lune sur Pont Levis,
Un fantôme en cotte de maille
Avec ses remords s'est assis.
Manants, chantez vaille que vaille!
Sa guitare n'a plus d'accord,
L'absence a distendu les fibres,
Et les regrets de l'homme libre
Profèrent des rythmes discords.
Un fin rideau s'est entr'ouvert
L'embrasse avait la souvenance
D'un chevalier au coeur offert,
Mendiant d'amour sans redevance.
Mais de sa lance il se servit
Blessant à vif la douce infante,
Et depuis sa vie en tourmente
Connaît l'errance des proscrits.
Qu'attendrait-il, jour après jour?
La Belle dort et ne s'éveille.
La mort est hélas sans retour.
Par la douleur qui s'émerveille
Le pardon fait un bruit d'abeille.
2 poèmes publiés sur la page "Forum au féminin"
Tendresse
Plus douillette qu'un fin duvet,
Elle adoucit les meurtrissures,
Panse de secrètes blessures,
Etouffe le feu du regret.
A l'affût des moindres bonheurs,
Prompte à colorer l'instant pâle,
Elle sait t'isoler des râles,
Pour t'offrir l'espace des fleurs.
Fidèle à ton éloignement,
Comme à nos abandons si proches,
Elle endort soucis et reproches
Au rythme de son bercement.
Enroulée au fruits de tes ans,
Vibrante harpe de caresses,
Se penche sur toi ma tendresse;
Sauvegardant ton coeur d'enfant.
Le petit monde des enfants
Le ciel enveloppe nos jeux ;
Nos cris sont ceux de l'hirondelle,
Un papillon nous rend heureux
Nos bras battent comme des ailes.
En nous le soleil resplendit.
Tous les instants sont des arômes.
Le sol reflète un paradis :
Celui de la fée et des gnomes.
Le frais encens venu des tiges,
Du sang végétal et des troncs,
Nous donne de joyeux vertiges,
Que les songes étoileront.
Nous sommes des rais de lumière
Pris à l'écart de la beauté.
Notre regard reste fixé
Sur l'entrelacs de la chimère
Et le cristal des puretés.
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