Duportal (Marguerite): Le baiser d'adieu, août 1914
Marguerite Duportal
Née en 1869
LE BAISER D'ADIEU
On mobilise..... on part.
Sur le quai de la gare,
Près de ceux qui s'en vont, sans cris et sans bagarre,
Des groupes de parents, d'amis se sont formés.
Les futurs combattants, encore pas armés,
N'emportent, avec leurs deux paires de chaussures,
Qu'un peu d'argent, logé dans une poche sûre.
Mais leur meilleur bagage et le plus réchauffant,
Celui qui va tremper le coeur de ces enfants,
C'est le regard d'amour de tous ces yeux de femmes,
Et le dernier baiser où passeront leurs âmes.
On a tout ce qu'il faut pour vaincre, ayant cela !
Mère, soeur, fiancée, épouse, elles sont là...
Et chacune, étreignant fils, amoureux ou frère,
Fait un héros avec cette étreinte dernière !
Mots tendres, noms chéris, sont échangés, hâtifs...
A peine un mouchoir blanc sèche des pleurs furtifs :
- Au revoir, mon petit ! - Mon Jean ! - Bonsoir, soeurette !
- Bien des choses chez nous, Margot !
La classe est prête.
Un tout petit soldat, seul, presque un gosse encor,
Partait sans que quelqu'un donnât le réconfort,
A son être angoissé, d'une chaude embrassade !
Triste, il les regardait, les heureux camarades,
Et songeait, soupirant d'un grand soupir profond :
"Un bon baiser d'adieu, ce doit être si bon !"
Alors Margot - vingt ans, teint rose et franche allure
Vit le le frêle soldat à la pauvre figure ;
Et, comprenant d'instinct tout ce qui se passait
Dans le coeur isolé de ce petit Français,
Marcha vers lui, disant :"Vous n'avez donc personne ?
Eh bien ! Je vous embrasse ! et que ça claque et sonne !"
Sur chaque joue elle appuya sa lèvre en feu,
Et le petit soldat eut son baiser d'adieu.
Il cria :" Vivent les Françaises !" Les portières
Battirent, et le train courut à la frontière.
30 août 1914
Je n'ai pas trouvé trace de cette poétesse dans les anthologies. Quelues ouvrages en occasion sont disponibles sur divers sites. Les poèmes qui suivent ont été publiés sur des pages web telles que :
Autres poèmes
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CRÉPUSCULE BREF
Le soleil qui se meurt sur la mer enflammée,
n'a plus qu'un peu de pourpre à jeter loin de lui. Le chemin devient rose et, soudain refermée, l'anémone s'endort dans le couchant qui luit. Une poudre d'or mauve, ensable la colline, dont la crête, où l'on voit quelques arbres en rangs, par les troncs élancés, peints à l'encre de chine, dresse un grillage net, sur des lavis mourants. Ombré d'écume blanche au bord de l'échancrure, un grand nuage noir s'ouvre au ciel assombri et, l'insigne bénit, porté par la nuit pure, la médaille d'argent de la lune, sourit. |
http://lanniao.wordpress.com/2009/07/30/aquarelle/
Essai d’aquarelle
Je m’installe. J’ai là, dans une boîte ouverte,
La gamme des tons clairs ou foncés qu’il me faut.
Mon pliant met son x entre deux touffes vertes ;
Et, largement, sur mes genoux, luit, découverte,
La feuille blanche sans défaut.
Alors, avec lenteur, mon regard se déploie :
Au loin, sous le ciel clair, s’estompe un côteau bleu…
Dans un fouillis boisé des toitures rougeoient…
Ma main, qui s’aventure en frémissant de joie,
Commence à crayonner un peu
Le chemin que j’ai pris pour venir tourne à droite,
Et fuit, au second plan, vers des buissons serrés…
Sur la gauche, est un tremble où du soleil miroite :
Je cherche vainement quel tube de ma boîte
Contient ce reflet gris-doré…
De la place où je suis, tout le coeur du village
S’aperçoit, dominant un petit vallon frais ;
Le clocher de l’église émerge du feuillage ;
Et, colorant soudain de rose un blanc nuage,
Le chaud soleil descend en paix.
Miracle de beauté, de richesse et de vie.
Une lumière égale enveloppe à la fois
Les objets confondus qu’elle diversifie ;
Et l’atmosphère blonde à son tour unifie
Sentier, côteau, village et bois.
Marguerite Duportal ( Extrait-Le Prisme des heures. )
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