Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Dauguet (Marie): les Mois (1924)

Les Mois de l'année (1924)

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Publié dans "Ce n'est rien, c'est la vie", 1924

 

 

Janvier

 

La neige se pose comme une colombe

Sur le coeur plaintif, elle dit au désir

Inutile: "Surtout cesse de gémir!"

Et pare de merveilleux bouquets les tombes.

 

 

Février

 

J'ai connu des vies qui ressemblent à ce qu'ils sont,

Et tels que mes yeux aujourd'hui les aperçurent:

Le vieux cheval borgne à l'abandon et la masure

Sans vitre dans les orties et la neige qui fond.

 

 

Mars

 

Saturée de ferments, la vase est en folie;

Cueillons l'orchis léger, buvons l'odeur des joncs;

Hors de ces contours brefs notre âme s'exfolie,

Dans tout ce qui vécut, nous nous remélangeons.

 

 

Avril

 

Comme elle est profonde l'odeur d'avril et celle

Surtout, où tant de vouloir primitif se mêle

En qui s'exhale du bourbier fauve où les crapauds

Sont enlacés et gonflent de leur grouillement l'eau!

 

 

Mai

 

Si vous avez un coeur dont le soupir vous plaise

Ecoutez-moi: voici le temps cher où l'on met

Contre ses yeux de gros bouquets de muguet

Pour y pleurer tout à son aise.

 

 

Juin

 

C'est le loup amoureux au hurlement mystique,

Au chant du rossignol, c'est les vignes en fleur

Et c'est le coeur humain à jamais famélique

Enviant à la plante, aux bêtes, leur bonheur.

 

 

Juillet

 

Entends-tu se baiser les nids et les épis,

Et la terre, le ciel et le vent l'écarlate

Moisson? tout vibre orgueilleusement, sans répit;

Ecarte de toi-même une paix scélérate.

 

 

Août

 

Vers quoi donc soupirer parmi l'or des colzas,

Les froments merveilleux que la lune opalise?

C'est un mois sans poésie à cause de sa

Beauté plénière où tout désir se réalise.

 

 

Septembre

 

Septembre! Découplons Calypso et Tambelle;

Et le gigot "à la ficelle" - Il tourne au feu

Sauvage, devant notre Baraque si belle

Sous les chênes que le cor d'un chasseur émeut.

 

 

Octobre

 

Toi, sois fervent auprès de ce cloaque exquis,

Réponds à cet accent du passé qui s'explique,

Respire le parfum des mousses, des orchis,

Quand le soleil s'étend sur la vase extatique.

 

 

Novembre

 

Rêvons au murmure de l'ombre qui s'amasse;

Voici venir la nuit, et le cri des rapaces

A flotté sur la lune incertaine qui voit

Leur envolement doucereux sortir du bois.

 

 

Décembre

 

L'été de chèvrefeuille et de blé est passé

Et l'automne étalant partout ses blondeurs d'orge;

La mort avec ses doigts légers serre la gorge

Aux ruisseaux sous la neige et leur dit: "C'est assez!"



22/10/2013
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