Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Dromart (Marie-Louise) 1880-1937

Marie-Louise Dromart

1880-1937

 

 

 

 

Photographie empruntée au site "Toujoursla.com" 

 

lire sa biographie sur le site "Toujoursla.com" 

qui lui est consacré

 


 

Académie des Jeux Floraux 1928, p. 49

(Gallica)

 

 

 Le cortège des mois

 

 

                           dans l’ombre

Une main de lumière, a pris ma main

Albert Samain

 

 Janvier

 

Coiffé d’une toque de neige,

Vêtu d’un manteau de brouillards,

Des douze mois aux douze chars,

J’ouvre et rajeunis le cortège.

 

“Que Dieu, Madame, vous protège

Et préserve des faux départs

Les voeux qui hantent vos regards,

Fortune, gloire, amour..., que sais-je!...

 

“ Rien n’est plus charmant que l’espoir!...

Daignez choisir, dans mon drageoir!...

De givre, un grain de bonheur rose;

 

“Et puissent, dans six jours..., vos doigts

Tendre au vieux vagabond Nivôse

Une part du gâteau des rois!”

 

 

Février

 

L’Heure a le néant pour époux,

La vie avec la mort voisine.

Pour l’oublier, déguisez-vous,

Braves gens que l’angoisse mine!

 

Soumets-les tous, sages et fous,

A tes serpentins, Colombine!...

Et toi, pauvre Pierrot, jaloux

D’Arlequin, prends ta mandoline!

 

Mon char se nomme illusion:

Suivez-le, dans le tourbillon

Des confettis aux ruses tendres.

 

Vivent Plaute, Erasme et Musset!

Riez jusqu’aux larmes..., car c’est

Demain le Mercredi des cendres.

 

 

Mars

 

Tu dis - en levant ta frimousse

Vers le ciel où point, ô bonheur!

Un petit rayon ricaneur:

“Dois-je prendre ou non, mon tom-pouce?”

 

- Yes!... et prête-le, ma très-douce,

A mes jeux de tambourineur,

Le soleil luit..., mais j’ai l’honneur

D’effaroucher qui m’éclabousse!

 

Archers tendres et belliqueux,

Mes jours font renaître avec eux

L’imprévu, le caprice... et même

 

La grêle d’or, sur ton missel,

D’un cinglant sermon de carême,

Pour quelque péché véniel!...

 

 

Avril

 

Debout, bel Eros engourdi!...

Et veuille, au sortir de ton rêve, 

T’éblouir du jardin qui lève

Et du buisson qui reverdit.

 

Quel plus doux “conte du Lundi”

Que, de la montagne à la grève,

La fête immense de la sève,

Dont l’hymne s’enfle et m’étourdit?

 

Mais il n’est pas que l’allégresse

D’un frisson cher à ton ivresse,

Jeune païen, dans mon réveil;

 

Reconnais ton Maître en cet homme:

Christ ressuscite!... et, los vermeil,

Les cloches reviennent de Rome.

 

 

Mai  

 

Parce que je porte en mes doigts

La gerbe suave et fleurie

De mon âme offerte à Marie,

Je suis le plus chaste des mois.

 

Montrez-moi moins fol que courtois,

Profane amour, je vous en prie:

Il me déplaît qu’on se marie

Lorsqu’à la Vierge je me dois.

 

Or, c’est seulement le cortège

Des communiantes de neige

Que bénit son geste embaumé,

 

A lheure où mon chant rempli d’Elle

Voue à la première hirondelle

Mes petites roses de Mai.

 

 

Juin

 

Hôte des muses bocagères

Et de la belle-au-bois dormant,

Je ressemble au Prince charmant

Qui fait soupirer les bergères.

 

Au souffle des brises légères,

La rose de mon coeur d’amant

S’empourpre et brûle... en parfumant

Mon pourpoint tissé de fougères.

 

Ivre alors des sucs que je bois

A même la fraise des bois,

J’emprunte les ailes de l’ode

 

Pour cueillir à Mimi Pinson

Au cerisier de ma chanson,

Des pendants toujours à la mode.

 

 

Juillet

 

Je suis le moissonneur dressé

Dans la houle auguste et profonde

Du blé qu’un noble effort féconde

Et que mon souffle a traversé.

 

Mes champs sont beaux... l’astre a tissé

Sur eux l’or dont la flamme inonde

Et réchauffe le coeur du monde

Qui, sans elle, eût déjà cessé!...

 

Je peine dur, mais je m’enivre

De voir la gerbe qui fait vivre

Resplendir sous le ciel en feu.

 

Le Verbe enchante l’oeuvre, et j’aime

Mes épis où le Fils de Dieu

A mis le meilleur de lui-même.

 

 

Août

 

Le val, la montagne ou la plage?

Qu’importe à mon vertige heureux!...

En glanant des refrains pour eux,

A mes oiseaux j’ouvre la cage.

 

De mon insouciant visage,

Qui ne serait pas amoureux?

Tuteur prodigue ou songe-creux,

Je flâne, folâtre et voyage!...

 

Pour les gavroches de Paris,

Au Luxembourg, à Montsouris,

J’ai ma flotille et, sur la butte,

 

Bohême captif d’un rayon,

Je peins, sans qu’un sot la discute,

Une suave Assomption.

 

 

Septembre

 

Un long bourdonnement d’abeilles,

Dont l’hymne en mes veines descend,

Hante les gouttes de mon sang,

Aux pleurs de la vigne pareilles.

 

Préparons ciseaux et corbeilles!

Bacchus, par les chemins dansant,

A mis, pour m’en faire présent,

Des pampres d’or à ses oreilles.

 

Il titube!... et je lui souris,

Sachant le lyrisme et le prix

Du nectar cher à sa démence,

 

Et qui lui fait confondre avec

L’ivresse aux flancs d’un coteau grec

La vertu des vieux ceps de France...

 

 

Octobre

 

Tandis que, muni de ma gaule,

J’abats des faînes et des noix,

Ou que je laisse errer mes doigts

Dans la chevelure d’un saule,

 

Héritier su sol de la Gaule,

Mon garde, jaloux des exploits

De Messire Robin-des-Bois,

S’en va, le fusil sur l’épaule.

 

Des blondes nymphes, Dieu merci,

Il n’a mémoire, ni souci:

Un tout autre dessein le pousse!...

 

Il s’est promis avec orgueil

De me consacrer le chevreuil

Qui dansait, hier, sur la mousse.

 

 

Novembre

 

Je m’en reviens de l’Au-delà

Où le Dante aux pâleurs d’argile,

Entre Béatrice et Virgile,

Avant son heure s’exila.

 

Trève à ta grinçante guzla,

O Vie à la barque fragile...,

Tu me dois respect et vigile:

- Dies irae, dies illa! -

 

Je sanglote à toutes les portes:

Autant de morts, autant de mortes

Que de feuilles sur mon vieux lit!...

 

Leurs tombes?... le temps les délabre:

Faut-il que ma danse macabre

Ait pour chef d’orchestre l’Oubli!...

 

 

Décembre

 

A l’humilité, quel hommage!

L’Enfant par le ciel envoyé

Voulut me faire, à son image,

Plus pauvre qu’un roi dépouillé!...

 

Mon palais?... la crèche!... Mon page?

Le vent au costume éraillé,

Mais voici que, dans un nuage,

L’étoile du pâtre a brillé;

 

Et qu’une insigne voix de songe

M’a dit: “Tout sur terre est mensonge,

O gueux sans gite et sans deniers;

 

Chéris ta part, - la plus prospère! -

Les premiers seront les derniers

Dans le royaume de mon Père.

 

 


 

 


 

 

Cahiers Mensuels Illustrés

 

(1926, Tome 4, p. 52) 

 

Sous bois

 

Venez!... Les grands bois ont déployé leurs tentures

Et l'air est comme une onde aux musiques d'argent

Où, sevrés de poncifs et de littératures,

Nos coeurs s'évaderont hors du siècle affligeant.

 

Nous glisserons, ainsi qu'on vogue dans un rêve,

Sur les mousses d'or vert où le treillage bleu

De l'ombre aux chauds parfums de résine et de sève

Est le réseau sans fils des papillons de feu.

 

Venez!... nous pousserons, comme un troupeau de chèvres

Nos caprices, nos voeux, nos désirs devant nous!

Et l'Amour, appuyant sa flûte sur nos lèvres,

Mettra, sous son regard, nos âmes à genoux!...

 

Vous serez le Daphnis de l'heure émerveillée

Dont la voix qui se mouille  a la saveur du miel,

Et vous me cueillerez à même la feuillée

Les bluets de l'azur et les roses du ciel.

 

Le bel été qui passe heureux nous sollicite!...

Venez!... nous relirons Lamartine et Samain,

Près d'une source en pleurs où le silence habite,

Où le sein lumineux d'une nymphe palpite!...

- Et vous boirez de l'eau dans le creux de ma main! -

 

******************

 

Anthologie des Matinées Poétiques de la Comédie Française, Tome 2 (Louis Payen, 1927)

 

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20/01/2012
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