Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Coignard, Gabrielle de (1550-1586): Oeuvres chrétiennes

Gabrielle de Coignard

?-avant 1594

 

(Veuve du Président du Parlement de Toulouse) 

 

Gabrielle de Coignard

 

(1550-1586)

 

Oeuvres chrétiennes

I

 

Je n'ai jamais goûté de l'eau de la fontaine,

Que le cheval ailé fit sortir du rocher:

A ses païennes eaux je ne veux point toucher.

Je cherche autre liqueur, pour soulager ma peine.

 

Du céleste ruisseau de grâce souveraine,

Qui peut des altérés la grand soif étancher.

Je désire ardemment me pouvoir approcher,

Pour y laver mon coeur, de sa tache mondaine.

 

Je ne veux point porter le glorieux laurier,

La couronne de myrte, ou celle d'olivier,

Honneurs que l'on réserve aux têtes plus insi(g)nes.

 

Ayant l'angoisse en l'âme, ayant la larme en l'oeil,

M'irais-je couronnant de ces marques d'orgueil,

Puisque mon Sauveur même est couronné d'épines?

 

 

II

 

Guide mon coeur, donne-moi la science,

O Seigneur Dieu pour chanter saintement,

Ton haut honneur, que j'adore humblement,

Reconnaissant assez mon impuissance.

 

Je n'ai nulle art, grâce, ni éloquence,

Pour ton saint nom entonner dignement:

Mias ton clair feu, de mon entendement

Ecartera les ombres d'ignorance.

 

Je ne veux point la Muse des Païens,

Qu'elle s'en voise aux esprits qui sont siens:

Je suis chrétienne, et brûlant de ta flamme..

 

Et réclamant ton nom à haute voix,

Je sacrifie à l'ombre de ta croix,

Mon tout, mon corps, mes écrits, et mon âme.

 

 

III

 

O dèsirs mes mignons qui sur vos saintes ailes,

Volez plus vivement que le vent plus léger:

C'est ores mes mignons qu'il vous faut déloger,

Sans plus vous arrêter aux choses temporelles.

 

Ca bas tout est laideur pour les âmes plus belles,

Ne poursuivez donc rien du monde passager,

Les objets terriens ne vous font qu'affliger:

Il faut chercher au Ciel les grâces éternelles.

 

Mais quand vous y serez, ô désirs bienheureux

Ne retournez jamais en ce val douloureux,

Mais attendez là-haut que mon heure ait bornée

 

La vie de ce corps: et tandis beaux désirs,

Faites un grand amas des éternels plaisirs,

Pour festoyer là-haut mon âme retournée.

 

 

IV

 

Le clair soleil par sa chaleur ardente,

Fait distiller laneige d'un rocher:

Et je me fonds en sentant approcher

Le doux rayon de la flamme excelente.

 

Mon oeil devient une source coulante,

Et l'âme alors commande sur la chair,

Délibérant de jamais ne chercher

L'occasion à l'offense coulante.

 

Mais quand ce feu de moi s'en est allé,

Mon pauvre coeur demeure plus gelé

Qu'un jour d'hiver tout blanchissant de glace.

 

Reviens, Seigneur, ne m'abandonne pas,

Si je te perds, las je vois mon trépas,

Car je ne vis qu'aux douceurs de ta grâce.

 

 

V

 

Ha! mon Dieu qu'est ceci, ai-je perdu courage,

Où sont les bons désirs que j'allais poursuivant,

Serai-je point sujette à la pluie, et au vent,

Suivant les passions maîtresses de notre âge?

 

Ce n'est pas le chemin d'une jeunesse sage,

De reculer arrière au lieu d'aller avant

Où est ce bon espoir qui m'animait devant

Et ce chaste projet d'un résolu veuvage?

 

Hélas! je connais bien quand ta douce bonté,

Me soutient qu'en mon coeur par ta grâce indompté

La constance fleurit, et que rien ne l'empêche:

 

Mais quand tu viens de moi ta faveur retirer,

Mon âme qui se sent de son tronc séparer

Chêt comme quelque branche, ou quelque feuille sèche.

 

 

VI

 

Ni les désirs d'une jeunesse tendre,

Ni les appas des humaines grandeurs,

Ni l'hamecon des superbes honneurs

Ni les plaisirs qu'au monde l'on peut prendre

 

Ne me pourraient contente jamais rendre,

Ni m'arrêter à ces songes trompeurs.

Je veux fuir ces amères douceurs,

Autre loyer mon âme veut attendre.

 

Aille bien loin le trésor précieux

Rassasier quelque avaricieux:

Que les honneurs soient à qui le désire.

 

O mon vrai bien, je ne veux rien avoir,

Au lieu d`époux, de richesse, et pouvoir

Que ton amour où seulement j'aspire.

 

 

VII

 

Plutôt le Ciel perdra ses clairs flambeaux,

Et l'été chaud sera raidi de glace:

L'hiver aura du printemps les rameaux,

Et les mortels n'auront plus de fallace.

 

Plutôt la mer environnant la masse,

Et sèche, et froide, ayant perdu ses eaux:

N'aura poissons, ne portera bateaux,

Que de chanter ta gloire je me lasse.

 

Je chanterai, ô Dieu de salut,

Je chanterai ton los (ta louange) dessus mon luth,

Jamais au coeur ne sera que je n'aie:

 

 Un trait fiché de ton doux souvenir,

Pour le combat hardiment soutenir,

Contre le mal qui mes forces essaie.

 

 

VIII

 

Monarque des hauts cieux, à ton honneur et gloire

Je chanterai toujours, quoi qu'il puisse advenir;

Car j'ai le coeur si plein de ton doux souvenir,

Que tu seras toujours écrit en ma mémoire.

 

Je voudrais manier cette lyre d'ivoire,

Que le grand Vendômois fait si haut retentir,

Je ferais de mes chants les rochers mi-partir

Si j'avais le laurier marque de sa victoire.

 

Mon Dieu que j'ai le coeur plein d'admiration,

Lisant parmi ses vers la docte invention

D'un Hercule chrétien rapportant ta semblance.

 

Ah! mon divin Ronsard, je ne puis avouer

Telle comparaison: leur païenne insolence

Offense le Seigneur, au lieu de le louer.

 

 

IX

 

Qu'on ait opinion que je suis hypocrite,

Ayant le coeur rempli de ruse et fiction:

Que tout ce que je fais est ostentation,

Que je suis envieuse, arrogante et dèpite:

 

J'avoue tout cela, plus encor' je mèrite

Qu'on publie partout mon imperfection:

Toutefois le haut but de mon intention

Ne se changera point, quoiqu'on m'ait décrite.

 

Que l'on dise de moi tout ce que l'on voudra,

Je m'assure qu'enfin matière leur faudra (manquera):

Car Dieu qui voit à clair la vérité célée

 

Permettra que ceux-là, qui blâment les vertus,

Seront de leur bâton à la parfin battus,

Ayant d'un repentir leur âme bourrelée.

 

 

X

 

Obscure nuit laisse ton noir manteau

Va réveiller la gracieuse aurore,

Chasse bien loin le soin qui me dévore,

Et le discours qui trouble mon cerveau:

 

Voici le jour gracieux, clair, et beau

Et le soleil qui la terre décore,

Et je n'ai point fermé les yeux encore,

Qui font nager ma couche toute en eau.

 

Ombreuse nuit, paisible et sommeillante,

Qui sait les pleurs des âmes travaillantes,

J'ai ma douleur cachée dans ton sein:

 

Ne voulant point que le monde le sache,

Mais toutefois je te prie sans relâche,

De l'apporter aux pieds du Souverain.

 

 

XI

 

Si ce mien corps était de plus forte nature,

Et mes pauvres enfants n'eussent de moi besoin,

Hors des soucis mondains, je m'en irais bien loin,

Choisir pour mon logis une forêt obscure.

 

Las! je ne verrais point aucune créature,

Ayant abandonné de ce monde le soin:

Dans quelque creux rocher, je choisirais un coin,

Et les sauvages fruits seraient ma nourriture:

 

Et là j'admirerais en repos gracieux,

Les oeuvres du haut Dieu, l'air, la terre et les cieux,

Les bénefices siens saintement admirables

 

Et en pleurs et soupirs requérant son secours,

Je passerais ainsi le reste de mes jours,

Recevant de mon Dieu les grâces secourables.

 

 

XII

 

Fauche, Seigneur, de ton glaive tranchant

Tous les chardons qui prennent accroissance

Au plus beaux lieux de notre conscience,

Et vont toujours les vertus empêchant.

 

Ce sont les grains que l'ennemi méchant

Jette sur nous par sa fausse semence,

Viens donc, Seigneur, car la moisson s'avance,

Viens de ta main ces herbes arrachant:

 

Ne permets point que la ronce et l'épine

`^Gâtent le fruit de la bonne racine,

Envoie nous de la pluie d'en haut

 

Pour arroser cette terre infertile,

Qui dans son champ ne porte rien d'utile,

S'il ne te plait réparer son défaut.

 

 

XIII

 

Mon âme dormez-vous, mon corps vous sommeillez

Assoupi lourdement sur la plume otieuse,

La sombre obscurité de la nuit oublieuses

D'un voile paresseux vous tient les yeux sillés:

 

Les animaux des champs, les poissons écaillés

Voient plus tôt que vous la clarté gracieuse:

Le chariot pesant de la chair vicieuse

Garde que nous n'ayons nos esprits éveillés.

 

Mais sus c'est trop dormi en ma paresse extrême,

Je me veux éveiller en ce temps de Carême,

Me levant de matin pour ouir les sermons.

 

Mon âme conduira par la raison active,

Ce corps appesanti de sa charge rétive,

A servir le Seigneur et gagner les pardons.

 

  

XIV

 

Mes vers demeurez cois dedans mon cabinet,

Et ne sortez jamais, pour chose qu'on vous dit,

Ne volez point trop haut, d'une aile trop hardie,

Arrêtez-vous plus bas sur quelque buissonnet.

 

 Il faut être savant pour bien faire un sonnet,

Qu'on lise nuit et jour, qu'Homère on étudie,

Et le riche pinceau des muses l'on mendie:

Pour peindre leurs beautés sur un tableau bien net.

 

Demeurez donc mes vers enclos dedans mon coffre,

Je vous ai façonné pource (parce que?) que je vous offre,

Aux pieds de l'éternel, qui m'a fait entonner

 

Tout ce que j'ai chanté sur ma lyre enrouée:

Je me suis à lui seule entièrement vouée:

Ne voulant mes labeurs à nul autre donner.

 

 

XV

 

Perce-moi l'estomac d'une amoureuse flêche,

Brûle tous mes désirs d'un feu étincelant,

Elève mon esprit d'un désir excellent,

Foudroie de ton bras l'obstacle qui l'emp^che.

 

Si le divin brandon de ta flamme me séche

Fais sourdre de mes yeux un fleuve ruisselant:

Qu'au plus profond du coeur je porte recélant,

Des traits de ton amour, la gracieuse brêche.

 

Puisque tu n'es qu'amour, ô douce charité,

Puisque pour trop aimer, tu nous as mérité

Tant de biens infinis et d'admirables grâces:

 

Je te veux supplier par ce puissant effort,

De l'amour infini qui t'a causé la mort,

Qu'en tes rets amoureux mon âme tu enlasses.

 

 

XVI  (A la Garonne)

 

 Fleuve coulant par ce pays fertile,

Qui enrichis les champs et les cités,

Nous apportant mille commodités,

Battant les murs de ma fameuse ville:

 

O si j'avais un doux et grave style

Dessus les bords de tes concavités,

Je chanterais tes grandes raretés,

Et du rocher ta source qui distille.

 

Tu as nourri maints excellents esprits,

Qui font tes eaux jaillir dans leurs écrits,

Jà l'Indien sait le nom de Garonne:

 

Puisque je suis née dessus tes bords,

Ayant appris quelques simples accords,

A ton honneur ma muse les entonne.

 

 

XVII

 

Je bénirai toujours l'an, le jour et le mois,

Le temps et la saison que la bonté divine

Lanca ses  doux attraits au fond de ma poitrine,

Arrachant de mon sein le coeur que je portais.

 

Un soir, il me sembla que je dormais

Dessous l'obscurité de ma sombre courtine:

Que je me submergeais dedans la mer mutine,

Haletant à la mort peu à peu je mourais.

 

J'avais mille regrets de mes fautes commises,

Je promettais à Dieu des saintes entreprises,

S'il me donnais loisir de vivre encor un peu.

 

Je m'éveille en sursaut, et mon âme avertie

Par ce songe divin de corriger ma vie

Demande ton secours pour accomplir son voeu.

 

 

XVIII

 

Périsse la grandeur qui trompe les plus sages,

Enfle les plus savants, charme les plus dévôts.

Elle attire chacun au bruit de son beau los (sa louange):

Puis des liens d'orgueil enlace nos courages.

 

Mais las! tous ces honneurs et ces grands héritages

Ne nous peuvent donner un instant de repos,

Agitant nos esprits tout ainsi que les flots,

Guidés jusques au Ciel, par mille et mille orages.

 

Bienheureux donc celui qui n'est point engeôlé

En sa douce prison, et n'est point affolé

Des circéans appâts dont plusieurs elle trompe.

 

Fuyez, humbles d'esprit, ses vaines passions,

La croix fait le sujet de vos affections:

Car c'est un trait volant que le monde et sa pompe.

 

 

 

XIX

 

Amour est un enfant, ce disent les Poètes,

Qui a les yeux sillés par un obscur bandeau:

c'est un cruel serpent, un dévorant flambeau,

Qui brûle les humains  par les flammes secrètes :

 

Dardant à tous propos de mortelles sagettes,

Il vole dans nos coeurs tout ainsi qu'un oiseau,

C'est un foudre tonnant, racine de tempêtes.

 

Chassons donc vitement cet aveugle étranger

Avant que dans nos coeurs il se puisse loger,

Cherchons cet autre amour qui fait la vertu suivre,

 

Qui est chaste et parfait, modeste, et gracieux,

Dardant ses traits dorés de la voute des cieux,

Non pour nous massacrer, mais pour nous faire vivre.

 

 

XX

 

Furieuse amitié qu'on nomme jalousie,

Venimeuse poison des sens plus arrêtés,

Qui peins dans nos cerveaux mille méchancetés,

Dont l'appréhension est follement saisie.

 

Ce n'est point amitié, c'est une frénésie,

Un transport enragé, forgeur de cruautés :

Ceux qui ont ce malheur demeurent hébétés,

Perdant toute raison et toute courtoisie.

 

O farouche amitié, fuyez de ma maison,

J'aimerais plus humer un verre de poison,

Qu'avoir ces passions qui bourrelent nos âmes.  

 

L'affligé soupçonneux qui porte cette croix,

De son propre couteau se tue mille fois

Et blesse la vertu des innocentes âmes.

 

 

XXI

 

POUR LE JOUR DE L'EXALTATION DE LA CROIX

 

O sainte Croix, enseigne glorieuse,

Je te salue, à deux genoux fléchis,

Offrant mon coeur aux pieds du Crucifix,

Qui sur ton bois mit sa chair précieuse.

 

Tu as porté, ô croix victorieuse,

Le restaurant pour guérir nos soucis :

Tu es la clef ouvrant le Paradis,

Nous délivrant de la mort furieuse.

 

O douce Croix, sous tes sacrés rameaux

Je veux porter mes peines et travaux,

Sans m'éloigner de l'ombre de tes ailes.

 

Car le vainqueur qui te sait triompher

Nous a sauvés du gouffre de l'enfer,

Et nous conduit aux joies éternelles.

 

 

XXII

 

POUR LE JOUR DE L'INVENTION DE LA CROIX

 

J'ai le coeur tout ému et l'âme travaillée.

Quel ombrage plaisant me pourra réjouir

Car je ne cherche pas le gracieux plaisir

D'une verte forêt ou riante vallée.

 

Ce n'est point le repos de ma longue journée,

J'ai bien plus hautement appuyé mon désir,

A l'ombre de la Croix je me veux rafraîchi

Et goûter la douceur qu'elle noua donnée.

 

Sous cet arbre sacré, je ferai ma demeure,

Y mettant mon espoir, soit que je vive ou meure,

Car il est arrosé de la sainte liqueur.

 

Dessus ce grand autel notre Seigneur et maître

A répandu son sang pour nous faire renaître,

Comme étant de la mort heureusement vainqueur.

 

 

XXIII

 

Douce  virginité, nourrice d'innocence,

Mignonne du haut Dieu, trésorière des cieux,

Qui portes le laurier pris du victorieux

Et l'habillement blanc, marque de continence.

 

Ceux qui sont guerdonnés de ta grande récompense,

Compagnons de l'agneau, le suivent en tous lieux,

O parfaite vertu, ô trésor précieux,

Qui rapportes le cent de ton humble semence.

 

Bienheureux sont ceux-là qui, forçant leurs désirs,

Quittent joyeusement du monde les plaisirs,

Pour avoir les vertus de celui qui les donne :

 

Leurs lampes brûleront d'un feu continuel,

Attendant le retour de l'époux éternel,

Recevant pour loyer une riche couronne.

 

 

XXIV

 

Mon coeur était de douleur oppressé,

Je n'avais plus parole ni langage,

Mon estomac ressemblait à l'orage

Qu'élève en mer Aquilon courroucé.

 

Mille sanglots vers le ciel j'ai poussé,

Vrais tourbillons échelant ce nuage,

Et me sauvant d'un plus triste naufrage,

J'ai submergé mon courage lassé

 

Non pas des eaux d'une claire fontaine,

Mais du torrent des larmes de ma peine,

Qui m'ont servi beaucoup pour cette fois,

 

Car le bon Dieu, voyant sa créature

Souffrir à tort quelque inhumaine injure,

Par sa paix sainte apaise ses émois.

 

 

XXV

 

O de tous mes labeurs le repos désirable,

O de tous mes désirs le désiré bonheur,

O de tout mon espoir et le comble et l'honneur,

O de tous mes plaisirs la joie perdurable,

 

O de tout mon pouvoir la force secourable,

O de tous mes bienfaits le libéral donneur,

O de tous mes desseins le sage gouverneur,

O de tous mes dangers le Sauveur favorable.

 

O le tout de mon tout, ô ma fin et mon but,

O celui qui conduis mon âme à son salut,

O père libéral à qui je dois mon être,

 

O humain Rédempteur qui as souffert pour nous,

O très haut Fils de Dieu qui t'es fait notre époux,

O seul bien souverain, à toi seul je veux être.

 

 

 

 

 

 

 

 (La crainte de la mort...)

 

La crainte de la mort incessamment me trouble

En enfer il n'y a nulle rédemption,

Je n'ai de mes péchés nulle contrition,

Tant plus je vais avant, plus ma peine redouble.

 

Tu mes consommeras comme une sèche estouble (étoupe)

A ce terrible jour de tribulation,

Laisse-moi repentir de ma transgression,

Car l'amère douleur à mon âme s'accouple.

 

Tu as bâti mon corps, de chair, d'os et tendons,

De peau, veines et sang, rate, foie et poumons,

Souvienne-toi seigneur, que je suis poudre et cendre:

 

Comme un fétu poussé par la rigueur du vent,

Tu peux me balayer, et réduire à néant,

Hé! ne me laisse pas aux abîmes descendre.

 

(Les jours me sont si doux...)

 

Les jours me sont si doux en ce beau lieu champêtre,

Voyant d'un fer tranchant fendre le long guéret,

Et enterrer le blé jaunissant, pur, et net,

Puis le voir tôt après tout verdoyant renaître.

 

Mon Dieu le grand plaisir de voir sur l'herbe paître,

La frisée brebis portant son agnelet,

Et le cornu bélier qui marche tout seulet,

Au-devant du troupeau, comme patron et maître.

 

L'air est délicieux sans pluies, ni chaleurs,

Un petit vent mollet fait ondoyer les fleurs,

Les bois portent encor leur superbe couronne.

 

L'on n'oit point la rumeur d'un vulgaire babil,

Sinon des oiselets le ramage gentil:

Loué soit l'éternel qui tous ces biens nous donne.

 

 (Ainsi que le berger...)

 

Ainsi que le berger qui voit une tempête

S'épaissir dedans l'air d'une noire couleur,

Menaçant les vers prés, et la superbe fleur,

De la rose, du lis, qui élève la tête,

 

Il serre les brebis dans sa basse logette,

Et triste voit tomber l'orage, et le malheur,

Puis revoyant Phébus il chasse sa douleur,

Et fait sortir aux champs sa bande camusette.

 

O Dieu lors que j'entends comme un brillant éclat,

Menacer mes péchés par un docte prélat,

Je m'en vais retirer à ta grande bergerie:

 

Remachant l'âpreté de mes vices pervers,

Et puis à mon pasteur les ayant découverts,

Tu montres tes clartés, et mon âme est guérie.

 

(Je ne puis plus chanter...)

 

Je ne puis plus chanter, je ne puis plus écrire,

J'ai le coeur oppressé, j'ai l'estomac pantois,

Je ne puis rappeler la parole et la voix,

Je ne puis remonter les cordes de ma lyre.

 

J'ai les yeux éblouis, je lamente et soupire,

Je veux ores mourir sous la divine croix,

Je ne veux plus bouger de l'ombre de ce bois,

Je veux être à jamais sujette à son empire.

 

Je vois le saint des saints sur la terre élever,

Je vois son sang bouillant où je veux me laver,

Je vois son corps divin chargé de cicatrices.

 

Je vois ses bras cloués qu'il tend aux égarés,

Je vois son coeur ouvert aux pauvres altérés,

Je le vois trépasser pour l'amour de nos vices.

 

 

Seigneur, change ma guerre en ta paix...

Seigneur, change ma guerre en ta paix éternelle,

Échauffe les glaçons de mon coeur endurci,

Et fais qu’à l’avenir je n’aie autre souci

Qu’à suivre le sentier où ta bonté m’appelle.

Dompte les passions de mon âme rebelle

Et lave mon esprit de péché tout noirci,

Dispense ta lumière à mon oeil obscurci

Et m’apprends les secrets qu’aux élus tu révèles.

Sur toi tant seulement mon espoir j’ai fondé.

Si grande est mon erreur, plus grande est ta bonté

Qui ne laisse jamais celui qui te réclame.

Purifie mon esprit et le retire à toi,

Lui donnant pour voler les ailes de la foi,

Sans que l’abus du monde arrête plus mon âme,

 

 



25/07/2013
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 167 autres membres