Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Dallas (Gilberte H.) 1918-1963

Gilberte H. Dallas

 

(Gilberte Herstchel)

1918-1963

 

 

 

 

Consulter la page "La Pierre et le sel" à laquelle j'ai emprunté cette photographie.

 

- Alphabet de soleils, 1952 

 

« C'est une poésie brûlante et tragique, viscérale, poésie du corps féminin en métamorphose vers le monstre ou la folie végétale jusqu'à la désagrégation ou la pourriture comme dans certains films de terreur et de science-fiction ou dans les souvenirs mythologiques en ce qu'ils ont de plus fantastique. » écrit Robert Sabatier (La poésie du vingtième siècle, 3- Métamorphoses et modernité 

 


Poème publié sur le site La pierre et le sel

 

(L'agate...)

 

L’agate au cœur de convolvulacée
    l’agate de cristal au cœur de corbeau
        au cœur de coudrier,
           au cœur de crépon,
              au cœur de crédo,
                 au cœur de colchique,
                     l’agate est brisée, 
              L’agate est brisée, l’agate est brisée,
           un camion-citerne l’a tuée,
        l’a réduite en postillons,
    l’a réduite à sa brûlure,
et toute ma vie est là
sur ce pavé de plumes de moineaux,
toute ma vie dans cette escarcelle où une larme
est plus lourde que l’aurore.
L’agate est brisée, l’agate est brisée.


*

Une femme qui marche
Les seins nus vers l’essaim
Du soleil
Sa croupe jaune
La croûte du pain qui croque

….

Une femme qui marche cuisses nues
Ce sont de belles cuisses bien longues
Et bien belles comme
Ces cônes de sucre d’autrefois
Du beau sucre qui crisse

*

Je cueillerai un bouquet de nausées dans la fraîcheur velue de l’aube avant d’être cendre au ventre du taureau.
Ah le goût de la nausée emplissant mes paumes comme une avoine de plomb.

*

Les ancolies d’ébène guettent la mourante
dévorée par la pluie
Les rues la serrent 
l’enlacent 
Elle marche dans la jungle de béton
Elle tend son corps comme une phrase délavée.
Elle titube celle qui aurait pu être ma mère
Elle titube la mère qui n’a pas de ventre,
En sa place mes yeux agrandis,
Deux yeux immenses deux glands desséchés
Greffe de la mort
Pauvre mère stérile berce dans ta chair
Mes yeux d’enfant perdu
Mes yeux comme une herbe qui mâche l’épouvante
Mes yeux d’extra lucide
Pauvre loque de sel !
Mes yeux de boue et de lumière
Et toi tu marches, tu marches dévorée de pluie,
et me cherches,
Moi qui suis là, incrustée en toi.


 Alphabet de Soleils


 


 Autre poème publié sur le site Barcoborracho1871

 

 

 Des soleils noirs


Les soleils noirs
Millions de soleils noirs
Girent dans le ciel
Dévorent le ciel
S'abattent sur les pavés
Éventrent les églises du Bon Dieu
Éventrent les hôpitaux
Éventrent les gares
Comme de visqueuses méduses
Éventrent les eaux des ports
Poussent dans les mains des hommes
qui ont des mains
Poussent effroyables jouets
dans les mains des enfants
Mille soleils de faims inassouvissables
Mille soleils de vertige et de douleur
Mille soleils de désespoir et de suicide
Mille soleils de mort lente et de mort rapide
Mille soleils de Terre Éternelle
Mille soleils d'abnégation et de négation
Mille soleils de zéro
Mille millions de soleils de jamais
pour toujours.
 
"Poètes maudits d'aujourd'hui 1946-1970"
Éditiions Pierre Seghers

 

 

 



04/03/2012
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