Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Fleurs ou Feurs, Philiberte de (16ème)

Philiberte de Fleurs

 

Fleurs 4.jpg

 

Les Soupirs de la Viduité

Début du Poème publié dans 

Juvigny.png

en 1772

 

Mon coeur, surpris d'une extrême tristesse,

Fais, ô mon Dieu, qu'à toi ma voix j'adresse,

Te suppliant n'avoir à déplaisir,

Si, par ces vers, faits à peu de loisir,

Je tâche au vrai d'exprimer et d'écrire

Ce que mon coeur affligé ne peut dire,

Puisque je suis privé de celui

Qui était mien, et moi seule pour lui,

Seule pour lui réservée et choisie,

Pour, de tous points, vivre à sa fantaisie, etc..

 

Et un peu après

 

Celle tient nom d'une prudente et sage,

Qui a l'honneur écrit sur son visage.

 

Et en un autre lieu

 

Etant pourvu d'un bon entendement,

S'était acquis un parfait jugement

En Poésie, ès accords de Musique

Puisés au fond de la Mathématique.

Bref, il était accompli et parfait,

Chacun l'a pu connaître par effet;

Car s'il voulait se commander de faire

Quelque discours de sérieux affaire,

Il en sortait, au grand étonnement

De qui l'oyait plus ententivement.

Moi donc, étant heureusement réduite

Sous son pouvoir, par sa sage poursuite,

Lui obéis l'espace de dix ans,

Avecques l'heur qu'ores plus je n'attends;

J'attends plutôt de voir finir ma vie

Par ce regret, qui, fâcheux, m'y convie.

Mais de quoi sert ce triste lamenter?

Le Ciel l'a pris, le Ciel se peut vanter

D'avoir acquis, en son son brillant empire,

Un astre beau, que l'on verra reluire,

Quand Jupiter, rendant le temps serein,

Voudra ouvrir sa libérale main

A nous humains, chassant par les orages

Le voile obscur des vagabonds nuages,

Tandis que moi chétive, de mes pleurs,

Ferai pleuvoir une mer de douleurs.

Las! trop et trop te renforce ma peine,

Bien qu'elle soit inutile et vaine;

Mais toute femme éprouve ce moyen,

Bien qu'elle ait su qu'elle ne sert en rien,

Sion d'outrer, à son propre dommage,

Les actions du féminin courage.

Jamais bon coeur, aimant sans fiction,

Ne peut souffrir, sans démonstration,

Une douleur extrêmement cruelle, 

Comme j'éprouve, et la puis dire telle,

Ayant perdu tout l'espoir de mon mieux,

Comme mon coeur témoigne par mes yeux.

Or, ai-je beau me fâcher et me plaindre,

Sans toi, mon Dieu, je ne saurai restreindre

L'oeil fontaineux, ruisselant cette humeur,

Qui ne permet receler ma douleur.

Je te prie donc, donne-moi patience;

Je t'ai assez, par vraie expérience,

Reconnu en autre adversité;

Use envers moi de telle charité,

Que je te puisse encore être agréable,

Te connaissant tout bon et admirable,

A celle fin qu'en mes plaintes et cris

Je ne t'offense, et moins par mes écrits,...

 



03/10/2013
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