Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Delarue-Mardrus : Poèmes de Edna Saint-Vincent Millay (traduction de l'anglais)

Lucie Delarue-Mardrus

traduction de

Poèmes de Edna Saint-Vincent Millay

(1892-1950)

 

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Pour en savoir plus sur cette poétesse américaine, consulter la page qui lui est consacrée sur

Femmesdelettres.com  DOIGT 26.jpg

 

 

LES CYGNES SAUVAGES

 

J'ai, tandis que passaient ces beaux cygnes sauvages,

regardé dans mon coeur, et j'e n'y ai vu rien -

Rien que du déjà vu, soit en mal, soit en bien,

Rien pour accompagner ce vol dans les nuages.

Ennuyeux coeur toujours vivant, toujours mourant,

Maison sans air, adieu ! Je ferme à clé la porte !

Cygnes blancs, revenez sur la ville en cohorte,

Sur la ville, traînant vos pattes et criant !

 

 

SONNET

 

Tu n'as pas plus d'attrait que n'en ont les lilas

Ou bien le chèvrefeuille, et tu n'es pas plus belle

Que les jeunes pavots dans leur blancheur nouvelle.

Et, bien que devant toi, je m'incline très bas,

 

Ta beauté, je la puis supporter. Mais mes pas

A droite, à gauche, vont, et mon regard chancelle,

Car je ne trouve pas de refuge contre elle.

Ainsi le clair de lune imprègne mon coeur las.

 

De même que celui qui, dans sa coupe, ajoute

Au délicat poison chaque jour une goutte,

Jusqu'à boire dix fois la mort impunément,

 

Habituée à ta beauté, je la consomme

Dose augmentée ainsi de moment en moment,

Et bois sans en mourir ce qui tua des hommes.

 

 

 

RENAISSANCE

 

FRAGMENTS

 

.........................................

L'omnisscience de mon âme, 

Je la dois payer par ce drame

De sentir tous les péchés miens,

Tous les remords brûler mon sein,

Miennes toutes haines couvées,

Miennes les trahisons levées,

Miennes les fautes de la chair,

Mien tout le mal de l'univers.

Et, devant tant d'horreur, j'appelle

Au secours ! Horreur personnelle,

Cri de cent peuples dans mon cri,

Moi qui meurs quand chacun périt

Et suis en deuil de tout au monde !

 

...................................................

 

Comment supporté-je ceci ?

Comment suis-je enterrée ici

Tandis que le ciel se partage

Et que tant d'azur suit l'orage ?

 

..................................................

 

Fais-moi naître, criai-je, ô Dieu !

Fais-moi naître encore ! Je veux

Revenir sur terre. Renverse

Les nuages ! Refais l'averse

Si puissante et creusant si fort

Qu'elle m'arrache de la mort !

 

Je me tus. Et, dans le silence

Qui seul me répondait, immense,

Vint à siffler le vol soudain

D'ailes accourant du lointain

Comme une vibrante musique

Sur la corde de ma supplique

Passionnée ; et, brusquement,

Comme ainsi se levait le vent,

Les nuages cabrés d'orage

Terrifiant le paysage,

L'averse descendit d'en haut

Et, folle, frappa mon tombeau.

Comment arrivèrent ces choses ?

Je ne sais. Mais, plus doux que roses

Un parfum me vint, une odeur

Qui sembla celle du bonheur,

Un chant d'elfe chantant sa joie

Pour soi-même, sans qu'on le voie,

Et, plus puissant que tout, plus gai,

Le sentiment de m'éveiller.

J'entendis l'herbe à mes oreilles

Murmurer sans fin des merveilles,

Sur ma bouche qui s'entr'ouvrait

La pluie allongea ses doigts frais,

Toucha le sceau de mes paupières

Et, laissant place à la lumière,

La nuit ôta son bandeau noir,

Et, mes yeux s'ouvrant, je pus voir

La dernière ligne argentée

De la pluie, et, toutes mouillées,

Les branches des pommiers, et, bleu,

Un ciel frais où plus rien ne pleut.

Et comme je contemplais, pâle,

Le vent jeta, douce rafale,

Sur ma face, parfum léger,

Tous les miracles d'un verger.

Et l'odeur des choses écloses...

- Comment arrivèrent ces choses ? -

Remit soudain mon âme en moi.

 

Ah ! je bondis hors du sol froid,

Et, criant un cri si farouche

Que jamais une humaine bouche

Ne fit entendre pareil cri

Sinon l'enterré qui revit,

J'entourai de mes bras les branches,

Follement et, corps qui se penche

Embrassant la terre au soleil.

j'ouvris mes bras et, dans le ciel,

Je commençai de rire, rire,

Jusqu'à ce sanglot qui déchire,

Jusqu'à ce frisson furieux.

" O Dieu, criai-je, qu'on me die

S'il reste rien qui me déguise

Désormais, dans le ciel d'été,

Ta radieuse identité !"

 

........................................

 

Des deux côtés s'ouvre le monde,

Vaste autant que l'âme est profonde.

Au-dessus, le ciel sans défaut

N'est haut que si le coeur est haut.

 

.............................................

 

Mais l'Est et l'Ouest sont des tenailles

Pour qui ne leur laisse leur taille,

Et l'âme qui manque de feu,

Le ciel l'emmure peu à peu.

 

 

Fin

 



03/12/2014
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