Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Coignard (Gabrielle de)... ... ... 1550-1586

Gabrielle de Coignard

(1550-1586)

 

Oeuvres chrétiennes

 

VII

 

Plutôt le Ciel perdra ses clairs flambeaux,

Et l'été chaud sera raidi de glace:

L'hiver aura du printemps les rameaux,

Et les mortels n'auront plus de fallace.

 

Plutôt la mer environnant la masse,

Et sèche, et froide, ayant perdu ses eaux:

N'aura poissons, ne portera bateaux,

Que de chanter ta gloire je me lasse.

 

Je chanterai, ô Dieu de salut,

Je chanterai ton los (ta louange) dessus mon luth,

Jamais au coeur ne sera que je n'aie:

 

Un trait fiché de ton doux souvenir,

Pour le combat hardiment soutenir,

Contre le mal qui mes forces essaie.

 

 

X

 

Obscure nuit laisse ton noir manteau

Va réveiller la gracieuse aurore,

Chasse bien loin le soin qui me dévore,

Et le discours qui trouble mon cerveau:

 

Voici le jour gracieux, clair, et beau

Et le soleil qui la terre décore,

Et je n'ai point fermé les yeux encore,

Qui font nager ma couche toute en eau.

 

Ombreuse nuit, paisible et sommeillante,

Qui sait les pleurs des âmes travaillantes,

J'ai ma douleur cachée dans ton sein:

 

Ne voulant point que le monde le sache,

Mais toutefois je te prie sans relâche,

 

 

XIV

 

Mes vers demeurez cois dedans mon cabinet,

Et ne sortez jamais, pour chose qu'on vous dit,

Ne volez point trop haut, d'une aile trop hardie,

Arrêtez-vous plus bas sur quelque buissonnet.

 

Il faut être savnt pour bien faire un sonnet,

Qu'on lise nuit et jour, qu'Homère on étudie,

Et le riche pinceau des muses l'on mendie:

Pour peindre leurs beautés sur un tableau bien net.

 

Demeurez donc mes vers enclos dedans mon coffre,

Je vous ai façonné pource (parce que?) que je vous offre,

Aux pieds de l'éternel, qui m'a fait entonner

 

Tout ce que j'ai chanté sur ma lyre enrouée:

Je me suis à lui seule entièrement vouée:

Ne voulant mes labeurs à nul autre donner.

 

 

XVI  (A la Garonne)

 

Fleuve coulant par ce pays fertile,

Qui enrichis les champs et les cités,

Nous apportant mille commodités,

Battant les murs de ma fameuse ville:

 

O si j'avais un doux et grave style

Dessus les bords de tes concavités,

Je chanterais tes grandes raretés,

Et du rocher ta source qui distille.

 

Tu as nourri maints excellents esprits,

Qui font tes eaux jaillir dans leurs écrits,

Jà l'Indien sait le nom de Garonne:

 

Puisque je suis née dessus tes bords,

Ayant appris quelques simples accords,

A ton honneur ma muse les entonne.

 

 

(La crainte de la mort...)

 

La crainte de la mort incessamment me trouble

En enfer il n'y a nulle rédemption,

Je n'ai de mes péchés nulle contrition,

Tant plus je vais avant, plus ma peine redouble.

 

Tu mes consommeras comme une sèche estouble (étoupe)

A ce terrible jour de tribulation,Laisse-moi repentir de ma transgression,

Car l'amère douleur à mon âme s'accouple.

 

Tu as bâti mon corps, de chair, d'os et tendons,

De peau, veines et sang, rate, foie et poumons,

Souvienne-toi seigneur, que je suis poudre et cendre:

 

Comme un fétu poussé par la rigueur du vent,

Tu peux me balayer, et réduire à néant,

Hé! ne me laisse pas aux abîmes descendre.

 

 

(Les jours me sont si doux...)

 

Les jours me sont si doux en ce beau lieu champêtre,

Voyant d'un fer tranchant fendre le long guéret,

Et enterrer le blé jaunissant, pur, et net,

Puis le voir tôt après tout verdoyant renaître.

 

Mon Dieu le grand plaisir de voir sur l'herbe paître,

La frisée brebis portant son agnelet,

Et le cornu bélier qui marche tout seulet,

Au-devant du troupeau, comme patron et maître.

 

L'air est délicieux sans pluies, ni chaleurs,

Un petit vent mollet fait ondoyer les fleurs,

Les bois portent encor leur superbe couronne.

 

L'on n'oit point la rumeur d'un vulgaire babil,

Sinon des oiselets le ramage gentil:

Loué soit l'éternel qui tous ces biens nous donne.

 

 

 

(Ainsi que le berger...)

 

Ainsi que le berger qui voit une tempête

S'épaissir dedans l'air d'une noire couleur,

Menaçant les vers prés, et la superbe fleur,

De la rose, du lis, qui élève la tête,

 

Il serre les brebis dans sa basse logette,

Et triste voit tomber l'orage, et le malheur,

Puis revoyant Phébus il chasse sa douleur,

Et fait sortir aux champs sa bande camusette.

 

O Dieu lors que j'entends comme un brillant éclat,
Menacer mes péchés par un docte prélat,

Je m'en vais retirer à ta grande bergerie:

 

Remachant l'âpreté de mes vices pervers,

Et puis à mon pasteur les ayant découverts,

Tu montres tes clartés, et mon âme est guérie.

 

 

(Je ne puis plus chanter...)

 

Je ne puis plus chanter, je ne puis plus écrire,

J'ai le coeur oppressé, j'ai l'estomac pantois,

Je ne puis rappeler la parole et la voix,

Je ne puis remonter les cordes de ma lyre.

 

J'ai les yeux éblouis, je lamente et soupire,

Je veux ores mourir sous la divine croix,

Je ne veux plus bouger de l'ombre de ce bois,

Je veux être à jamais sujette à son empire.

 

Je vois le saint des saints sur la terre élever,

Je vois son sang bouillant où je veux me laver,

Je vois son corps divin chargé de cicatrices.

 

Je vois ses bras cloués qu'il tend aux égarés,

Je vois son coeur ouvert aux pauvres altérés,

Je le vois trépasser pour l'amour de nos vices.

 

 

 
Seigneur, change ma guerre
en ta paix...


Seigneur, change ma guerre en ta paix éternelle,
Échauffe les glaçons de mon coeur endurci,
Et fais qu’à l’avenir je n’aie autre souci
Qu’à suivre le sentier où ta bonté m’appelle.

Dompte les passions de mon âme rebelle
Et lave mon esprit de péché tout noirci,
Dispense ta lumière à mon oeil obscurci
Et m’apprends les secrets qu’aux élus tu révèles.

Sur toi tant seulement mon espoir j’ai fondé.
Si grande est mon erreur, plus grande est ta bonté
Qui ne laisse jamais celui qui te réclame.

Purifie mon esprit et le retire à toi,
Lui donnant pour voler les ailes de la foi,
Sans que l’abus du monde arrête plus mon âme,

 

 



02/02/2011
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