Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Poétesses d'expression française (du Moyen-Age au XXème siècle)

Force (Caumont de la) 1650-1724

Mlle Caumont de la Force

1650-1724

 

 

Les Fées, Conte des Contes

 

 

 

Epître à Madame de Maintenon

(extraits)

 

J'admire, j'applaudis aux ordres du destin

Qui seul te conduisit par un si beau chemin;

Car enfin de ce sort, maintenant si propice,

Tu n'as que trop senti l'ordinaire injustice;

Et même il t'en souvient, sa babare rigueur

Te semblait en naissant destiner au malheur.

Dans cet âge innocent le Ciel sur ta défense,

Il arma de secours ta précieuse enfance;

Au berceau même, égale au fils de Jupiter,

Comme lui tu trouvas des monstres à dompter.

Aux plus hauters vertus tes aveux t'animèrent;

Minerve t'instruisit; les Grâces te formèrent;

Le revers qui frappas ton illustre Maison,

Ne put, en l'ébranlant, étonner ta raison.

De ce triste climat tu passas dans un autre;

Un nouveau monde vit la merveille du nôtre;

Mais un sort si cruel devait bientôt changer;

Pouvais-tu respirer sous un Ciel étranger?

Tu revis ton Pays; et bien qu'en ta Patrie,

Le sort n'eût point encore épuisé sa furie,

Ton coeur de tant de maux n'était point abattu,

Et dans chaque action marquait une vertu.

C'est par de tels malheurs supportés sans faiblesse,

Que les ordres du Ciel, l'éternelle Sagesse,

Eprouvant chaque jour ta constance et ton coeur,

Préparait en secret ta future grandeur:

Ainsi contre le sort remportant la victoire,

Tu passas tout d'un coup au comble de la gloire.

 

 

(L'établissement de Saint-Cyr)

 

Un Temple magnifique élevé par tes soins,

De la tendre innocence éloigne les besoins;

Noble et riche dessein d'une âme généreuse,

Durable monument d'une gloire pieuse,

Illustre ambition d'un coeur comme le tien,

Et de siècles futurs éternel entretien!

Sexe  trop malheureux, filles, dont l'indigence

Corrompt souvent les coeurs, et séduit l'innocence;

Ne craignez plus le sort contre vous déclaré;

Maintenon vous assure un asile sacré.

Vous qui veillez sans cesse au soin de vos familles,

Mères, ne tremblez plus au destin de vos filles;

Et méritant les biens qui leur sont réservés,

Bénissez l'Héroïne à qui vous les devez.

 

 

 

Dans Joseph de la Porte: Histoire littéraire des femmes françaises, 1769, Tome 2, p. 367

 

 



30/06/2012
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