Fleurs ou Feurs, Philiberte de (16ème)
Philiberte de Fleurs
Les Soupirs de la Viduité
Début du Poème publié dans
en 1772
Mon coeur, surpris d'une extrême tristesse,
Fais, ô mon Dieu, qu'à toi ma voix j'adresse,
Te suppliant n'avoir à déplaisir,
Si, par ces vers, faits à peu de loisir,
Je tâche au vrai d'exprimer et d'écrire
Ce que mon coeur affligé ne peut dire,
Puisque je suis privé de celui
Qui était mien, et moi seule pour lui,
Seule pour lui réservée et choisie,
Pour, de tous points, vivre à sa fantaisie, etc..
Et un peu après
Celle tient nom d'une prudente et sage,
Qui a l'honneur écrit sur son visage.
Et en un autre lieu
Etant pourvu d'un bon entendement,
S'était acquis un parfait jugement
En Poésie, ès accords de Musique
Puisés au fond de la Mathématique.
Bref, il était accompli et parfait,
Chacun l'a pu connaître par effet;
Car s'il voulait se commander de faire
Quelque discours de sérieux affaire,
Il en sortait, au grand étonnement
De qui l'oyait plus ententivement.
Moi donc, étant heureusement réduite
Sous son pouvoir, par sa sage poursuite,
Lui obéis l'espace de dix ans,
Avecques l'heur qu'ores plus je n'attends;
J'attends plutôt de voir finir ma vie
Par ce regret, qui, fâcheux, m'y convie.
Mais de quoi sert ce triste lamenter?
Le Ciel l'a pris, le Ciel se peut vanter
D'avoir acquis, en son son brillant empire,
Un astre beau, que l'on verra reluire,
Quand Jupiter, rendant le temps serein,
Voudra ouvrir sa libérale main
A nous humains, chassant par les orages
Le voile obscur des vagabonds nuages,
Tandis que moi chétive, de mes pleurs,
Ferai pleuvoir une mer de douleurs.
Las! trop et trop te renforce ma peine,
Bien qu'elle soit inutile et vaine;
Mais toute femme éprouve ce moyen,
Bien qu'elle ait su qu'elle ne sert en rien,
Sion d'outrer, à son propre dommage,
Les actions du féminin courage.
Jamais bon coeur, aimant sans fiction,
Ne peut souffrir, sans démonstration,
Une douleur extrêmement cruelle,
Comme j'éprouve, et la puis dire telle,
Ayant perdu tout l'espoir de mon mieux,
Comme mon coeur témoigne par mes yeux.
Or, ai-je beau me fâcher et me plaindre,
Sans toi, mon Dieu, je ne saurai restreindre
L'oeil fontaineux, ruisselant cette humeur,
Qui ne permet receler ma douleur.
Je te prie donc, donne-moi patience;
Je t'ai assez, par vraie expérience,
Reconnu en autre adversité;
Use envers moi de telle charité,
Que je te puisse encore être agréable,
Te connaissant tout bon et admirable,
A celle fin qu'en mes plaintes et cris
Je ne t'offense, et moins par mes écrits,...
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