Dubrau (Louis) 1904-1997
Louis Dubrau
1904-1997
Trois poèmes publiés dans l'anthologie de Jeanine Moulin
Amour
Donc, il serait venu le temps de cet échange,
De ce dommage à deux,
De ce saccage au goût de miel.
Nous sommes dissemblants autant que ces jeux d'ombre
Qui traînent au travers de champs ensoleillés,
Mais nous nous ressemblons, sitôt les yeux fernmés.
Donc, il serait venu le temps de cet échange
- Transfuges en mal d'inconnus -
Saison de revêtir nos coeurs de nos corps nus.
Le temps s'est arrêté suspendu en nous-mêmes.
Enfant... tu peux encore choisir
Au détour du mirage
La fuite, le regret, l'adieu que boit le vent...
Poèmes, 1940
Cinquième saison
(extraits)
...Toujours à travers moi les voix hélaient un autre
car chacun ne voulut connaître qu'un reflet,
un sosie ennemi de ma nudité pure,
une image usuelle en ses yeux rassurés.
Je fus seule à savoir le poids de mon squelette
unique et dénudé de ses muscles sournois.
Arabesque et charpente, ô frères siamois
que recouvrir d'un seul suaire,
vous tomberez parmi des poudres de satin,
cendres mêles,
et des ferments de fleurs fanées,
ces déchets du coeur souverain.
Des genoux religieux creuseront des sébilles
dans les terreaux amoncelés
piquant d'une croix vos mirages.
Je n'aurai su ni bien, ni bonheur ni pays.
La douleur même en me frappant se trompait d'âme,
visait le corps cloué palpitant à mon corps,
cloué vivant sur la seule croix à sa taille.
Je ne fus que le bois, je ne fus que les clous,
le calice et le ciel et le sel de la terre,
la bulle d'eau teintée aux soifs de chaque jour.
Pour une autre saison, 1948
Danse
Battez tambours noirs aux constantes funèbres.
Les ancêtres ont pris la place autour du feu.
C'est l'heure où les présents accueillent la Présence
Où la force du frère ainé descend en nous.
Déjà mon sang se fait plus rouge et plus rapide,
Mes gestes ont repris leurs fonctions de tueurs
Et mille fois mille ans la source de la vie
S'écoule entre les pieds écartés de ma mort.
Battez vos tambours noirs aux constantes funèbres.
Ma chair a reconnu son chant d'entre les cris.
C'est l'heure où le destin retourne à l'Origine
Et grave au creux des mains tous les noms oubliés.
Je ne suis plus au sol qu'une faim qui se livre,
Un désir rassasié par ses actes de foi,
Le temps est réversible et ma volonté d'être
Par mille fois mille ans retourne à l'Unité.
Ailleurs, 1956
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