Deshoulières (Antoinette-Thérèse) fille de Mme Deshoulières (1663-1718)
Antoinette-Thérèse Deshoulières
Fille de Mme Deshoulières
1663-1718
Adieu aux Muses
1717
La fille de Mme Deshoulières souffrait du même mal que sa mère: un cancer du sein qui la fit beaucoup souffrir, ce dont témoignent les vers qui suivent, datés de 1717, soit un an avant son décès.
Allez, Muses, éloignez-vous.
Mon coeur frémit à vous le dire;
Mais quand votre beau feu m'inspire,
Un monstre dévorant, enflammé de courroux,
Qui sans relâche me déchire,
Un cruel monstre à qui je ne saurais suffire,
Redouble sur mon sein les plus funestes coups.
L'orgueilleux me punit de cet honneur suprême
Où vous m'élevez quelquefois;
Et sans les grands efforts que fait Apollon même
Pour me sauver de sa fureur extrême,
Ce terrible ennemi m'eût réduite aux abois.
Depuis le moment qu'il m'opprime,
Quel affreux avenir, hélas! m'a-t-il fait voir!
Sans appui, sans secours, et presque au désespoir,
J'étais sans cesse sa victime,
Et mes moindres frayeurs redoublaient son pouvoir.
Mais enfin la raison, cette fière maîtresse
Et de nos sens et de nos coeurs,
Au milieu même un jour de mes vives douleurs
Me fit rougir de ma faiblesse,
Et me délivra des horreurs
Que ce monstre à mes yeux représentait sans cesse.
Malgré ces soins encore, avec avidité
Le cruel cherche à faire au destin irrité
De mon coeur malheureux un pompeux sacrifice.
Mais à ce coeur, soutenu de l'immense bonté,
Se repose sur sa justice,
Et voit ce monstre affreux avec tranquillité.
Au sommeil
Divin sommeil; doux calme de nos sens,
Toi qui viens régner sur mon âme,
Achève de calmer les peines que je sens.
Sous le poids des pavots les plus assoupissants,
Eteins, détruis la dévorante flamme
Qui remplit ces beaux lieux de mes tristes accents.
Divin sommeil, doux calme des sens,
Toi qui vient régner sur mon âme,
Achève de calmer les peines que je sens.
Stances irrégulières
sur la mort de Madame Deshoulières
1694
Ici, Muses, ici que venez-vous chercher?
Sous ces sombres cyprès, hélas! qui vous appelle?
Vous n'y trouverez point cette illustre mortelle
Dont les doctes chansons avaient su vous toucher:
La déesse sourde et cruelle
De mes bras vient de l'arracher.
En vain, pour garantir une tête si chère,
J'ai mille fois du ciel imploré le secours:
Au précieux devoir de sauver une mère
J'ai sacrifié mes beaux jours.
Mais le cruel destin, qui m'accable toujours,
De larmes que produit une douleur amère
Redouble sans cesse le cours.
Le ciel à mes ennuis n'a point marqué de terme,
Et du plus faible espoir j'ignore les douceurs.
Sans cesse en proie à de vives douleurs,
J'appelle à mon secours cette âme grande et ferme,
Et qui d'un oeil égal au milieu de mes pleurs
Envisagea la mort sans craindre ses horreurs.
Mais que me sert, hélas! de l'invoquer sans cesse,
De me représenter ce qu'elle a combattu,
Et dans tous ses malheurs quelle fut sa sagesse?
Je m'abandonne à ma faiblesse,
Et je n'ai rien de sa vertu.
Muses, ne cherchez plus cet esprit admirable,
L'honneur de notre siècle et du sacré vallon.
De cette perte irréparable
Chargez les fastes d'Apollon.
Allez au bord de l'Hippocrène
Par des torrents de pleurs célébrer son trépas;
Et si ma douleur vous ramène,
Respectez mes soupirs, ne me consolez pas.
Elle fit éditer les poésies de sa mère.
Voici un extrait de sa propre préface.
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