Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Dortzal, Jeanne: Les versets du Soleil (1921)

Jeanne Dortzal

Les Versets du Soleil

Paris

Librairie des lettres

1921

 

 

 

Tlemcen

 

Bouquet d'ombre et de feu, scintillement cassé,

              Etuve du silence.

Tlemcen! rose qui joue à mourir et s'élance

              Vers un jardin passé.

 

Sultane des midis quand s'étire la terre.

              Quelle odeur de troupeau,

De sable et de palmier me hante? J'ai, si claires,

              Ces choses sous la peau.

 

Et le petit Arabe en chemise fripée

              M'entraîne, pas à pas,

A travers un dédale où tournent des mosquées,

              Et ce chant est si bas

 

Qui m'environne, l'heure est à ce point mortelle

              Que me voici, brisant

              De l'eau entre mes dents;

Je ris, je ne sais plus, je viens mouiller mes ailes,

 

               Et les terrasses sifflent,

J'entends la plainte jaune et les hoquets du sable,

               Là-bas. Mais l'eau me gifle,

Je ne suis qu'une fleur qui remue. Et des fables

 

               De chez moi ressuscitent.

Je me les dis, je fais semblant d'y croire, c'est

               Bon jusqu'aux pleurs. Plus vite,

Myrriem, Zoorah, comme vos yeux sont près!...

 

               - Il était un lésard...

- Non, non, une cigogne!... - Et ta maman arabe,

T'en souvient-il?... Tlemcen! en tout deux syllabes,

               Et dire que l'on part

 

               Pour s'en venir mourir

Contre une rue, en pleine enfance! Si vive

Malgré ma peine! Quoi, ce souffle qui m'arrive

              N'est donc qu'un souvenir?

 

               Jardins d'El-Kalaah!

Maigres rosiers du Sud, maison, ma maison basse,

               Se peut-il que mes bras

Ne t'aient pas emportée? Est-ce donc moi qui passe

 

               Ou la rivière? Appuie

Ton coeur, je me souviens. Le vent roucoule, entends:

Les pigeons d'autrefois reviennent. Quelle pluie

               Douce!... Voici le temps

 

               Des amandiers: l'odeur

Enfantine va naître; on la devine presque.

               Elle coule du coeur

Des tout petits chemins, et les arbres mauresques

 

               Avec leur gaine rose,

La source, les cailloux ont un rire de fleurs.

Tlemcen, comme un ibis, sur ma robe se pose.

               J'effeuille des couleurs

 

              En renversant la tête:

Khaïra, Senoussi, Bou-Medine, Rahal,

Petits bonshommes bleus, babouches et clochettes,

              Scintillement pascal.

 

              Qu'il fait jeune, mon Dieu,

Qu'il fait jeune! Entends... plus rien... c'était le sable,

              Il coule sous mes yeux,

Sous ma peau; mon sang pleure, entends-le, entends-le...

 

 

 

Marché arabe

 

La grande odeur connue aux ailes de safran,

Diable jaune enroulé dans son chapelet d'ail,

De piments et d'oignons. Kabyles et bétail

Piétinant sous le ciel parmi des excréments.

 

Fruits des ravins montant en pyramides d'or,

Eclaboussant de ciel les boutiques pelées,

Amoncellement blanc d'un arabe qui dort

          Près des pastèques égorgées.

 

Et, toujours, dominant midi de sa voix mate,

Laboureur du soleil, disciple des cigognes,

          Le muezzin chante.

Mendiants et vieillards montrent leur face borgne;

          La mauresque est plus lente.

 

Seul, vêtu de piments et bourré d'aromates,

          Le marché se soulève.

Des épluchures d'or bougent ddans les ruisseaux,

L'homme du café maure a sifflé ses troupeaux,

L'odeur vivante monte. Et, courbé vers son rêve,

L'homme écrase une rose et des poux sur sa peau.

 

Blidah.

 

 

 

La Medersa

 

Bâtie aux flancs du rêve, ayant pour contreforts

        Le silence et l'espace,

Pour piliers: le soleil et des hommes,

        Des hommes de ma race,

 

Portant à leur turban, comme une aigrette d'or,

        Le mépris et l'audace,

Et connaissant la vie et le peu que nous sommes,

Venant contre un jet d'eau méditer sur la mort.

 

                     La Médersa!

J'aimais Tlemcen pour son odeur et ses mosquées,

      Ses ruelles, ses femmes, son ciel bas;

              Mais j'adore en sourdine

              Cette prison musquée

              Où des roses arabes

              Retombent en versets,

              Emmêlant leurs syllabes

              A mes pleurs qui cheminent.

 

       Etouffement nacré, ô solitude,

             Vasque de la pensée!

Ah! mourir de silence à l'heure où tout s'élude,

              En tenant enlacée

              L'ombre qui fut la vie...

 

Tlemcen

 

 

 

Un Hammam à Tlemcen

 

Bleu, d'un bleu sale, avec des écorchures

         Et des choses qui gomment

L'heure des femmes, l'heure où le pavé murmure.

     L'eau bave. On achassé les hommes

Pour recevoir ces ventres et ces croupes. L'ordure

 

        Règne, élevant vers sa poupe

Cette odeur de chacal et de roses crevées.

Et cela chante avec des hoquets et des râles,

    Dans un déploiement d'ombre et de couleurs.

 

            Et les croupes lavées,

       Les cuisses tièdes, affalées

                 Sur les dalles,

Se lançant leurs colliers, mâchonnant une fleur,

          En crispant leurs orteils,

Elles auront ce geste, arraché à la dune,

              De pétrir du soleil

En accrochant leurs fils à leurs mamelles brunes.

 

 

 

Sidi-Bou-Médine

 

Oiseau déchiqueté dont le squelette danse

             Entre deux haies

             De maisons mortes.

Village de lépreux, affamé de silence,

             Et dont les plaies,

             Ainsi qu'une simarre,

             Enveloppent les portes,

Faisant couler du ciel sur le ventre des jarres,

     Mettant à vif sur les couffins de pierres

Des tessons de soleil et des lambeaux de roses.

              Golfe de la misère

              Où la mosquée s'accoude,

Où la beauté, comme un lion, repose,

                  Où l'espace,

En dépit du silence et du temps,

                     Soude,

Au sommet des piliers que les siècles dépassent,

             Les ailes du néant...

 

Village de Sid-Bou-Médine, Tlemcen.

 

 

 

Le muezzin

 

Le silence a dompté la terre;

         La ville plane;

La mosquée a repris sa pose de sultane:

    Et dort parmi les pierres.

 

             Est-ce l'aurore?

La nuit a déchiré sa chasuble d'étoiles;

Des flocons de clarté neigent sur le Bosphore.

Un bleu sourd a léché les felouques; les voiles

         Tirent sur les amares;

    Et, dans un clapotis de perles,

Sur un mode mineur, avec des gutturales

         Roses, le chant déferle,

         Ivre d'éternité.

 

               Splendide et pâle,

Portant son manteau blanc ainsi qu'une simarre,

        Le muezzin chante. La cité,

Ainsi qu'un vaisseau mort, tangue vers la lumière;

Et revoici l'instant unique où les terrasses,

Secouant leur rosée, avec lenteur délacent

              Leur robe de prière.

 

Constantinople

 

 

 

Oran

 

Ville bête et sonore,

Avec des quartiers juifs, des étalages nègres,

Des commerçants hideux et des rues maigres.

Province de bâtards et de cigarières,

Clapotant sans vergogne

A travers la fumée

Que la lumière dore.

Une rue borgne,

Une mosquée,

La Calère et le port. La Calère!

Gâteaux de poux que croque le soleil;

Vieux ongles espagnols où s'écrase l'été;

Pétillement crasseux des linges accrochés

Entre deux maisons chaudes;

Sommeil

Des filles et des hommes

Parmi des chats qui rôdent

Et des oeillets qui gomment;

Et, parfumée d'alcool et de tabac,

Déambulant vers la marine,

Une vieille à vingt sous, en robe de casbah,

Dont la gaieté rumine.

 

 

 

L'oasis

 

C'est un jardin du Sud aux floraisons géantes.

Des lambeaux de soleil, arrachés par le vent,

Saignent parmi le sable, et c'est un battement

De feuilles et d'eau claire, une chanson démente,

 

Appel des hauts plateaux que le printemps charrie

Et qui crève en averse et retombe en bouquets.

Les arbres ont tendu leurs bras, la terre crie,

Un miaulement bleu s'exaspère et se tait,

 

Puis tout à coup reprend avec des notes sourdes.

Un ciel bourré de sable abrite l'horizon,

Un silence effrené s'écrase en gouttes lourdes,

          Et, clamant son réveil,

 

L'oasis chante, à travers les cloisons

                  Du soleil.

 

Gabès

 

 

 

L'oasis

 

C'est un jardin du Sud aux floraisons géantes.

Des lambeaux de soleil, arrachés par le vent,

Saignent parmi le sable, et c'est un battement

De feuilles et d'eau claire, une chanson démente,

 

Appel des hauts plateaux que le printemps charrie

Et qui crève en averse et retombe en bouquets.

Les arbres ont tendu leurs bras, la terre crie,

Un miaulement bleu s'exaspère et se tait,

 

Puis tout à coup reprend avec des notes sourdes.

Un ciel bourré de sable abrite l'horizon,

Un silence effrené s'écrase en gouttes lourdes,

          Et, clamant son réveil,

 

L'oasis chante, à travers les cloisons

                  Du soleil.

 

Gabès

 

 

 

Une maison de la Casbah

 

Ouvre, voici du sable et de l'or. Tes yeux, femme,

Je ne veux que tes yeux pour assouvir le soir.

Le silence moulant étroitement mon âme,

J'ai franchi la demeure où nul ne vient s'asseoir.

 

Nul, hormis le troupeau d'esclaves et de nègres

Dont la vivante odeur s'écrase et rebondit.

Des flaques de misère ont dû ronger le lit,

Je n'aperçois qu'une ombre et des murailles maigres.

 

Quelle pitié de mâle a blotti dans mes bras

Cette rose publique? Est-ce moi qui contemple

Ces sinuosités d'idole? Mon front bat

Comme si je venais de découvrir un temple.

 

Un millénaire amour m'emplit; je n'ai plus d'âge.

Ayant posé ma tête à l'ombre de ses yeux,

J'attise leur silence. On dirait un roi-mage

Aux portes du désert. Je joue avec des creux

 

Que je remplis de sable, et le sable remue

Et tourne sur lui-même. Un regard? Plus encor,

La femme ayant gardé dans ses prunelles d'or

Ce qui ne peut s'atteindre. Et la nuit continue,

 

Tout est pareil; j'entends les ruelles, là-bas;

Une fontaine pauvre au sanglot métallique;

Quelqu'un frappe et s'éloigne; une odeur de lilas

Et de raisins crevés s'échappe des boutiques;

 

Et l'odeur est si neuve, et si neuves les choses,

Qu'en maîtrisant l'espace entre mes doigts, je sens

Monter le jour. des fleurs ruissellent; j'ai leur sang

Sur mes mains, sur mes yeux, la chambre en devient rose

 

Et balbutie. On se croirait à quelques milles

D'un paradis perdu. c'est bon jusqu'à pleurer

Comme la chienne, au loin. Et, debout, immobile,

J'ai salué la tombe où je venais d'entrer.

 

Alger.

 

 

 

Le kif

 

Petite chose arabe et qui brûle cœur
Sans tqu'on s'aperçoive, hallucinant parfum,

Clavier des soirs perdus, hymne de la douceur,

     Que peux-tu contenir pour que chacun,

 

             Parmi les plus subtils,

S''agenouille vers toi en baisant ta fumée?

Voluptueux servage où la chair, semble-t-il,

S'allège et vient mourir, où des voix bien-aimées

 

     Propagent leur puissance.
Et revoici, dans ton intégrité, l'oubli.
        Aveuglés de silence,
Nous franchissons le soir et demeurons blottis

           Contre l'éternité. 

 

 

 

  

Mon lit est chaud comme une rose...

 

Entre. Mon lit est chaud comme une rose.
L'ombre a baissé les yeux; une odeur de mosquée

S'étire entre mes seins. J'ai remis toutes choses
À leur place éphémère et, les ayant masquées,

 

Leur ayant, goutte à goutte, infusé notre sang,

Les ayant fait s'agenouiller, demander grâce,

Et s'abstenir de tout serment, j'ai mis ma face

Contre le soir, j'ai détaché ce qui descend

 

De l'heure, et me voici. Que la chambre ait un cœur

Et batte. Quant à nous, nous userons du ciel
Avec un rythme égal, un peu surnaturel,
Comme il convient à deux amants drapés de pleurs.

 

Entre, j'ai préparé la nuit comme un berceau.

La cigogne, ma soeur, est debout vers la porte;

La volupté respire et nos corps sont si beaux

Que l'on croirait entrer dans une ville morte. 

 

A l'immobilité, joignons le cri farouche

Des bêtes en gésine. Hâtons-nous, hâtons-nous

D'étreindre ce qui passe! Et, jetant sur ma couche

              Ta crinière de loup,

 

Ton masque de soldat et mon manteau de fée,

Soyons ceux-là qui s'en reviennent, n'ayant rien

Qu'une outre de soleil et des clameurs de chien,

Et qui saluent la mort du bleu de leur épée.

 

 

 

La sorcière arabe

 

Cravachant jusqu'aux nerfs ma volonté rebelle,
Je me suis arrêtée en face de ses yeux.
Sa robe de broussaille était chaude et bien telle
Qu'aux premiers jours du monde. Et ce fut, sous les cieux,

 

La demande rapide et le jeu qui s'écarte
Pour qu'un bonheur s'inscrive en marge du destin.

"Dame... Valet de cœur..." O mirage enfantin!

L'illusion rôdait comme une fille en carte.

 

La mâchoire tendue et les coudes au corps,
La curiosité parcourant mes vertèbres,
J'ai fait halte en mon cœur pour y puiser encor.

L'amour! Le jeu parlait plus haut que les ténèbres.

 

Et, sur le tertre jaune en forme de couvercle,
Au milieu des haillons et des astres, le sort,

S'adjoignant pour complice une louve aux yeux d'or,

Me condamnait à vivre. Ai-je brisé le cercle,

 

Et sous l'oreille des vautours et des sables géants,

Par trois fois fustigeant les cartes de vipère,
Toute larme dehors et les cheveux au vent,
Ai-je défié Dieu? Réponds-moi, ô sorcière.

 

Quand les bergers du Sud arrêtent leurs troupeaux

Vers la hutte de pierre où danse la carcasse,

Après avoir semé des larmes sur leur peau,
Leur lances-tu au cœur les roses de l'espace?

 

Eux s'en retourneront comme ils étaient venus,

Du silence au poitrail et cheminant par file,

Le soir sera semblable et leurs pleurs immobiles,

Le sable engloutira leurs os sans rien de plus.

 

Mais moi qui porte au front toute ma solitude,
Moi qui chemine en plein minuit, le ciel au dos,

Sans chien de garde et sans berger, moi, l'être rude,

Me sera-t-il donné d'étreindre mon berceau?

 

Réponds-moi, ô sorcière. En emmêlant les cartes

N'as-tu pas vu surgir un être en manteau blanc?

Indique-lui ma route avant qu'il ne reparte:
Tu le reconnaîtras à ses bijoux d'enfant.

 

Deux mèches de brebis entourent ses poignets,

A son cou juste un fil et des fleurs de grenade,

Un duvet de jasmin l'enveloppe; on dirait
Une perle qui bouge, un parfum qui s'évade.

 

Franchirai-je le soir ainsi qu'un lévrier
Et, découvrant le gîte où tournent ses colombes,

Arriverai-je à temps pour jeter à ses pieds
Tout l'amour de mon cœur? J'arrive, un voile tombe,

 

Et mes yeux ont surgi. Tu les bois, comme on boit

Une source qui danse et, sifflant tes esclaves,

Tu chancelles d'orgueil. Et la nuit est sans voix.

Alors, brisant le cercle où la lune s'enclave,

 

Le jet d'eau ressuscité. Et, presque à fleur du sol,

Comme une goutte bleue, un oiseau de légende

Sanglote à petits coups. La nuit reprend son vol.

Mais quel songe s'achève ah! que nul ne l'entende! 

 

***

 

Si le hasard ou Dieu, usant d'un même droit,

Avait mis en présence, au coeur d'un soir biblique,

Ta jeunesse et mes pleurs? Si, pour toute réplique,

Nous nous étions courbés en emmêlant nos doigts?

 

Sur le pavé moresque, où des roses crépitent,

Dans l'angle, où nos deux fronts se rejoignent encor,

Le temps a dû frôler de ses babouches d'or

Cette heure sans limite.

 

Et j'interroge en vain le sable des années.

De soleil en soleil remontant les saisons,

Je me revois, buvant aux ruelles fanées

Ce ciel qui m'enveloppe. Ai-je donc sans raison

 

Poursuivi la douceur qui tombe des terrassooes,

L'appel strident du soir au fond des oasis?

Sur quel tapis de roi ai-je enlacé l'espace

Tandis que je dormais dans mon manteau ibis?

 

Allons, lance à ma suite, à travers les broussailles,

Ton chien de l'autre hiver et ton troupeau géant;

Nous nous reconnaîtrons, sois-en sûr, car ton sang

Coule à même mon coeur et brûle mes entrailles.

 

De désert en désert conduirai-je tes boeufs,

Et , secouant l'odeur des plaines et des fleuves,

Ayant franchi le sable où mon passé s'abreuve,

Dresserai-je ma tente à l'ombre de tes yeux?

 

Nédromah.

 

 

 

 

La mosquée verte

 

La coupole, un jour vert, une odeur de santal,

Et le jet d'eau, commeun corps nu,

Une prière molle, au feuillage têtu,

Montant et descendant dans un sanglot total.

 

La fraîcheur des burnous et le vol des syllabes

Entrechoquant leurs ailes;

Les voûtes d'un jardin lourdes de tourterelles,

La chaleur piaffant comme un cheval arabe.

 

Nulle abeille. Midi sous son peplum orange.

Une ville qui broute et s'endort sur des marches,

Sous son manteau d'alfa un ciel à face d'ange,

Et des femmes offrant leur sexe sous des arches.

 

Ma bouche orientale, au sourire persan,

S'amusait à les suivre et scandait leurs accords;

Les cheveux déployés, des roses dans le sang,

J'ai maintenu le ciel qui chantait sur mon corps.

 

L'apaisement d'un tigre aux mâchoires fumantes,

La brousse, le mirage, un claquement d'air chaud,

L'immobilité nette. Et là, contre ma peau,

Quelque chose de triste et qui chante... qui chante...

 

Brousse.

 

 

 

Il est écrit...

 

On lui peindra les yeux, pour qu'ils soient plus immenses

Que cette nuit d'Afrique. Une chèvre aux poils blancs

Assouvira sa soif. Des musiques de France

Lui feront un collier. Dès son premier printemps

 

Il connaîtra le soir, le silence et la mer.

Et si l'ombre et l'espace, en emboîtant leurs ailes,

Ne lui suffisent pas, s'il lui faut le désert,

Les racines du Sud lui tendront leurs mamelles.

 

Il connaîtra le goût de sable et de mystère

Que le soleil charrie en poussant ses troupeaux;

N'ayant qu'une montagne triste pour berceau,

La fécondera-t-il de toutes ses artères?

 

De solitude en solitude, ayant atteint

Le palais du Mirage où la douleur déferle,

Il chantera comme il respire, et ses matins

Se dresseront vers Dieu ainsi qu'un bloc de perles.

 

 

 

A une femme se rendant au marabout

 

Ecoute bien le mort. prends ce panier de figues,

          Un peu d'eau fraîche, et va.

Le marabout a faim et soif. Que sa fatigue

          Soit légère! Tes bras

 

Seront chargés d'odeurs; tu remueras ton ventre

          Comme font les chevraux;

Allonge bien tes yeux. fixe la porte et entre:

          Couvert de sable chaud.

 

De myrrhe et de jasmin, le marabout repose,

          Et son squelette étroit,

Que veillent nuit et jour treize colombes roses,

          Semble lever les doigts

 

Vers la fumée, où tourne un golfe de bougies.

          D'imposibles soleils

Ont fait un mur de chaux aux étoffes. Tout plie

          Devant ce bleu sommeil.

 

Les fontaines d'Allah n'ont pas d'écho plus sourd

          Que ces piliers de terre;

Seul, un roucoulement aveugle fait le tour

          Du cercueil millénaire.

 

Sur un trépied de nacre, au dessin minuscule,

          Les versets du Koran.

Le jour, sept fois léger,pique ses libellules

          Sur le papier safran.

 

 

Une humidité vierge enveloppe la tombe;

          L'heure du marabout!

La prière du Sud, comme un jet d'eau, retombe;

          L'Afrique est à genoux

 

Aux pieds du muezzin. Et l'envol est si pur,

          L'appel est si vivace,

Que l'Arabe qui prie et le mort qui dépasse

          Ont écarté les murs.

 

Des touffes de sanglots retombent sur les dalles,

Ca tape sous  la voûte avec l'odeur des nuits;

Un mélange d'alfa, de mouches, de pétales

Monte du sol cassé. Et des lambeaux de puits

 

Ressuscitent. l'eau saute, éclaboussant le mort,

Déchirant fleur à fleur la chaîne des ténèbres;

Magnolia géant qui perce les ténèbres,

Allah jette du ciel sur le couvercle d'or

 

Et le fumier des soirs s'amoncelle et palpite.

J'entends comme un clavier qui bouge au fond de moi;

             Mais jouez donc plus vite!

Les tempes d'un cercueil battent entre mes doigts.

 

Marabout de Sidi-Bou-Médine.

 

 

 

Un portique et une esclave noire

 

           Au pays des Souks

           Et des vasques pures,

Dans une ruelle aux senteurs de bouc,

Parmi la pierraille et des épluchures.

 

J'ai vu un portique et une esclave noire.

 

J'avais une rose, et pour cette rose

Le portique s'est ouvert soudain;

Des enfants dansaient autour d'un jardin,

La cour était nue et les chambres closes.

 

J'ai vu le jet d'eau où l'oiseau vient boire,

Le jasmin géant, les citernes d'or,

           L'arbre, j'ai vu l'arbre

Millénaire, dont le charme endort,

Et qui boit le coeur des maisons de marbre.

 

Et j'ai chanté pour lui ma chanson étouffée

           Aux pleurs impérissables;

C'était l'heure où notre âme a sa robe de fée

           Et son manteau de sable.

 

Un immobile amour allant jusqu'aux racines

           Enveloppait la terre,

Et j'étais là, devant cette chose divine:

La colombe et la fleur échangeant leur lumière.

 

Oudjda.

 

 

 

Le vieillard au jasmin

 

          L'homme est aveugle et blanc.

Son dos maigre a gardé sa courbe de misère.

Nul bâton. Mains de Christ ou de petit enfant

Elevant un rameau tout criblé de lumière;

 

Car l'homme, avant d'errer dans les ruelles mortes,

         Où sont les filles à vingt sous,

S'en va vers le jardin aux mille et une portes

Où le jasmin est roi, et, cueillant ses bijoux,

 

S'en faisant des colliers, s'achemine là-bas

Vers le caouadji borgne où les matrones rouges

S'accouplent aux marins, où les ruelles bougent,

Où les maisons se font des gestes de Casbah,

 

Et, mêlé à l'odeur de musc et de santal,

Pataugeant dans le bleu humide des ruelles,

L'homme au jasmin, d'un geste oriental,

Effeuille ses colliers dans la nuit irréelle.

 

La Casbah, Alger.

 

 

 

Lalla Marhnia

 

Auberge du soleil et carrefour des coqus,

Vieil asile d'amour où se heurte et s'accouple

La bande de misère arrachée au Maroc

Et qui rit sans savoir sous ses vêtements souples.

 

Ciel béant assourdi par les eucalyptus;

Silence en fusion coupé par les sloughis;

Fourmillement crasseux, lèpre du paradis,

Tout se mêle et fermente, offrant ses détritus

             Et ses voiles pourris

             Au hammam qui s'éveille.

 

Et, parmi l'eau dorée et les citrons épars,

Troupeau que le vent chasse et qu'un rien émerveille,

Ceux du Sud, étirant leurs corps de léopards,

Mordent à pleines dents dans un gâteau d'abeilles.

 

 

 

Une diffa

 

Le mouton a gardé sa toison de prophète

Et saigne lourdement sur le sable qui fume.

Un bourdonnement jaune enveloppe la bête,

Le ventre est comme une outre où du soleil écume.

 

Ca sent le musc et les entrailles;

Mais, bientôt, partageant le spasme de la brousse,

Le feu viendra lécher, par petites secousses,

         Cette peau qui s'éraille.

 

Deux Arabes, vêtus de laine et de parfums,

Serviront, sur un lit de feuilles, près du puits,

         Le mouton légendaire,

Se réservant l'honneur accordé à chacun

D'apporter au Seigneur des mille et une nuits

 

          Ce mets lourd de rayons.

Et ce sera vraiment, sous les cieux en poussière,

          Un repas de lion.

Car, pour fêter l'enfant à sa septième aurore,

Le caïd a rouvert ses jardins de Sion.

 

On se groupe. La bête est là, fumante encore:

Des mâchoires, des dents à la chair accrochées,

Des os qui craquent, des sons rauques, un chant gras

           Où des abeilles sont collées.

 

Mais l'aiguière d'or circule entre les plats;

L'eau du bassin retombe en gouttelettes roses,

Et les longs doigts, les doigts parfaits,

Touchent avec lenteur le voile qui repose.

 

Le festin continue; une mauresque chante;

Des monceaux de couscous s'engouffrent sous un dais.

         Des bourrasques du soleil

Et des entonnoirs d'ombre où la sueur fermente.

La joie a déployé les ailes du sommeil,

 

Et, sur un air macabre, aux voyelles têtues,

Debout, formant un angle où la lumière cogne,

L'adieu du jour: le muezzin et la cigogne

          Sur une ville qui s'est tue.

 

Lalla-Margnia.

 

 

 

Misserghin

 

Jardins de moines et de paons,

Interminable ciel où la chaleur écume,

          Et, vous enveloppant,

Fait affluer au coeur le sang qu'elle parfume.

 

Halte du muezzin et golfe des oranges,

Misserghin! est-ce toi qui trembles sur mes lèvres,

         Ou ce soleil étrange,

Lourd de musc arraché au ventre de tes chèvres?

 

J'ai pris entre mes doigts, comme une fleur velue,

         Un peu de terre,

         Et, la poitrine nue,

J'ai secoué le jour, ainsi qu'une crinière.

 

Les arbres s'enlaçaient à moi comme des bouches,

Et les rameaux géants, sous ma force asservis,

    Me déchiraient la chair. ce fut le cri

             Que la lumière touche,

 

L'hosannah du Mirage et le dédale immense

      Où s'enchevêtre la pensée;

            En face du silence,

            Je me suis redressée!

 

Mon corps avait un goût de soleil et d'encens;

J'ai bu les arbres, j'ai bu la terre, j'ai bu

        Jusqu'à crier et, franchissant

        Mon rêve, j'ai dû fuir, j'ai dû...

 

 

 

Le magnolia

 

Etouffant dans sa gaine et portant dans ses flancs

La lumière arrachée à l'espace,

Il va, crevant l'azur de son front qui dépasse

Et sur ses lèvres de géant

 

Faisant bourdonner l'ombre, attend pour éclater

Que le jardin ait son manteau d'agha,

Et que les fleurs qui rampent vers ses pas

Voluptueusement étreignent sa clarté.

 

Il connaîtra le goût de larmes et d'embrun

Où mon désir s'allaite, et, du pôle aux racines,

S'étant désaltéré à ma terre divine,

Emplira jusqu'aux bords mes outres de parfums.

 

Cristel.

 

 

 

Un café maure

 

Clef d'or qu'un dieu jeta dans les décombres

           Et qui m'ouvrit le soir.

Revoici les coussins, la lampe, le miroir,

Et le divan frileux que le silence encombre.

 

Savoure avec lenteur le breuvage parfait.

Nos corps drapés de myrrhe ont la splendeur de l'ombre;

Le chant du muezzin, dont le bleu s'étouffait,

           Monte comme un jet d'eau:

 

Laisse ouverte la porte et que sa voix chancelle

               Comme un berceau.

                    Je suis celle

Qui pleure et qui renaît, car semblable au vaisseau

Que l'infini balance, ayant croisé mes ailes,

 

Je tangue vers l'oubli. Que ces murs qui m'étreignent

Devienent l'oasis, que ce breuvage noir

             Sur le mensonge règne,

Puisque nous voilà seuls dans le soleil du soir.

 

Blidah.

 

 

 

Un hammam

 

Un jour dur. Midi cogne au sommet dess ruelles,

             Déchirant le ventre

      Des boutiques, coupant les ailes

Des mosquées. Deux marches bleues. J'entre.

 

Les murs crépitent sous mes doigts;

Des écorces de fleurs tremblent entre les dalles;

A grosses gouttes l'ombre, en retombant, vous boit.

           Et, brisant ses pétales,

 

Eclaboussant de ciel le portrait entrouvert,

Le hammam a surgi entre ses piliers verts.

 

Des croûtes de soleil ont rongé les murailles;

J'avance, en trébuchant, vers un jardin d'eau vive,

A travers la buée où le silence baille.

      Et la splendeur est si définitive

 

Avec ces hommes nus drapés dans leur lumière,

       Ces chapiteaux où de l'or a coulé,

Cette sueur de fête attachée à la pierre,

Qu'on regarde à genoux, d'un coeur immaculé,

Ce temple asiatique où ces dieux sont couchés.

 

Brousse.

 

 

 

Cristel

 

Presque rien: une source, de l'ombre,

       Un arabe et le ciel.

            Dominant ces décombres,

                Un village: Cristel.

 

Des gourbis blancs, des treilles,

        Un café maure

        Et des abeilles

Parmi le bleu sonore.

 

      Un chant. La mer, ou les roseaux?

      Ce sont des ailes de maïs;

Et la cigogne passe, et le calme est si chaud

Au de là du silence érigé comme un lys...

 

Pas de mosquée. Un marabout drapé de myrrhe,

     Un figuier pâle, une mauresque,

     Une prière qu'on déchire,

     Et le soleil, comme une fresque.

 

 

 

Ain-EL-Hout

 

               Des piliers blancs,

Un arbre, la mosquée, une cour. J'y suis presque.

Un soleil de sultan a nivelé la terre;

     L'ombre brûle. Je regarde. J'attends

La seconde où mon coeur mêlera sa lumière

             A ce bijou moresque.

 

Et la fontaine est là, dans sa gaine de pierre,

Avec son eau arabe et ses poissons sacrés.

Aïn-el-Hoût! Idris! est-ilvrai, est-il vrai

Qu'une princesse dort sous ces dalles légères?

 

La légende dit-elle à qui tu t'es donnée?

   Quelque maure aux yeux bleus sans doute?

Ce devait être ici, car la fontaine écoute;

Réponds-nous, grande fleur, ô belle impardonnée.

 

Portais-tu dans tes bras l'amphore du silence?

Tes pieds nus tremblaient-ils en effleurant le soir?

Je devine, en brisant cette eau comme un miroir,

La courbe de tes reins, cette chose qui danse.

 

    Pour moi, pour moi seule, entends-tu,

Tu remettras demain ta robe de gazelle,

             Et tes seins seront nus.

                    Je te veux belle,

Comme si tu marchais au-devant de la mort.

 

Je sellerai pour toi mon cheval le plus fier,

        J'aurai mes bottes de caïde

               Et ma cravache d'or.

Mon âme sera là dans un coffre de fer.

Et quand j'avancerai, serrant sous mon haïk

 

Mon couteau plein de sable et le coeur de ma mère,

Tu riras, je le veux, tu riras, m'entends-tu,

Afin que le silence et tout ce qui est tû

Me drapent à jamais dans leur manteau de terre.

 

 

 

Un bouge

 

J'entre. Une odeur de boue s'est collée à ma peau.

La fiente du désert est là, buvant le jour.

Des fruits mûrs ont crevé les couffins. Un troupeau

De femmes s'exaspère et scande, tour à tour,

 

La mélopée arabe et des airs de trottoir.

Un vent ivre a couché la table; les coussins

Maculés de goudron s'écrasent sous les seins

           Et les ventres s'étirent:

 

Le bouge a retrouvé sa lueur d'abattoir.

Je bois à petits coups le breuvage qui fume.

           La chambre a un sourire

           De fauve et s'accoutume

 

Au désarroi brutal qui la tient en éveil.

J'ai crispé mon regard sur une nuque d'homme;

Des senteurs de haschisch et de bête de somme

Se plaquaient sur sa face, écrasant du soleil,

 

           De la boue et des pleurs.

Par saccades, la rue accouplée à des chiennes;

La croûte des maisons qui baille; la chaleur

Du rut et ses hoquets et, pendu aux persiennes,

 

Entre une mouche verte et des colliers d'épices,

           Un ventre de mouton

           Dont les entrailles glissent

           Et qui saigne à tâtons.

 

 

 

Honaï

 

Sables bleus couronnant la crête du désert,

Chevelures du Sud où le soleil s'engouffre,

Dunes des pays noirs et des aigles de mer,

Honaï! mien jusqu'au coeur et mien jusqu'aux entrailles,

Pays dont j'ai baisé les portiques de souffre

Et qui garde, au sommet des soirs, comme une entaille,

                 Tout ce que j'ai rêvé.

 

Parfois, dans le silence et dans la plénitude,

Quand le passé ondule en moi comme une tombe,

Je regarde là-bas où le soleil retombe,

Et vers cet horizon dressant ma solitude,

N'ayant que le silence et les cieux pour flambeau,

Je drape autour de moi les pleurs de mon berceau.

 

Honaï

 

 

 

Mansourah

 

Des créneaux, une tour, la grand' plaine illusoire,

Quelque chose de blanc qui bouge et se rappelle,

Ville démantelée engloutie sous ses ailes,

Oasis des lions où le soleil vient boire...

 

Tlemcen

 

 

 

Ozidan

 

Frère d'Aïn-el-Hoût, n'ayant presque plus d'âge,

Avec je ne sais quoi d'infiniment berceur,

Ozidân! Paradis des vieillards et des fleurs,

Oasis du silence et jardin du mirage.

 

Je n'ai rien vu d'aussi fragile et d'aussi pur

Que ce village arabe: une source, des nattes

En soulignent l'entrée. Un homme au masque dur

Prépare avec lenteur un collier d'aromates.

 

Une odeur de soleil, de poivre et de café

             S'exaspère et vous berce.

Est-ce l'heur attendue? Où la main qui me verse

Le fin breuvage noir? Comme l'ombre a chanté!

 

Et les oiseaux du coeur se partagent leur proie.

L'un a baisé ma bouche et pique la fumée;

Un autre a replié ses ailes sur ma joie,

J'appartiens sans retour à l'heure bien-aimée.

 

 

 

Un figuier, la nuit...

 

La chose verte est là, avec ses feuilles chaudes.

                 Ca sent la terre.

       La plaine, une étoile qui rôde,

          Cet arbre et moi. J'adhère

 

           A lui, je bois sa force.

Le silence des fruits tombe. L'heure immobile.

On entendrait le coeur qui saigne sous l'écorce,

O prière de miel, petit oiseau des îles,

 

Souvenir de chez moi, comme vous sanglotez!

Et cependant j'enferme en vous tant de mensonge(s)!

L'arbre qui suit ma vie est là. J'ai pris la clef

Et me voici dans un jardin qui se prolonge.

 

Des musiques, de l'eau qui saute, une voix grêle,

Un clair de lune arabe où roulent des cailloux;

              T'étreindrai-je à genoux,

       Jet d'eau dont j'ai coupé les ailes?

 

 

 

Nedromah

 

                       Figuier mort

              Dont les racines craquent,

Marabout des oiseaux, vieux squelette de Pâques

Enchaîné sous le ciel. Jardin sans horizon

             Tout gonflé de fruits d'or

                Et qui sert de cloison

                      Au silence.

 

       Contre la terre, au-delà du village,

Quelque chose de gris creusé comme un visage:

                       Ma maison.

L'ombre a mangé le seuil et des pleurent se balancent

                   Entre les pierres.

 

Le petit mur arabe a gardé sa lumière,

Et les enfants d'ici se racontent tout bas,

             En ôtant leurs babouches,

Qu'il existe un jasmin sacré, que nul ne touche,

Et qui vers Dieu, le soir, semble lever les bras.

 

 

 

Notre maison, là-bas...

 

On pleure... on a pleuré... je suis sûre qu'on pleure

                          Là-bas...

     Notre maison, c'est elle, n'est-ce pas?

     La si blanche?Et pourtant tout demeure

 

                   Dans l'immobilité.

Comme je me souviens! comme tout ce qui bat

                 A l'air de m'écouter!

Il y avait nous deux, la terrasse et le ciel;

Notre chambre était là avec ses dessins bleus;

Le jet d'eau était mort, et le silence tel

 

Que nos coeurs s'arrêtaient de battre par instants.

Les secondes sifflaient au-dessus de nos têtes

Dans un poudroiement d'or, de jasmin et d'encens.

Esclaves du silence et de l'enchantement,

Nos corps s'étaient parés pour l'éternelle fête.

 

             Et ce fut là, vraiment,

Dans cette solitude indicible et sans dieux

Que se mit à chanter le plus miraculeux

         Amour. O fleuve de paresse!

 

Blottis contre le sable, enfonçant peu à peu

Dans je ne sais quelle ombre au feuillage émouvant,

Nous avons respiré, dans toute sa jeunesse,

               L'arbre de volupté.

 

 

Il n'est pas un parfum, il n'est pas une rose

Qui ne se soient donnés. Le coeur brûla sans cesse,

Illuminant l'abîme où nous devions entrer.

Si le temps, qu'on déchire à force de pleurer,

Se remettait à battre où ma maison repose,

Trouverai-je à genoux, à leur place ordinaire,

Les choses que j'aimais? Et je cherche à tâtons

              Sur le seuil de ma terre

Le squelette de l'arbre et l'odeur de citrons

Qui nous enveloppaient; ainsi qu'un mendiant

J'avance au fond des soirs, en accrochant mes mains

                 A des murs qui s'effritent.

Mes pleurs ont dû fermer la porte de jasmin.

                        Je n'entends

                        Que le vent,

                   Et la nuit bat si vite

Que j'ai senti bouger son coeur en m'appuyant.

 

Blidah.

 

 

 

Pour Cheriffa

Se rendant au tombeau de Sidi-Bou-Médine

 

Tu choisiras la rose entre toutes les roses,

Des siècles de parfum la feront reconnaître;

Mon coeur de l'autre année a dû fleurir, peut-être

Tu le découvriras parmi toutes les choses.

 

Cueille la fleur et redescends vers la mosquée.

La route est blanche et les cieux blancs;

Que tes voiles de lin soient imprégnés d'encens,

Ta robe sera d'or; tu resteras drapée

 

Dans ton haïk de neige;

Et, tenant d'une main la rose éblouissante,

Saluant par sept fois l'invisible cortège

Que t'enverra mon âme, offre au tombeau qui chante

L'aumône que voilà.

 

Tlemcen.

 

 

 

Tlemcen en plein midi

 

               Un soleil immobile,

         Des poussières d'alfa, une île

De silence et de poivre élargissant ses palmes,

Et, côte à côte, au creux des maisons calmes,

Des enfants accroupis léchant un gâteau d'huile.

 

Midi. Voici l'instant d'errer dans les écorces

Et les parfums, les reins creusés, blancs de fatigue,

Et l'on tangue, à travers des piments et des figues,

En écrasant Tlemcen contre sa chair. Sa force

 

Est d'être nue et bleue. On marche en la buvant

Comme certains ruisseaux que longent les gazelles;

A demi renversée et sa chemise au vent,

Des gouttes de soleil sur son ventre, elle est celle

 

Qu'on broie, et qui palpite, et ne se souvient guère.

Peti garçon du Sud ou princesse en haillons,

Elle est tout à la fois le cloaque éphémère

Et le jardin où l'âme a creusé son sillon.

 

Un invisible amour a brodé ses babouches;

Moite de souvenirs et de fumée, elle a

Sa robe de ruelle et son manteau d'agha.

Que lui importe l'heure? Une rose à la bouche

 

Et les versets du ciel contre son coeur, Tlemcen

S'offre en sourdine et passe. Une chanson mauresque,

Une voile, des colliers, presque un sourire, presque,

Et ma maison s'ouvrant ainsi qu'un cyclamen...

 

 

 

Aïnaly-Tchesmé

 

         Ce nom comme une abeille.

         Ah! dans mon coeur sonore

         Ces syllabes qui veillent,

         Enveloppant encore

Je ne sais quel amour inutile et vorace.

 

              Aïnaly-Tschesmé!

Ainsi qu'un chien perdu qui lècherait les traces,

         Je vais, les yeux fermés,

Rasant les murs et flairant les terrasses;

         Et tombant de tristesse,

En arrêt devant l'ombre où saigne sa maison,

Je fais semblant d'avoir ma laisse

            Pour cette illusion

De sentir une main s'appuyer sur ma chair.

 

        Aïnaly-Tchesmé! Etait-ce hier?

        Je ne sais plus. Ce silence est si sec

Qu'il me semble qu'un oiseau mort cogne du bec

Contre ma porte. Et pourtant nous étions là, là.

Et cette rue bougeait, le silence bougeait,

              Le ciel était si bas

              Que du bleu ruisselait

Sur nos mains, sur nos yeux, déchirant les boutiques,

              Eventrant les couffins,

Faisant sauter des mouches d'or sur les raisins

 

Et cela à travers une odeur indicible,

Une odeur comparable à ma terre d'Afrique,

Et cependant plus chaude et plus terrible,

Car, malgré son jasmin, son ambre et son encens,

Cette terre sent l'homme et vous brûle le sang.

 

Vois-tu, j'ai beau chercher au fond de ma mémoire,

Ressusciter ma vie et gratter sous la terre

Pour retrouver ton âme, un squelette en poussière

Est la seule réponse où mes jours viennent boire;

Attelant mon désir aux brancards du passé,

             Je laboure ma peine,

             Et les genoux cassés,

             Des pleurs jusqu'au poitrail,

Je regarde au sommet d'un vitrail

Une rose qui meurt et qui bat comme un chêne.

 

Constantinople.

 

 

 

L'oued

 

Deux traits de sable, un laurier-rose et des gazelles,

Une eau qui saute et s'apprivoise,

Jetant des étincelles

Et des éclats turquoise

Sur des cailloux.

 

Des enfants nus et des colliers d'oiseaux;

Une terrasse arabe avec sa buée rose,

Un jardin frêle et, sous

Des feuilles de maïs, contre des boucles d'eau,

Une mauresque qui repose.

 

Sidi-Yaya.

 

 

 

Un douar

 

Un chien jaune, un gourbi, la montagne et le vent...

Le silence a rongé la terre jusqu'aux os;

Par rafales le soir ramène les troupeaux;

               On se croirait au temps

    Biblique, avec cet homme et son manteau

         S'en revenant parmi les pierres

 

        Etoile maigre au bord de l'horizon,

Il va, scandant sa marche au rythme de ses bêtes,

                Et, serrant ses haillons

                      Sur son ventre,

faisant sauter de la lumière autour de lui,

                           Il entre,

Précédé du chien jaune et du vent qui halète.

 

La honte se referme et claque, d'un bruit sec:

               Un salut pastoral, avec

          Des mots grands comme Dieu;

La prière du soir tourne comme un phalène;

      Un corps souple accroupi près du feu,

Une odeur de hhenné, de couscous et de laine,

Des nattes, des tamis, des babouches qui traînent,

              Deux fronts contre la terre

              Et, nu, dans la poussière,

Un tout petit enfant parmi des chiffons bleus...

 

 

 

La rue des koulouglis

 

           Royaume des olives

                Et du miel,

Encorbeillement jaune où la rue qui salive

    A pris des teintes d'outre-ciel.

Basilic et jasmin, tomates et concombres,

             S'enchevêtrant

     Parmi des lambeaux d'ombre

              Et de piments.

 

Machoires de mouton et crinières de bouc

          Dans une odeur de suif,

                   De souk,

            De gâteaux juifs

 

Et de hammam. Et, du soleil entre les dents,

Un burnous en haillons sur ses reins de panthère,

Blidah, fille du Sud, rose du Ramadan,

Debout, comme une idole, en face de ma terre.

 

Blidah.

 

 

 

Un cimetière arabe

 

          Là-bas, contre ma terre,

          En face du ciel blanc,

    Juxtaposé comme un nid d'aigle

Au sommet de la ville, un cimetière

              S'enveloppant

      Dans un manteau de seigle.

D'un bleu phosphoresent la tombe où je m'appuie;

Une main de Fatmah avec des ongles d'or;

Un trou pour les oiseaux et des gouttes de pluie

            Pour que le mort

          Etendu sur la pierre

          Puisse toucher encor

Aux racines du ciel et coudre à sa prière

          Un rameau d'amandier.

 

Car les arbres, ici, ont l'air de supplier.

La terre sous mes pas rend un son plus divin;

Chaque tombe est un nid que le printemps flagelle,

Et, quand l'oubli chemine aux pentes des ravins,

           Venant brouter les tombes,

Les amandiers laissent traîner leurs ailes,

           Et ces fleurs qui retombent

Chantent comme un verset, faisant du cimetière

Une immense oasis où coulent des prières.

 

 

 

Immobilité

 

D'un bleu sourd, cette nuit. Et cet appel tenace,

Lévriers du silence ou hauts-bergers du soir?

Les étoiles du Sud ont maintenu l'espace

          Et, brisant leur fermoir,

 

Roulent parmi le sable, et le sable étincelle

Et chante. Voici l'heure entre toutes: l'oubli

Fume; des grappes d'ombre ont creusé leur abri;

Toute ma terre est là sur ma poitrine, belle

 

            Comme un fruit noir.

Un invisible amour a renversé ma tête;

Des vagues de parfums enveloppent le soir...

                  O volupté

Que ne gouverne plus la chair, et qui s'allaite

A cet océan blanc qu'est l'immobilité!

 

Rachgoun.

 

 

 

Oudjda

 

Fille à vingt sous aux mamelles qui bougent

Et qui porte, accrochée à ses guenilles rouges,

                  La lèpre du désert,

Halte des trépassés, grand squelette aux yeux verts,

Mêlant son rire énorme au silence des bouges.

 

             Saisissant Dieu par la racine

Et lui crachant au coeur, savourant sans mélange,

       Le plaisir dérobé à l'absinthe divine,

Oudjda a maintenu sous sa carrure d'ange

              Tout un peuple en famine.

 

Et dans la pâmoison des ventres et des croupes,

Dans l'odeur de chien mort que le pavé soulève,

Le soir, avec lenteur, amarre ses chaloupes

            Aux sept portes du rêve.

 

 

 

Un berger du Sud

 

L'homme a poussé son troupeau vers le Sud. J'ai dit:

"Conduis-moi vers l'Oued, mon âme a soif." Alors,

Renversant à mes pieds des couffins de fruits morts,

Eloignant de ma lèvre une eau de paradis,

 

L'homme a fixé le sable et, d'une voix cassée,

Par sept fois pronnonçant les paroles bibliques,

A repris gravement sa marche cadencée.

Le silence, effleurant sas prunelles obliques,

 

           Emporta ses syllabes

Je me retrouvai seule en face de la nuit.

Une odeur de broussaille et de gourbi arabe

     Emplissait le soir rude. Oh! ce bruit

 

          On ne sait d'où venu,

Respiration lente et chaude d'une bête,

          Souffle de l'inconnu,

Coursier ferré de lune, ayant, comme un squelette,

Des larmes sur les os, coursier que nul n'arrête,

 

Echo de ce qui pleur et n'a jamais été,

         Et dont les battements

         Sourds et précipités

Ne sont qu'une réponse et qu'un hymne au néant...

 

 

 

Lalla-Setti

 

Je prendrai un agneau fraîchement égorgé

Et, le chargeant sur mes épaules, je suivrai

Le chemin qui conduit au sépulcre. Mes femmes

Auront des colliers d'ambre et des babouches noires;

Un éphèbe au corps souple et au peplum de flamme

Marchera devant moi, portant dans un ciboire

             Les sept parfums sacrés.

 

Chaque esclave tendra son corps comme un serpent;

Debout sur la montagne et les enveloppant,

Ayant déployé l'heure au-dessus de leur tête,

                    J'ordonnerai

De poser en silence au pied du marabout

                L'étroite cassolette

                Contenant mon offrande,

Et mon coeur chantera sans que nul ne l'entende,

                Nul, hormis le hibou,

 

La cigogne et le vent, et ce cercle de pierres

Qui furent ton berceau, Sainte Lalla-Setti.

Et toi-même, voyant venir dans la poussière

Celle des grands chemins, tenant comme un petit

               L'agneau pris à la terre,

                 Invoqueras Idris

               Et l'ombre des Fellah,

Pour que ma chair enfante un fils

Aussi beau que la mort et aussi grand qu'Allah.

 

Marabout de Lalla-Setti, Tlemcen.

 

 

 

Pour Isabelle Eberhardt

 

Le cimetière d'Aïn-Seffra

 

Le front tourné vers l'Orient, tenant encor

Des mèches de soleil et des lambeaux de sable,

                      Elle dort.

Rien ne saurait briser la courbe imprérissable

 

D'un tel rêve. Une pierre et un nom.

         Syllabe par syllabe

         J'appelle et me réponds,

Ne voulant pas troubler le grand silence arabe

         Qui monte de la terre.

 

           Amant de la lumière,

Eperonnant le vide et maintenant l'espace

           Sous ses étriers d'or,

                  Elle passe.

 

Le burnous qui la drape et qui baise son corps

      Est blanc. Des siècles de poussière

                   La cernent;

Prophète du désert et de l'éternité,

               Portant en berne

     Le bonheur et, vers sa nudité

Faisant tournoyer Dieu, elle attendra l'instant

            Réservé à tout être,

Et, saluant la mort, avant de disparaître,

Etanchera sa soif aux sources de l'oubli.

 

               Le désert! ô néant!

               Tabernacle du coeur,

               Seul lieu où la douleur

               A pu creuser son lit

Pour que l'homme à jamais puisse y verser des pleurs.

 

Etre soi-même l'horizon et d'un coup d'ailes

          Franchir tout ce qui ment,

Apercevoir, de loin, l'oasis éternelle,

S'arrêter sur le seuil voluptueusement

                   Et repartir!

        Serions-nous donc semblables

     A ces oiseaux du Sud dont l'aile cogne

Au sommet du mirage?Ah! pouvoir atterrir

            Au pays des cigognes

Et mourir de silence en regardant le sable!

 

Aïn-Seffra

 

 

 

Pour la même

 

Comme toi j'ai franchi d'un bond ma destinée,

Rassasiant ma soif et mon désir d'amour

A ce même horizon. Et, fixant tour à tour,

        Dans leur course effrénée,

Le silence et le sable, il m'a suffi d'un jour

 

Pour comprendre à jamais la splendeur du néant.

Mon coeur d'homme a battu plus haut que les ténèbres,

Le soir devint ma proie et l'oubli fut si grand

Que j'ai senti des pleurs secouer mes vertèbres.

 

Comme toi j'ai dompté mon âme et, cravachant

Mon rêve, j'ai conquis, de par ma volonté,

La force que voilà. Qu'importe le printemps?

Je resterai debout, face à l'éternité,

 

Avec la certitude exacte que la mort

Ne pourra pas m'atteindre, ayant depuis toujours,

Dressé vers l'infini, comme unelampe d'or,

        Mon coeur de chaque jour.

 

 

 

La halte

 

Encore un jour. De caravane en caravane

Franchirons-nous la vie? Au silence du coeur

Mêlerons-nous le chant des tristesses persanes?

Les déserts parcourus et leurs vasques d'odeurs

 

Tourneront-ils sans fin sous nos yeux sans limite?

Ouvriers du pain noir, aux mâchoires de loup,

Claquerons-nous des dents sous nos manteaux d'ermite?

Où faudra-t-il vers Dieu s'arrêter tout à coup?

 

Ayez pitié de moi, broussailles. Qu'on achève

Ce qui bat dans ma poitrine. Seigneur, ôtez

Ce caillot de ma gorge et laissez-moi crier.

Au nom du soir et des êtres seuls, que mon rêve

 

Soit sanctifié! Seigneur, accordez-moi la grâce

De puiser en mon coeur l'ivresse du pardon

Et, promenant mes doigts sur le clavier des fronts,

Délivrez-moi des pleurs qui saignent sur ma face!

 

 

 

Les colombes

 

Ma maison sera blanche et blanches mes colombes.

Le jet d'eau redira l'éternelle syllabe;

On entendra le vent comme sur une tombe;

    Ce sera tout. Mon coeur et le jasmin arabe

 

Frémiront dans la nuit, et je ne saurai rien,

Pas même si l'absence a soulevé la porte,

Si la voix qui n'est plus m'appelle, si mon chien

         Pleure et si ma mère est morte.

 

            Rien, je n'entendrai rien

Qu'un roucoulement triste et grand comme la terre.

Enchaînée à ce sol, rivée à ma prière,

J'étoufferai mes pleurs et le soir sera mien,

 

Mien comme ces baisers qu'on garde et qu'on verrouille,

                  Qui palpitent encore

              En traînant leur dépouille,

Et dont les battements sont le soleil des morts.

 

 

 

Andante

 

Où donc ce plein minuit et ces étoffes saoules,

Ce déjà-vu rôdant comme un chacal? où donc

Ces flaques de silence et ces larmes de fond?

De mes très vieux bonheurs est-ce le sang qui coule?

 

Et j'ai fixé la lampe où s'abritaient mes pleurs;

Des visages de neige et des corps de madone

S'amusaient à mourir dans la fumée en fleur.

L'homme buvait le soir comme un vin monotone,

 

La musique des yeux en était à l'andante,

Et je suivais du coeur et d'un geste dément

Le fantomal amour sur mes lèvres qui mentent;

Le squelette buvait mes larmes sur leurs dents.

 

Et ses bras, haut dressés vers les choses qui passent,

Rendaient un son semblable à ces harmonicas

Qui pleurent vers l'enfance. Une odeur de lilas,

De musc et de salive élargissait l'espace.

 

Je me souviens. J'entends. Je bois à même l'ombre

Ce qui reste de moi sur ces coussins brisés;

Ainsi qu'un matelot, que la tristesse encombre,

Je titube en sifflant, les yeux lourds de baisers.

 

Mes mille et une nuits, en entr'ouvrant ma robe,

Ont fait danser ma gorge ainsi qu'un oiseau blanc.

J'ai des chaleurs de bête et des rires d'enfant

Lorsque ma nudité sous mes doigts se dérobe.

 

 

La lampe orientale et son parfum boiteux,

Ce vague aspect de bouge où la douleur s'éraille,

Tout cela m'a fait croire... et j'ai fermé les yeux,

Voulant boire le ciel qui tombe des murailles.

 

                        ***

 

Femme, voici l'instant où le silence bouge;

Mesure ta douceur à son éternité.

Si l'oubli, fustigeant tout ce qui a été,

Monte en spirales d'or vers ta face de gouge;

 

Si la chambre s'étoile à force de pleurer,

Et sur ses genoux morts laisse rouler nos têtes,

C'est qu'il n'est rien de pire. Un dieu pourrait entrer,

Je convierais son âme à ce festin de bêtes.

 

Car au sommet des soirs et des accouplements,

Dans la fumée énorme où le passé respire,

Quelque chose de nous, et j'ai bien dit, la pire,

S'abat comme un vautour sur le plaisir qui ment.

 

Fous d'immobilité, gardant sous nos paupières

Des lambeaux de silence et de renoncement,

Nous revoici pareils à ces sables mouvants

Que le mirage endort. Aveuglés de poussière,

 

Nous franchissons l'étape. Et, des pleurs jusqu'aux os,

Voluptueusement, comme il convient aux nôtres,

Après l'hymen de chair et son denier aux pauvres,

Nous respirons la nuit où planent nos berceaux.



29/05/2013
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