Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Delarue-Mardrus sur le thème "Femmes"

Lucie-Delarue-Mardrus

 

 


 

2 poèmes publiés dans "Nos femmes de Lettres, de Paul Flat, 1909

Esclaves

Delarue Esclaves Flat 92.jpg

 

Femmes

Delarue Femmes Paul Flat Nos f. de L. 1909 75.jpg


 

 

 

dans  Remy de Gourmont

Refus

 

 

De l'ombre ; des coussins ; la vitre où se dégrade
Le jardin ; un repos incapable d'efforts.
Ainsi semble dormir la femme « enfant malade »
Qui souffre aux profondeurs fécondes de son corps.

 

Ainsi je songe... Un jour, un homme pourrait naître
De ce corps mensuel, et vivre par delà
Ma vie, et longuement recommencer mon être
Que je sens tant de fois séculaire déjà ;

 

Je songe qu'il aurait mon visage sans doute,
Mes yeux épouvantés, noirs et silencieux,
Et que peut-être, errant et seul avec ces yeux,
Nul ne prendrait sa main pour marcher sur la route.

 

Ayant trop écouté le hurlement humain,
J'approuve dans mon cœur l'œuvre libératrice
De ne pas m'ajouter moi-même un lendemain
Pour l'orgueil et l'horreur d'être une génitrice...
— Et parmi mes coussins pleins d'ombre, je m'enivre
De ma stérilité qui saigne lentement.

 

 


 

Femmes élues 

 

Comme un courant d'eau douce à travers l'âcre mer,

Nos secrètes amours, tendrement enlacées,

Passent parmi ce siècle impie, à la pensée

Dure, et qui n'a pas mis son âme dans sa chair.

 

Nous avons le sourire des blanches noces

Qui mêlent nos contours émouvants et lactés,

Et dans nos yeux survit la dernière beauté

Du monde, et dans nos coeurs le dernier sacerdoce.

 

Nous conduisons parmi les baumes et les fleurs

La lenteur de nos pas rythmés comme des strophes,

Portant seules le faix souverain des étoffes,

Les pierres et les fards, et l'orgueil des couleurs.

 

Nous sommes le miroir de nous-mêmes, l'aurore

Qui se répète au fond du lac silencieux,

Et notre passion est un vin précieux

Qui brûle, contenu dans une double amphore.

 

Mais parfois la lueur fauve de nos regards

Epouvante ceux-là qui nous nomment damnées,

Et l'horreur vit en nous ainsi qu'en nos ainées

Qui lamentaient les nuits dabns leurs cheveux épars.

 

Nos secrètes amours, 1902-1905 (publié en 1951)

 

 

 

 

 

 

 

 



11/06/2014
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