Deshoulières (Antoinette) ... ... ...(1634-1694)
Antoinette Deshoulières
1634-1694
Hommage de Sophie Chéron à Antoinette Deshoulières?
(Dans l'édition de 1803, vol. 1)
Ballade à Iris
Il saison de causer près du feu.
Le blond Phébus, chère Iris, se retire;
L'Aquilon souffle; et, d'un commun aveu,
Point n'est ma chambre exposée à son ire;
Viens y souper; j'ai du muscat charmant.
Quand je te vois, ma tendresse s'éveille,
Désirerais être homme en ce moment
Ou quand ta voix se mêle follement
Au doux glouglou que fait une bouteille.
En dévorant carpe de Seine au bleu,
De sottes gens à l'aise pourront rire;
Trop bien savons qu'il n'en est pas pour peu:
Plaisant et longue en sera la satire.
Nous chercherons un nouvel enjoûment,
Un nouveau feu dans le jus de la treille:
C'est un secours contre plus d'un tourment.
Il n'en est point qui ne cède aisément
Au doux glouglou que fait une bouteille.
A suivre.....................Oeuvres 1 , p. 131
Sonnet burlesque
sur la Phèdre de Racine
Janvier 1677
Dans un fauteuil doré, Phèdre, tremblante et blême,
Dit des vers où d'abord personne n'entend rien;
Sa nourrice lui fait un sermon fort chrétien
Contre l'affreux dessein d'attenter à soi-même.
Hippolyte la hait presque autant qu'elle l'aime;
Rien ne change son coeur ni son chaste maintien:
La nourrice l'accuse, elle s'en punit bien:
Thésée a pour son fils une rigueur extrême.
Une grosse Aricie, au cuir rouge, aux crins blonds,
N'est là que pour montrer deux énormes tétons,
Que, malgré sa froideur, Hippolyte idolâtre.
Il meurt enfin, traîné par ses coursiers ingrats;
Et Phèdre, après avoir pris de la mort-aux-rats,
Vient, en se confessant, mourir sur le théâtre.
Rondeau
Entre deux draps de toile belle et bonne,
Que très souvent on rechange, on savonne,
Le jeune Iris au coeur sincère et haut,
Aux yeux brillants, à l'esprit sans défaut,
Jusqu'à midi volontiers se mitonne.
Je ne combats de goûts contre personne:
Mais franchement sa paresse m'étonne;
C'est demeurer seule plus qu'il ne faut
Entre deux draps.
Quand à rêver ainsi l'on s'abandonne,
Le traître amour rarement le pardonne;
A soupirer on s'exerce bientôt;
Et la vertu soutient un grand assaut,
Quand une fille avec son coeur raisonne
Entre deux draps.
Stances
Agréables transports qu'un tendre amour inspire,
Désirs impatients, qu'êtes-vous devenus?
Dans le coeur du berger pour qui le mien soupire
Je vous cherche, je vous désire,
Et je ne vous trouve plus.
Son rival est absent, et la nuit qui s'avance
Pour la troisième fois a triomphé du jour,
Sans qu'il ait profité de cette heureuse absence;
Avec si peu d'impatience,
Hélas! on n'a guère d'amour.
Il ne sent plus pour moi ce qu'on sent quand on aime;
L'infidèle a passé sous de nouvelles lois.
Il me dit bien encor que son mal est extrême;
Mais il ne le dit plus de même
Qu'il me le disait autrefois.
Revenez dans mon coeur, paisible indifférence
Que l'amour a changée en de cuisants soucis.
Je ne reconnais plus sa fatale puissance;
Et, grâce à tant de négligence,
Je ne veux plus aimer Tircis.
Je ne veux plus l'aimer! Ah! discours téméraire!
Voudrais-je éteindre un feu qui fait tout mon bonheur?
Amour, redonnez-lui le dessein de me plaire:
Mais, quoi que l'ingrat puisse faire,
Ne sortez jamais de mon coeur.
Ballade
À caution tous amants sont sujets :
Cette maxime en ma tête est écrite.
Point n’ai de foi pour leurs tourments secrets ;
Point auprès d’eux n’ai besoin d’eau bénite,
Dans coeur humain probité plus n’habite
Trop bien encore a-t-on les mêmes dits
Qu’avant qu’astuce au monde fût venue ;
Mais, pour d’effets, la mode en est perdue :
On n’aime plus comme on aimait jadis.
Riches atours, table, nombreux valets,
Font aujourd’hui les trois quarts du mérite.
Si des amants soumis, contents, discrets,
Il est encor, la troupe en est petite :
Amour d’un mois est amour décrépite.
Amours brutaux sont les plus applaudis.
Soupirs et pleurs feraient passer pour grue ;
Faveur est dite aussitôt qu’obtenue,
On n’aime plus comme on aimait jadis.
Jeunes beautés en vain tendent filets ;
Les jouvenceaux, cette engeance maudite,
Font bande à part ; près des plus doux objets,
D’être indolent chacun se félicite.
Nul en amour ne daigne être hypocrite ;
Ou si, parfois, un de ces étourdis
À quelques soins s’abaisse et s’habitue,
Don de merci seul il n’a pas en vue ;
On n’aime plus comme on aimait jadis.
Tous jeunes coeurs se trouvent ainsi faits.
Telle denrée aux folles se débite,
Coeurs de barbons sont un peu moins coquets ;
Quand il fut vieux le diable fut ermite,
Mais rien chez eux à tendresse n’invite ;
Par maints hivers désirs sont refroidis ;
Par maux fréquents humeur devient bourrue.
Quand une fois on a tête chenue,
On n’aime plus comme on aimait jadis.
ENVOI
Fils de Vénus, songe à tes intérêts ;
Je vois changer l’encens en camouflets :
Tout est perdu si ce train continue.
Ramène-nous le siècle d’Amadis.
Il t’est honteux qu’en cour d’attraits pourvue,
Où politesse au comble est parvenue,
On n’aime plus comme on aimait jadis.
Les fleurs
Que votre éclat est peu durable,
Charmantes fleurs, honneur de nos jardins !
Souvent un jour commence et finit vos destins,
Et le sort le plus favorable
Ne vous laisse briller que deux ou trois matins.
Ah ! Consolez-vous-en, jonquilles, tubéreuses :
Vous vivez peu de jours, mais vous vivez heureuses !
Les médisants ni les jaloux
Ne gênent point l’innocente tendresse
Que le printemps fait naître entre Zéphire et vous.
Jamais trop de délicatesse
Ne mêle d’amertume à vos plus doux plaisirs.
Que pour d’autres que vous il pousse des soupirs,
Que loin de vous il folâtre sans cesse ;
Vous ne ressentez point la mortelle tristesse
Qui dévore les tendres coeurs,
Lorsque, pleins d’une ardeur extrême,
On voit l’ingrat objet qu’on aime
Manquer d’empressement, ou s’engager ailleurs.
Pour plaire, vous n’avez seulement qu’à paraître.
Plus heureuses que nous, ce n’est que le trépas
Qui vous fait perdre vos appas ;
Plus heureuses que nous, vous mourez pour renaître.
Tristes réflexions, inutiles souhaits !
Quand une fois nous cessons d’être,
Aimables fleurs, c’est pour jamais !
Un redoutable instant nous détruit sans réserve :
On ne voit au delà qu’un obscur avenir.
A peine de nos noms un léger souvenir
Parmi les hommes se conserve.
Nous rentrons pour toujours dans le profond repos
D’où nous a tirés la nature,
Dans cette affreuse nuit qui confond les héros
Avec le lâche et le parjure,
Et dont les fiers destins, par de cruelles lois,
Ne laissent sortir qu’une fois.
Mais, hélas ! Pour vouloir revivre,
La vie est-elle un bien si doux ?
Quand nous l’aimons tant, songeons-nous
De combien de chagrins sa perte nous délivre ?
Elle n’est qu’un amas de craintes, de douleurs,
De travaux, de soucis, de peines ;
Pour qui connoît les misères humaines,
Mourir n’est pas le plus grand des malheurs.
Cependant, agréables fleurs,
Par des liens honteux attachés à la vie,
Elle fait seule tous nos soins ;
Et nous ne vous portons envie
Que par où nous devons vous envier le moins.
Réflexions morales sur l'envie immodérée de faire passer son nom à la postérité.
(Novembre 1693)
Chanson sur M. L'Abbé Testu
L'aventure est trop ridicule
Pour ne la pas faire savoir.
Il offrait à dame incrédule
Sa chandelle, et la faisait voir.
Sans s'émouvoir, sans s'émouvoir,
La follette tira sa mule,
Et la fit servir d'éteignoir.
Au lieu de venger cette injure,
Les Amours, à malice enclins,
Riaient entre'eux de l'aventure
Du doyen des abbés blondins.
Ces dieux badins, ces dieux badins,
Se disaient: Vois-tu la coiffure
Qu'on a mise au dieu des jardins?
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