Davet-Dutemps (Marcelle): La Victoire, 1920
Marcelle Davet-Dutemps
Pro Patria
La Victoire
La Victoire a chanté l’hymne de la délivrance.
Elle a couru les vals, les plaines et les monts.
Sa grande aile a passé sur la terre de France...
La Victoire a chanté jusqu'au creux des sillons.
Elle a vibré dans l’air ainsi qu’une fanfare,
A sa voix sont partis tous les oiseaux de mort.
Elle a fait fuir au loin la cohorte barbare...
La Victoire a plané d’un merveilleux essor.
Elle a pris par la main sa noble soeur: la Gloire!
Et la Gloire a baisé le front de nos soldats.
Ainsi, vers chacun d’eux s’est penchée la Victoire...
Elle a mis un frisson dans le coeur de nos gars.
La Victoire a brillé dans les beaux yeux des femmes,
Le long des clairs berceaux elle a mis un espoir.
Le mères l’ont sentie passer jusqu’en leur âme...
Les vierges ont souri dans la douceur du soir.
Puis, dans le vaste ciel ouvrant ses larges ailes,
Au-dessus d’humbles croix... au-dessus des tombeaux...
Comme pour réveiller leurs âmes immortelles,
La Victoire a chanté la chanson des Héros!...
Amours
O multiples amours faits de tant de chimères,
Vous seuls, n’êtes-vous pas tout l’idéal humain?
Amour des fiancés, des amants et des mères...
Tous les amours vers qui nous étendons les mains.
Et vous, encor plus beau, qui demeurez dans l’ombre
Pour mieux étinceler quand gronde le canon,
Amour de la Patrie! amour ardent et sombre
Dont on se sent frémir rien qu’en disant le nom!
Vous nous possédez mieux que nulle autre tendresse,
Vous êtes le plus grand, le plus fort, le plus doux.
Vous versez dans nos coeurs les sublimes ivresses
Et l’homme devient dieu quand il lutte pour vous!
O Patrie! éternelle et divine maîtresse,
Les plus beaux de nos fils tombent pour ta splendeur,
Et nous sacrifions leur ardente jeunesse,
Et nous les immolons, pour toi, pour ta grandeur.
Pour que dans le lointain des siècles et des âges
Ton nom resplendissant brille ainsi qu’un beau feu,
Et que ceux qui viendront, en voyant ton visage,
Sentent comme un soleil qui descendrait sur eux.
Amour, qui nous coûtez tant de larmes amères,
Pour lequel nous donnons, sans compter, jusqu’au bout,
Tout ce qui fait l’orgueil des femmes et des mères,
Mais qui, jusqu’au dernier, nous trouverez debout!
Je vous salue, Amour, qui faites dans nos veines
Courir comme un frisson d’héroïsme enchanté;
Vous qui ressuscitez dans nos âmes sereines
Le désir orgueilleux de mourir en beauté...
Les rubans
(Légion d’honneur)
O rubans! clairs trésors des grâces féminines,
Chiffons, légers chiffons de multiples couleurs
Faits de soie ondoyante ou bien de mousselines...
O jouets délicats et doux comme des fleurs!
Vous ornez le berceau où se penche la mère;
Vous caressez le font candide de l’enfant;
Vous prenez à ses yeux un rayon de lumière...
Vous êtes ingénus et chastes, beaux rubans!
Vous retenez le voile au front pur de la vierge;
Vous êtes le signet du missel de son choix;
Le parfum de l’encens et la lueur des cierges
Dans vos fils tissés d’or s’unissent à la fois.
Rubans purs de l’enfant et de la jeune fille,
Rubans de la coquette et rubans de l’amour,
Vous êtes le sourire et le reflet qui brille...
Vous êtes scintillants et beaux comme le jour!
Mais j’en sais un pourtant, plus lumineux encore
Dont rêvent les héros du fond de leur sommeil,
Que la Gloire à jamais de son sourire dore:
Un ruban merveilleux, brillant comme un soleil!
Toi, qu’on gagne “là-bas” sur les champs de bataille,
Ruban Rouge! Ruban de courage et d’honneur,
Ruban fait d’un morceau de satin ou de faille
Que l’on porte épinglé fièrement sur le coeur.
En te voyant, en nous passe comme une flamme,
Ta clarté nous séduit, mieux que des mots d’amour,
Nous sentons défaillir divinement notre âme...
Le beau ruban d’orgueil nous émeut à sont tour.
Nous rêvons d’appuyer un instant nos faiblesses
Contre le coeur vaillant qui sut planer si haut
Et de mettre un baiser de très chaste tendresse
Sur la rouge splendeur, ô ruban des Héros!
La Croix de Guerre
Lorsque d’un même élan, tous les fils de la France
Se dressèrent debout, et face à l’ennemi,
Ainsi qu’une fertile et vivante semence
S’épanouit le coeur qu’on disait endormi,
Le beau coeur généreux de la terre immortelle,
Le coeur d’un peuple élu pour qui naît un grand jour,
Et la patrie alors se réveilla plis belle,
Drapée en un sublime et magnifique amour.
Les enfants de vingt ans, les hommes au front grave
Laissèrent là l’outil, la lime ou le sillon;
Tournant vers le danger leur visage de braves,
Ils prirent le fusil et dirent: “nous veillons!
France! nous t’apportons, tous, un égal courage,
La force de nos bras et le sang de nos coeurs.
Nous écoutons vibrer, du plus lointain des âges,
Au fond de nos esprits l’écho du vieil honneur.”
Ceux qui croyaient au Christ élevèrent leur âme;
Ceux qui ne priaient point haussèrent leur orgueil.
Un amour merveilleux les brûla de sa flamme,
Et tous vinrent s’offrir à la Patrie en deuil.
Le monde regardait passer cette jeunesse
Qui courait ç à la mort en un unique élan,
Ivre d’une sublime et délirante ivresse:
Ces soldats à jamais grands entre les plus grands!
Alors dans les bois sourds et les forêts profondes,
Dans l’Argonne tragique ou sur le sol lorrain,
Partout où s’épandit le plus beau sang du monde
Poussa la noble fleur de l’héroïsme humain.
Pour immortaliser la pure et fière race
Il fallait un symbole impérissable et beau
Dont rêverait longtemps chaque femme qui passe;
Un symbole sacré pour marquer ces héros.
Et la Patrie alors, dans sa main maternelle,
Prit deux glaives d’acier, joints sur une humble croix.
Elle ajouta l’éclat d’une étoile immortelle
Et prit un beau ruban, rouge et vert à la fois.
Elle fit un bijou de merveille très fine,
Et l’offrant comme hommage à ses fils glorieux,
En un geste très doux le mit sur leur poitrine
Afin qu’en les voyant on dise: “ce sont Eux!”
Ce sont eux, “les Héros”, eux qui vivaient naguère
Ignorant l’Avenir, dressé dans le lointain.
- Sur l’uniforme bleu brille la Croix de guerre,
Pur baiser de la Gloire à leur noble destin.
Les mains
O mains des tout petits aux doigts frêles et roses,
- Si frêles qu’un baiser même les froisse un peu, -
Mains qui peut-être un jour ferez de grandes choses,
Vous enfermez en vous l’avenir merveilleux.
Douces petites mains des blondes jeunes filles
Qui filez le doux fil des rêves de seize ans
Et qui, le soir venu, sous les vertes charmilles,
Moissonnez à pleins doigts les roses du printemps.
Et vous encor, ô mains caressantes des femmes,
Qui nous cachez le mal, la douleur ou l’ennui,
Et semblez posséder au bout des doigts une âme...
- Magiciennes d’amour et verseuses d’oubli! -
Vous qu’on câline un peu, qu’on respecte et qu’on aime,
Vous n’êtes rien pourtant près d’autres que je sais,
Et je voudrais créer un immortel poème
Pour dire la beauté de ce qu’elles ont fait:
Mains de nos combattants, héroïques et fières,
Mains de rustres, mains de croyants, de révoltés;
Vous toutes, qui semblez porteuses de lumières
Et tenez le Drapeau des saintes Libertés!
Tous nous les bénissons pour leur tâche si belle,
Ces mains sans peur en qui réside notre espoir,
Qui gardent la Patrie à jamais immortelle,
parce qu’elles ont fait le tragique Devoir.
O mains de nos soldats, semeuses de victoires,
Je vous presse ce soir, en rêve, sur mon coeur,
- O mains qui composez des chapitres de gloire
Pour ajouter au livre immortel de l’Honneur!
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 165 autres membres