Faure-Alpe (Marguerite) Années 1920-1930
Marguerite Faure-Alpe
(Pseudonyme: Guy Faral, contraction de ses deux noms)
(Dates inconnues, années 1930-1940)
Peu d'informations sur cette poétesse
Voir le site "Mon Saint-Egrève" pour en savoir un peu plus.
"peintre amateur, poétesse, musicienne, institutrice à Proveysieux, épouse de Félix Faure assassiné par les Allemands en août 44"
Imagier, 1935
Le gui du chêne, 1942
Les marches du mauvais pays, 1945
Adamah, 1951
Poèmes extraits du recueil "Imagier", 1935
Lézard
Dans sa gaine de taffetas,
Plissée un peu aux entournures,
Couleur de noisette mal mûre
Un lézard neuf sort des gravats.
La pierre a chaud comme une joue...
Les flancs soumis aux paumes tièdes
D'un soleil doux qui les obsède,
La bête vibre et s'amadoue.
Un fil de langue happe le vent,
Un fil tout brun de langue agile,
Et vingt doigts, sur le sol fragile,
Griffonnent un dessin savant.
Ce printemps mol, fourbe et sucré,
Lui bat au coeur et à la gorge.
Vif et gaillard, il se rengorge
Et gonfle d'aise un cou nacré.
Mais la bise au long des pierrailles
Affile un tranchant de couteau...
Le lézard fuit, mince bateau,
Naufragé dans la moindre entaille.
Une rose
Une eau pure invisible en un cristal absent...
Y boit une tige bronzée
Où quelques griffes aiguisées
Semblent un fin travail en onyx rubescent.
Une rose isolée incline un peu le front:
Visage clair de femme blonde
Coupe dorée et vasque ronde
Où l'aurore a dormi, toute une nuit, au fond.
Emboîtement parfait de coquilles nacrées,
Conques de chair du même grain
Que la paume au creux d'une main,
D'un seul baiser, toutes vos lèvres échancrées
Je les rejoins. Et je goûte un subtil malaise
A vos senteurs tant perverties:
Thé, poivre et miel, vertes orties,
Oeillet, citron, parfum savant, souple synthèse.
La chanteuse
Le lac est doux; la barque y joue,
Beau cygne blanc, de poupe en proue -
Et l'eau la flatte et la caresse
Au clapotis de sa paresse,
L'eau mauve et bleue aux frissons verts
Où fond une coque à l'envers.
Une ombrelle, une femme en clair.
Une voix... La harpe de chair
Vibre de joie et de jeunesse.
Un long sillage de tendresse
Accompagne sur le flot lisse
Le chant solitaire qui glisse.
Gosier de femme, orgue si frêle
Et si puissant, de l'air rebelle
Et de ta chair, fais un beau chant.
Sonne aussi clair qu'un luth d'argent.
Métal d'une gorge fragile,
Miracle de l'humaine argile.
Il est temps... Hâte-toi, chanteuse.
Un jour, dans ta poitrine creuse,
Le souffle faiblira. tes dents
Trahiront le poème ardent.
Au fond de ta bouche angoissée
Trembleront les notes faussées.
Hâte-toi de chanter. Bientôt,
L'orgue geindra sous tes sanglots
Et bramera toutes tes plaintes.
Tué de pleurs, cassé de craintes,
Il hennira son dernier son...
- Le grand silence sera long.
Orage dans la nuit
Un cauchemar profus ensinistres grimaces
M'éveille dans le noir. Et j'écoute au dehors
Se quereller, rageurs, les seigneurs de l'espace,
Disputant, dans la nuit, la chance du plus fort.
Le vent, peinant et suffocant, prend l'étendue,
Pour y sécher en paix sa lessive de draps
Qui claque durement sur tous les fils tendus
A travers l'invisible, et qui frappe, et qui bat...
Tellement il les tend et les tire, ces toiles,
Qu'en longs déchirements, une à une, il les fend.
Mais alors, harassé, et transi jusqu'aux moelles,
Il sanglote tout bas, honteux comme un enfant.
Et la pluie abondant en consolants murmures,
En rébus susurrants se répand à mi-voix,
Et puis, compatissante à la mésaventure,
Pour réparer le mal, dispose sur le toit
Ses grands métiers battants de fuseaux et d'aiguilles
Frappés à menus chocs par des milliers de doigts.
D'un trait bref, en zigzag, d'un rasoir qui scintille,
L'éclair éblouissant coupe toutes les trames.
La foudre, à coups de pic, sur les montants s'acharne
Et lance au fond du soir les lourds débris roulants.
La pluie assiste en pleurs au bref écroulement
De son oeuvre d'amour - et l'éclair la poursuit
Tandis que, gémissant, le triste vent la suit,
Tous deux chassés par un tonnerre sanguinaire
Qui leur jette sa haine et ses plus lourdes pierres.
Et dans le cauchemar où somnole à demi
Mon corps pesant, je suis cette femme punie
Qui se lamente et pleure et lisse à doigts tremblants
Sous le ciel inclément, l'averse avec le vent,
Cependant que farouche, un couteau rouge aux dents,
Le destin la pourchasse et désire son sang.
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