La brume qui descend des cimes, le rivage Là-bas étincelant, les oliviers sauvages Aux talus des chemins, le funèbre mouffia Chevelu, qui se penche avec un geste las Sur la gorge où, parmi les lames des agaves, Le soleil de juillet empourpre les goyaves. Tout nous garde en ces lieux le souvenir, l’écho Du chantre harmonieux des graves filaos. Son ombre nous accueille au pied de la colline : Elle nous guide par les abruptes ravines, Jusqu’au sous-bois humide et toujours frémissant De la mélodieuse et pénétrante plainte Que le vent, prolongeant son amoureuse étreinte, Arrache, en longs soupirs, à l’arbre frissonnant. De songes innommés, les formes impalpables Suivaient à pas légers, sous les épais taillis, L’enfant mêlant son rire au cri des bengalis : Et, de mystiques voix, aux accents ineffables, Ont ému de l’écho de leurs syllabes d’or L’adolescent rêveur qui s’ignorait encor. Ta Muse habite, ô Dierx ! ces chastes solitudes, Comme le Paille-en-Queue, aux sombres altitudes S’enfuit pour retrouver l’odorante forêt Que rétrécit le flot montant et vert des cannes, Ainsi tu t’isolais des riantes savanes Pour livrer, seul, aux bois, ton musical secret. Ta lyre est accordée à la triste fontaine Qui sanglote sans bruit et s’écoule incertaine A l’ombre chuchotante et glauque des bambous : Dans le branchage obscur et grêle des jamroses Où se suspend la ronce et le nid du bec-rose, J’entends vibrer ton chant mélancolique et doux. Ton âme s’est mêlée aux sauvages ramures, Elle exhala l’encens de leurs âcres parfums : Elle garda ce goût de marine salure Que le vent, vers la sylve, emporte avec l’embrun ; Elle s’irradia des vagues flamboyantes Qui se brisent au pied de la falaise ardente Et lavent sans arrêt ses flancs lisses et bruns.
Un jour, par le sentier qui descend vers la plage, Sur ce vieux banc moussu, pensif, tu vins t’asseoir : Ton regard enivré d’ambitieux mirages Erra sur l’Océan peut-être sans le voir ; Comme l’oiseau de mer vers le large s’élance, Ton rêve éblouissant mesurait la distance, Qui t’éloignait d’un But. Le sublime horizon Devint pour toi, dès lors, le mur de ta prison. O Poète ! Ta voix résonne inoubliée ! Le plus rare laurier fut tien. Mais tour à tour La Gloire et la Douleur et la Mort et l’Amour, Ces graves Séraphins aux ailes repliées, Sévères, t’ont fermé, vigilants, et subtils, L’Eden que tu laisses pour le pays d’exil. Tu ne revins qu’un jour aux scintillantes grèves, T’imprégner un instant des senteurs et des sèves. Du verger tropical et des vierges sommets : Mais, de ton beau Destin, prisonnier, sans murmure, Tu repartis, hélas, meurtri de la blessure Que fait saigner en nous un éternel regret. Or, à Paris, un soir de triste et froide brume, Il a revu soudain la splendeur qui s’allume De l’aube au Crépuscule en l’ancestral jardin. Alors, pour enchanter son âpre nostalgie, Il dit l’hymne berceur et la mélancolie
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